Une grande excitation règne dans l’air interstellaire du Planétarium à Hochelag’ où Jean Leloup conviait journalistes et médias à découvrir son Paradis City. Son paradis perdu?

Sous les étoiles psychédéliques, bien évaché dans le dôme, une guitare acoustique dévoile les premiers accords d’un disque qui a toutes les allures d’un classique avant même sa sortie officielle.
Dès la première écoute, les pièces transportent une aura plus sombre et nostalgique que ce à quoi les fans de Leloup sont habitués. L’album semble marquer un tournant dans le cheminement vers la désillusion. Un moment charnière où la triste réalité prend le dessus sur l’âme continuellement émerveillée de l’enfant. Une étape vers une certaine maturité peut-être? La folie y est toujours, -elle est intrinsèque au travail créatif du musicien loup- parcontre elle se meut au travers d’un voile brumeux de déception, de désirs perdus et de coeur brisé. « Nous pourrions être heureux », ça veut aussi dire que nous ne le sommes pas à l’instant présent.

Pourtant, c’est un Jean Leloup enjoué que le Daily Rock a rencontré. Fier de son album et heureux de voir le Planétarium transformé en gros happening warholien, le poète est souriant, généreux et on s’en doute très fébrile. Presque six ans depuis la sortie de Mille excuses Milady, voici À Paradis City. Un album bien loin du Paradise City de Axl Rose.

Daily-Rock : On te représente souvent comme un auteur-compositeur, moins souvent comme un romancier et encore moins souvent comme un poète. Et pourtant. Considérant entre autres ta chanson sur Edgar (Allan Poe) ou tes références aux Beatnick en entrevue. Je suis curieux de savoir quelle place joue les différentes formes d’art dans ton imaginaire et ton travail créatif? La poésie? La peinture? La danse contemporaine? En quoi les arts ont fait de toi le musicien que l’on connaît aujourd’hui?

Jean Leloup : C’est sûr que faire des chansons mène quelque part vers la poésie. J’ai commencé par faire de la peinture…non, j’ai commencé par la guitare vers l’âge de 10 ans, mais j’ai beaucoup fait de peinture et de dessins dans mon adolescence. J’ai écrit deux romans mais c’était vraiment mauvais. C’est vers vingt ans que j’ai commencé à écrire des chansons. Je m’installais à ma table et je me disais : « allez, compose une chanson. » J’en ai fait des tonnes, mais la plupart étaient vraiment mauvaises, comme mes romans. Un jour j’ai amené ma guitare à l’école et j’ai chanté une chanson à deux accords et les gens ont aimé ça. Ça m’a surtout fait réaliser qu’il n’y avait jamais de violence ou d’agressivité lorsque les gens jouaient de la musique. La musique peut complètement changer l’atmosphère d’un lieu. C’est ça qui m’a motivé à continuer. Des mélodies et des paroles ont commencé à venir très naturellement en marchant, et j’ai alors compris que c’était ça l’essence d’une chanson; qu’elle devait venir tout naturellement. J’en écris une par jour maintenant, la plupart sont vraiment mauvaises.

DR : Que penses-tu de la controverse entourant un groupe comme Dead Obies qui utilise le franglais pour s’exprimer? Considérant que tu utilises toi-même beaucoup l’anglais dans tes textes. Quel est ton rapport à la langue française?

JL : Le français, c’est ma langue maternelle tout simplement, c’est mes racines. Je ne pourrais pas composer uniquement en anglais mais c’est une langue que j’aime bien aussi. Et évidemment à force d’écouter de la musique en anglais on finit par être capable de se débrouiller. Chaque langue est une manière différente de voir la vie. Toute l’histoire humaine se retrouve dans les langues. Elles ont toutes leurs particularités. Et chaque langue est un mélange d’autres langues. Le Chinois par exemple. Imagine toute l’Histoire avec un grand H qu’il y a dans cette langue-là. J’aimerais bien faire une chanson en chinois.

DR : Quand un nouvel album de Jean Leloup est annoncé, on s’attend toujours à quelque chose d’épuré, de viscéral, et bien souvent d’acoustique. Juste pour déjouer nos attentes, est-ce qu’on aura droit un jour à un album jazz-fusion, prog-instrumental ou électronique?

JL : Jazz? Oh non. Je ne suis pas capable. Mais électronique, oui peut-être. En fait, quand j’ai commencé à travailler sur À Paradis City, je voulais faire un disque électro, et finalement ça n’a pas été le cas. Mais oui, je travaille présentement avec un ami pour faire quelques pièces plus électronique. On verra ce que ça donnera…

Entrevue réalisée par: David Atman

Photo : Pierre Laverdiere