L’évènement The Decibel Magazine Tour était de passage à Montréal dimanche dernier pour nous présenter une excellente brochette de formations incluant Khemmis, Myrkur, Wolves in the Throne Room et Enslaved. Nous avons eu droit à un concert relativement intime, le Corona avait d’ailleurs fermé ses gradins pour la soirée.

Des retards dans la programmation

J’arrive à 18 h 30 et une longue file d’attente m’attend à l’extérieur avant de pouvoir entrer dans la salle. Une projection du mini-documentaire ENSLAVED25, qui souligne les 25 années d’existences du groupe, avait été annoncé par les organisateurs avant le spectacle. Bien qu’à peine commencé lorsque j’arrive à l’intérieur du Corona vers les 19:00, il est malheureusement impossible à écouter. Le son est mauvais et je ne comprends rien de ce qui y est raconté. Le premier spectacle débute à 19 h 30, soit environ trente minutes plus tard que prévu.

C’est la formation Khemmis qui a la tâche d’ouvrir la soirée. Il s’agit du seul groupe que je ne connais pas, je n’ai donc aucune attente spécifique envers eux. Ils interprètent au total quatre chansons, en débutant avec Candlelight, poursuivant avec Three Gates, Isolation, pour finir avec The Bereaved. Leur musique doom combine un rythme lent et des tonalités lourdes à du clean vocals, ce qui en fait un mélange intéressant et particulièrement rafraichissant. Leur courte performance d’à peine trente minutes m’a semblé passée à toute vitesse! Il s’agit d’une très belle découverte et mon coup de cœur de la soirée.

Une baisse d’intensité progressive

Après cet excellent début de programmation, c’est au tour de Myrkur de nous surprendre. La qualité du son est au rendez-vous, et ça met vraiment le chant si distinctif de la chanteuse en valeur. Elle nous offre des morceaux provenant de ses deux albums, incluant The Serpent, Ulvinde et Elleskudt. Bien que la musique soit en tout point irréprochable, j’ai été un peu déçu par la performance comme telle. Myrkur est un projet solo, donc tous les musiciens, à l’exception de la chanteuse elle-même, sont des contractuels et j’ai trouvé que ça se ressentait: ils n’apportent aucune substance sur scène. Myrkur elle-même était particulièrement minimaliste en termes de présence scénique: ça variait entre être debout et s’accroupir, il n’y avait aucune interaction avec la foule. Musicalement parlant, c’est vraiment très bon, mais il manque l’aspect «spectacle» pour m’accrocher. Ce qui se voulait sans doute comme une prestation contemplative est, à mon avis, tombé à plat. Je vais tout de même continuer à apprécier Myrkur dans le confort de mon salon, puisque sans être une bête de scène, elle demeure une artiste de grand talent.

Vient ensuite Wolves in the Throne Room et leur black métal atmosphérique. Je connaissais déjà un peu le groupe avant de les voir au Corona et j’ai bien aimé leur prestation dans l’ensemble. La formation originaire de Washington a une bonne présence sur scène avec leurs headbangs synchronisés, ce que j’apprécie toujours en spectacle. Une mention spéciale à Aaron Weaver qui a donné une excellente performance à la batterie. À l’exception de I Will Lay Down My Bones Among the Rocks and Roots, tiré de l’album Two Hunters, les autres morceaux proviennent tous de leur plus récent opus Thrice Woven, sortis en septembre 2017. Seul bémol à ce qui est sinon une expérience agréable est la longueur de certains passages ambiants. Leurs mélodies black métal sont régulièrement entrecoupées par des parties plus ambiantes, et s’il ne s’agit pas d’une surprise pour Wolves in the Throne Room, j’ai trouvé que durant le spectacle, les parties ambiantes trainaient en longueur et faisait décrocher la foule. Pour les moins attentifs, il était facile d’imaginer que certaines chansons étaient terminées, à un point tel que les conversations ont repris plusieurs fois durant leur performance. Néanmoins, il y eut un moshpit de taille appréciable pendant une partie de leur prestation, et plusieurs personnes dans la salle semblaient vraiment très heureuses du spectacle auquel ils assistaient.

La tête d’affiche doit réchauffer la foule de nouveau

L’énergie était plutôt basse au Corona à 22 h 30 lorsque Enslaved fit finalement son arrivée. Plusieurs personnes, dont moi-même, refoulaient les bâillements. Les membres se montrent un à un sur le podium, mais les applaudissements semblent polis et forcés. La foule est passablement inerte, et malgré leur statut de tête d’affiche, Enslaved se doit de réchauffer la salle à nouveau. À l’image des deux spectacles précédents, le son est excellent, mais la performance plutôt inégale. Le guitariste Ivar Bjørnson est très statique sur scène et bouge à peine, ce qui contraste fortement avec Arve Isdal qui, torse nu, semble être au sommet de sa forme. Il est en effet extrêmement actif; il headbang vigoureusement et se remue sans cesse. Son énergie (nécessaire!) fait vraiment plaisir à voir. Grutle Kjellson, quant à lui, s’adresse à plusieurs reprises à la foule, dont une fois en français pour dire «bonjour», soulignant ensuite qu’il s’agit de sa limite du langage québécois. Quoique classique, ce genre d’interaction me fait immanquablement sourire, puisque ça démontre un intérêt envers les gens qui se sont déplacés pour les voir. Considérant leur performance d’à peine 45 minutes, Enslaved interprète des pièces provenant de plusieurs albums différents tout en mettant l’emphase sur leur excellent dernier opus E. Dans l’ordre, ils ont joué Storm Son, Roots of the Mountain, The River’s Mouth, Vetrarnótt, One Thousand Years of Rain, Sacred Horse, et ont terminé avec Isa (ma préférée). Malgré une foule un peu tranquille au début de leur prestation, Enslaved a tout de même donné une bonne performance, ce qui a remonté l’énergie de la salle d’un cran avant la fin de leur spectacle.

Les quatre groupes à l’affiche formaient un ensemble cohérent d’excellents artistes à faire jouer lors d’une même représentation, mais le rythme lent, la rareté des interactions avec la foule, et le manque d’énergie sur scène auront eu raison de mon propre enthousiasme, et personnellement, je suis sortie du Corona plus fatigué que ravi. S’il ne s’agit pas du meilleur spectacle de l’année, j’espère néanmoins avoir bientôt l’occasion de revoir Khemmis et Enslaved dans une prochaine programmation.

Texte: Isabelle Sullivan

Photos: Martine Labonté