Groupe: Burning Circle

Album: Aral sea (EP, 4 pistes)

Label: SPM Music, 7 juin 2015

J’entretiens intimement cette philosophie de vie qui m’amène à regarder autre chose et ailleurs. C’est l’apanage des gens curieux et passionnés de culture. Et puis, le monde est si vaste! Pourquoi se satisfaire d’un sandwich en plein désert lorsque l’on peut savourer un osso buco pendant un petit voyage en Sicile? La question se pose également pour la culture et la musique en particulier.

Ce matin, lors de mon magasinage de musique numérique sur Bandcamp, j’ai déniché une petite pierre polie en provenance de la Serbie. Il ne s’agissait pas d’une émeraude ni d’un diamant, mais plutôt d’un petit gemme plein de potentiel. Burning Circle, un sextuor de Ruma, vient tout juste de mettre en ligne Aral Sea, un premier EP empli de surprises les plus diverses.

Décrire le court album de 4 pistes et 17 minutes dans son ensemble est un peu trop réducteur. Il est fort probable que je passerais totalement à côté. Je procéderai donc par titre pour vous mettre fidèlement au parfum. La piste 1, intitulée March of the righteous, est un morceau dans la veine du célèbre groupe de routards chevelus armés de guitares flying ‘V’ connu sous le nom de Megadeth. En bon américain: «does it ring a bell?». Vous me demanderez: «comment oses-tu faire le rapprochement entre du progressif serbe et du speed metal américain, ce sont deux bêtes assez différentes, non?». La question se pose. Bien entendu, les solos de guitare de Marko Veljkovic ne s’enchaînent pas aussi vite et aussi fréquemment que ceux de Dave Mustaine, évidemment. Qui connaît Megadeth sait qu’il faut plus que cinq doigts pour compter le nombre de solos dans une seule chanson du groupe. J’oserais toutefois avancer que cette chanson isolée a un côté speed metal qui rappelle la bande de L.A. par sa rapidité, ses hurlements de guitares à en déformer un bras de vibrato et l’usage effréné de la double pédale de la grosse caisse.

Vient ensuite la pièce Treasure in the attic, un morceau plus hard rock qui me fait penser, ma foi, à Soundgarden, ce génial groupe de Seattle qui n’a de semblable que dans un monde parallèle dans un univers encore inconnu. Dans cette chanson, les sauts d’un motif à l’autre ne peuvent qu’évoquer la guitare de Kim Thayil (pour qui connaît également la formation américaine de l’époque grunge, il suffit de substituer la voix d’Aleksandar Stojkovic par celle de Chris Cornell et l’illusion est parfaite).

Puis, vient la douce et subtile pièce Lullaby, un morceau piano+voix fort poétique et sensible qui, même s’il nous emporte, n’a pas réellement sa place dans un album aussi court et si peu thématique. Bon, il se peut bien que la pièce en question soit un interlude, mais comment peut-il y avoir un interlude dans un album de moins de 20 minutes, je vous le demande…

La véritable voix de Burning Circle peut toutefois se distinguer dans le morceau final intitulé Aral sea, une pièce à cheval entre le métal progressif et le métal oriental (i.e.: Arkan, Kartikeya, Nile, Behemoth). Il y a dans cette chanson un son et une composition unique que la formation aurait davantage à adopter dans le futur. Pleine d’énergie et de rythme, l’ambiance de cette dernière brique évoque fort bien la pochette de l’album où sont échouées deux épaves en plein désert. C’est le morceau qui, moi, m’a fait plané.

Quoi qu’il en soit, cette nouvelle formation (formée tout de même en 2006!), a ses charmes et j’ai su y succomber. Le mixage et la réalisation de l’album en général sont très convaincants; rien ne dépasse ni ne manque. Les membres du groupe ont aussi — et cela s’entend — une aisance et une maîtrise innée pour leur instrument. C’est fort probablement ce qui crée chez eux la plurimusicalité manifeste de ce premier disque et ce qui permet au tout d’être associé au genre progressif, malgré sa sonorité pluraliste et non fixée qui varie du style rock de la vague Seattle au stoner rock, en plus des étalages de claviers, de piano et d’orgue qui s’échouent sans corne de brume en plein cœur d’un morceau.

Cependant, si à toute critique il y a du bon, il y a aussi un aspect auquel tout chroniqueur doit se coller: l’évaluation des points faibles. Si, comme mentionnés plus haut, les styles de Burning Circle diffèrent d’une piste à l’autre (et ce, pour le mieux), un point fait toutefois défaut à la formation: la voix de son chanteur. Par moment, on croirait que le leader serbe aspire à donner une performance de sludge ou de stoner rock. On l’image fort bien s’égosiller dans un petit bar sombre embrumé par une épaisse fumée de cigarette, bière à la main. Or, les passages «clean» qui composent majoritairement les morceaux sont efficaces et bien rendus (surtout lorsque les «backing vocals» de Nena Veljkovic les accompagnent). Il est parfois dommage que Stojkovic se donne, quoi que de façon  très brève, à un chant rauque à la Javyer López de Cabeza de caballo qui ne rend pas justice à son organe pourtant bien pourvu (et je parle de voix, hein!).

Et puis, zut! Si ce n’est de ce petit accroc, j’ai grand espoir que Burning Circle perce dans le cercle musical progressif européen. À espérer qu’une oreille bien sensible entende mon appel et endisque ce groupe plein de promesses et de talent. Pour l’effort, la structure interne de chaque piste et la polyvalence des musiciens, j’attribue un franc 8 sur 10 à ce premier petit bijou (un 8.5/10 si j’omets les rares passages vocaux qui me plaisent moins).

Note: 8/10

N.B.: Pour les fans de Cabeza de Caballo, de Soundgarden et/ou  de Megadeth qui souhaiteraient un jour assister à un concert improbable livré par ces trois formations…

Dany Larrivée

2 juillet 2015

Chroniques parues simultanément chez Daily Rock Québec et Clair & Obscur (France)