Une automobile sport, conduite par Dave Grohl, se dirige vers à 120 km/h en direction d’une mini-van type Scooby-Doo avec à son bord Andrew Stockale, la bande de Wolfmother, Steve Brooks et les membres du groupe américain Torche. Craig Nicholls, le chanteur du groupe The Vines, en rade sur une voie ferrée qui joint perpendiculairement la grande route où nos deux autres zigotos roulent à toute allure, tente désespérément de se dégager afin de ne pas être embouti par les deux véhicules qui arrivent de part et d’autre. Si la voiture des mecs de Wolfmother avance elle aussi à 120 km/h et qu’une distance de 2 km sépare les deux voitures à l’extrémité du parcours, combien de temps cela prendra-t-il avant que le chanteur grunge atteint de la maladie d’Asperger rencontre malencontreusement les diaboliques bolides qui foncent sur lui?

Question mathématique à laquelle on ne veut pas nécessairement de réponse. Cependant, je vous poserais une question connexe: si les Foo Fighters, Wolmother, Torche, The Sword et The Vines devaient se rencontrer, quelle musique en résulterait? Eh bien, ce serait quelque chose ressemblant possiblement à Novadriver, un excellent groupe de stoner dont il sera ici question.

Novadriver, paix ait leurs âmes, n’a pas donné signe de vie depuis la parution de l’album Deeper High en 2005. Selon mes propres recherches, les membres du groupe semblent plutôt investis dans la musique de façon secondaire, chacun ayant une carrière qui monopolise l’horaire de nos musiciens. Rachel May, une des deux guitaristes, travaillait jusqu’à tout récemment comme chroniqueuse et éditrice de la Detroit Free Press, alors que Billy Reedy vient d’entreprendre des études en psychothérapie la Michigan State University. Quant au chanteur Mark Miers, qui avait quitté la formation peu après le lancement de Void en 2001 pour se consacrer à d’autres projets, rejoint la bande en 2005, celui-ci disparaît de nouveau dans le brouillard quelque temps après. Et puis, James Anders, le fondateur du groupe et bassiste originel qui décède d’une attaque cardiaque quelque temps après le lancement de Deeper High. Vraiment, la bande n’était pas faite pour traverser le temps (bien que le thème du voyage dans l’espace-temps, lui, faisait partie intégrante de la musique de Novadriver).

Malgré cette absence de nouveau matériel depuis plus de 10 ans, il m’est toutefois fort agréable de découvrir à retardement cette formation. Et contrairement aux quelques critiques que j’ai consultés avant d’écrire mon propre papier, le premier album est celui qui retient mon attention. J’y trouve mon compte. De toutes les chansons écrites par Novadriver, End Of The Universe» est l’une de mes pièces favorites. Celle-ci possède un ton tout à fait Wolfmother, plus précisément dans la trempe de l’album Cosmic Egg (en fait, Cosmic Egg aurait plutôt une sonorité «novadriveresque», puisque celui-ci est paru a posteriori… mais bon, vous comprenez le principe!). L’album de Wolfmother, dont j’ai écouté l’intégralité pendant des mois suite à sa sortie en 2006, m’avait totalement charmé. J’y trouvais une énergie, une note de crasse comme je l’aime, et des riffs tout à fait enlevants. Tout y était. Avec ce tube, Novadriver mise également dans le mille. La voix de Miers est à la fois rétro et rauque, à la fois énergique et apathique, comme on le retrouve souvent dans le stoner qui se respecte. C’est toutefois dans la guitare que réside toute la puissance de cette musique. Des riffs très sales, très suintants, graisseux et couverts de mégots côtoient des «bends» et des «slides» de guitares qui décapent. À ce titre, les lignes de la sexy Rachel May et de Billy Reedy, l’autre fondateur du groupe, sont des hommages au bon vieux rock des années 1970. On y sent nettement l’influence du space rock d’antan.

«Rocket Superstar», un autre «hit» de ce premier opus, déménage lui aussi. On y retrouve une guitare shootée aux stéroïdes, une maîtrise des aigus et du trémolo comme on n’en trouve presque plus aujourd’hui. Ce morceau, qui puise son essence dans la musique très connue des maîtres-brasseurs/musiciens de The Sword, s’écoute toute seul. Elle descend comme une bonne gorgée froide et maltée le long du gosier.

Quant à la pièce «Shoot The Sky», il me semble qu’elle aurait pu être écrite par les Foo Fighters. Il me semble d’ailleurs qu’il y ait une place entre deux mesures pour un petit cri «à la Grohl», quelque part dans le refrain. Ce titre, tout aussi exquis que les deux autres mentionnés plus tôt, me fait taper du pied et me donner l’envie de descendre une seconde bière (bah quoi, j’en ai le droit, nous sommes jeudi soir!). Et puis, tant qu’à faire référence à l’époque grunge, à Grohl et compagnie, vous ne trouvez pas que la pièce «Void» sonne un peu Mudhoney? Moi, il me semble que ça sent le parfum de Mark Arm dans le studio…

Enfin, Void est pour moi un album de pur bonheur. Il y avait longtemps que je n’étais pas tombé sur du stoner de cette qualité. Les deux albums du groupe russe Pyton m’avaient conquis, les discographies de Down et Planet Of Zeus figurent également dans mon palmarès, alors que l’unique disque de Wildlights m’a subjugué. A contrario, le dernier de The Sword m’avait franchement déçu et il me semble que la vague stoner rend le genre un peu moins attrayant (plus il en sort, plus ça sort vite, et plus ça sort vite, moins c’est convainquant). Enfin, mon collègue Jérémy m’a également fait découvrir Greenleaf, formation à laquelle j’ai déjà souscrit en achetant tous les albums du groupe en une seule soirée!

En ce qui me concerne, l’album Deeper High contient bien quelques trucs intéressants. Certaines pièces rock telles que «Turn To Stone», «Machine» et «Bury Me Alive» m’ont donné le goût de me lever de ma chaise et de danser avec une serpillère comme Gene Kelly dans le film «Thousands Cheers» (1943). Mais bon, je me suis retenu (non, mais tout de même, ce n’est pas très gracieux un colosse de 110 kilos qui danse avec un balai). En revanche, les compositions de l’album m’ont laissé fort peu d’impressions. À mon avis, c’était du stoner générique et sans passion. On sent que Mark Miers aurait préféré ne pas y être. Les guitares de Billy Reedy et Rachel May décapent elles aussi avec trop de modération. On les voudrait tout aussi abrasives et caustiques que celles figurant sur Void. Si j’avais à noter les deux disques, Void obtiendrait un généreux 8 sur 10 alors que Deeper High obtiendrait la note de passage, soit 5 sur 10. Cela dit, le dernier album vise un public plus rétro, plus rock, alors que le premier convoite un auditoire totalement grunge et stoner. Il me semble qu’en ces termes, mon impression soit assez bien résumée. Pour ce qui est de vous faire votre propre idée, le lien qui suit est justement réservé à cet effet. Bon week-end!

 

Dann

10 mars 2016