Le grand Jeff Martin, leader de la formation canadienne The Tea Party, trimballait son spectacle solo au Corona de Montréal le 26 janvier dernier. C’est devant une salle comble, mais confortablement assise, que celui que l’on surnomme « The Captain » allait nous démontrer son immense talent de guitariste et de chanteur lors des treize pièces qui seront interprétées ce soir-là. Treize pièces, ça peut sembler court, mais Martin se permet de longs apartés entre les morceaux pour nous raconter toutes sortes d’histoires touchantes sur son fils, sa maison en Irlande et ses comparses de The Tea Party durant la folle époque des Edgefest et de Muchmusic.

Jack Bratt de Bristol en Angleterre assurait la première partie. Auteur-compositeur qui m’était inconnu mais qui épate aussitôt par son jeu de guitare et sa voix chaleureuse. L’artiste se situe quelque part sur le spectre entre Jonny Lang et John Mayer. Son Folk-Blues avec des boucles (loop) est par contre un peu terne et non inspiré. Les boucles empêchent les surprises ou les changements, les pièces se font longues alors que Bratt s’évertue à nous démontrer ses talents de guitariste soliste dans des chansons sans refrain ni partie forte. Le mec a une gueule sympathique et une confiance digne des plus grands, il n’apparaît aucune once de nervosité dans sa performance. Le spectacle est tout de même très agréable même si au final aucune pièce n’est réellement sortie du lot.

Jeff Martin avec son aura mystique nous proposera deux parties. Premièrement, le public montréalais aura droit à des pièces de ses efforts en solo beaucoup moins connus mais chaque fois prisés par les fans dont je suis l’un des représentants fidèles. La deuxième partie sera quant à elle consacrée à plusieurs des succès qui l’ont rendu célèbre et qui meublent les spectacles de The Tea Party partout sur le globe depuis une trentaine d’années déjà.

« Kingdom is calling » sera le premier morceau de la soirée dans laquelle « Imagine » de John Lennon aura été intégré, processus de plus en plus fréquent dans les spectacles de Jeff mais aussi chez The Tea Party. Il nous racontera par la suite son désarroi au sujet de la deuxième pièce « Angel dust » alors qu’il aura dû se googler afin de se rappeler comment jouer la pièce. Un Danois avec qui il a été en contact sur le Web lui permettra de rafraîchir sa mémoire et d’enfin pouvoir réintégrer la pièce aux concerts. Les pièces s’enchaînent ensuite avec « Stay inside of me », « Lament » et « Day star » alors que Martin impressionne avec son falsetto toujours aussi juste et sa maîtrise des dynamiques. Il interpréta deux autres pièces avant l’entracte comprenant des bribes de « In my time of dying » et « Whole Lotta love » de Led Zeppelin après nous avoir raconté la fois où il aura dû mettre le grand Jimmy Page au lit, et l’embrasser sur le front, après une soirée définitivement trop arrosée.

La deuxième partie débuta avec « Coming home » dans laquelle est insérée une courte partie de « L.A. Woman » des Doors. Arrivant deuxième, « The Bazaar » provenant de l’album «The edges of twilight » l’une des chansons les plus représentatives de ses talents de guitariste était un passage obligé et grandiose. L’excellente « Requiem » allait suivre alors que l’artiste s’excuse d’interpréter une chanson triste, et pour nuire à sa cause, il y intégrera « Hurt » de Nine inch Nails version Johnny Cash. Alors que tout finit toujours par faire sens, il nous racontera ensuite la fois où en Australie en 1993, Jeff Buckley s’occupa des lumières d’un des spectacles de The Tea Party. Le lien se fait évident alors que Martin entame les premiers accords de Hallelujah, pièce de Leonard Cohen dont Buckley a fait la reprise la plus magistrale qui soit. Le grand succès « The Messenger » originellement de Daniel Lanois annonçait tranquillement la fin du spectacle avant que « The Badger » soit présenté à un public qui aurait pu en absorber encore pour une heure. Le rappel, à lui seul, valait le déplacement alors que Martin se lança dans « Rakim » pièce du duo anglais Dead Can Dance avant d’y intégrer la fameuse introduction de « The Halcyon days » titre originellement interprétée avec un oud, instrument du Moyen-Orient dont Jeff Martin est friand et qui rajoute à la mystique de son groupe. Finalement, le triptyque s’est clos avec « Sister awake » pour raviver la nostalgie d’une salle encore parfaitement pleine. Pas une seule âme ne s’était éclipsée. Jeff Martin n’a plus rien à perdre, et surtout plus rien à gagner. Il est infatigable. Il démontre une sagesse hors du commun et un contrôle stupéfiant. Jeff Martin est toujours parfaitement sur son axe.