Artiste: Northlane

Album: Node

Sortie: 2015

Label: We Are Unified

            J’ai toujours préféré laisser la tribune aux formations émergentes, jugeant que celles-ci en ont plus besoin que les gros noms de l’industrie. Je ferai légèrement entorse à ce règlement intime puisque le groupe dont il est ici question se situe entre deux eaux. Oui, Northlane fait partie d’une sorte de coalition comprenant une pléthore de groupes de metal progressif émergeant. Et puis, le groupe australien n’est actif que depuis 2009. Alors, pourquoi me sens-je obligé de me justifier? C’est que Northlane a le vent dans les voiles. Les jeunes musiciens qui œuvrent en son sein ont franchi depuis quelque temps un cap que certains groupes de longue date n’ont pas encore atteint.

            Pour la petite histoire, le quintet a à son actif un EP et trois albums officiels. La formation se fait découvrir par le label We Are Unified au lendemain de la sortie de Discoveries, un album lourd et assez original pour être remarqué. Le célèbre webzine australien Kill Your Stereo le nomme même album de l’année! Nous sommes en 2011 et déjà on leur offre une série de 24 spectacles à travers l’Australie. La formation, qui avait foulé les planches sans avoir été remarquée jusque-là, prend rapidement du gallon. S’ensuit une tournée canadienne avec Obey The Brave (Montréal, Canada) et Stray From The Path (New York, États-Unis), deux formations donnant respectivement dans le hardcore et le metalcore (des styles généralement associés à la musique de Northlane).

            Or, la glorieuse ascension ne s’arrête pas là. Dès la sortie de Singularity, le second LP du groupe, le public s’emballe. Les ventes d’albums numériques sur iTunes atteignent la position no. 1 en Australie, alors que le j’s Award pour le meilleur album de l’année 2013 leur est décerné (le prestigieux prix est associé à Triple J’s, une station de radio australienne). En résulte une seconde tournée canadienne avec Structures, Intervals et Texas In July, une participation à l’Impericon Festival, une série de spectacles avec nul autre que Karnivool, de même qu’une tournée américaine aux côtés de grands noms de la scène djent telle que Vildhjarta, Veil Of Maya, Structures et Here Comes The Kraken.

L’année 2014 est également très mouvementée. Le groupe participe à la tournée Big Day Out et participe à l’immense American Dream Tour avec Bring Me The Horizon et Of Mice & Men, partage une série de 39 spectacles avec la formation britannique Architects avant d’organiser Free Your Mind, un festival de musique où le groupe australien partage la tête d’affiche avec Thy art is murder, Make Them suffer, Veil of Maya et Volumes. Or, le chanteur originel du groupe, Adrian Fitipaldes, quitte Northlane pour des raisons de santé. L’avenir du groupe est alors compromis.

À tout malheur, il y a toutefois revirement. Un nombre considérable d’utilisateurs Facebook soumettent des vidéos et des fichiers vocaux au groupe via Facebook. Marcus Bridge, l’actuel chanteur du groupe, est alors engagé. S’ensuit un changement drastique dans l’esprit du groupe. Northlane, qui n’avait exploité que son aspect deathcore, voire djent avec ses rythmes lourds et sa voix exclusivement gutturale, s’aventure alors dans l’univers du metalcore et, dans une certaine mesure, dans un metal progressif plus nuancé, moins «carré». La démarche aurait pu déplaire. Le groupe a probablement perdu quelques fans. Cela arrive toujours lorsqu’une formation change de recette. Mais si des fans de la première heure ont cessé de suivre Northlane pour son important changement de direction musicale, la nouvelle mouture en a attiré plus d’un. La plupart des concerts affichent complet et les dates se multiplient de façon affolante.

En septembre dernier est paru l’album Node. Fan depuis la sortie de Discoveries, je m’attendais à un disque envahi de growl et de guitares 8 cordes accordées en «drop-D», bref, un produit plutôt djent et «classique» (autant que peut l’être un genre aussi nouveau que le djent). Or, Node se démarque de tous les autres productions de Northlane. Le LP se démarque même des mouvements deathcore, metalcore et djent auxquels on l’a généralement associé. Quelle surprise ce fût que d’entendre une voix alternant le clean et le growl (énormément moins de growl que par le passé), des guitares saturées de «chorus» et de «reverb» avec des effets de «delay» à la façon très spéciale Wes Borlan (Limp Bizkit).

Dès la pièce d’introduction, on dénote une évolution manifeste depuis Hollow Existence, un disque très deathcore. Plutôt que d’avoir l’impression d’entendre du August Burns Red, du After The Burial, du Erra ou du Architects (des groupes de deathcore proches parents de l’ancien Northlane), j’ai plutôt la sensation d’être devant un album de metal progressif nouveau genre tel que Language (The Contortionist) et Coma Ecliptic (Between The Buried And Me). La voix de Marcus Bridge ajoute de la finesse à l’ensemble, influençant même le jeu maintenant plus éthéré des guitares de Josh Smith et John Deily.

            À certains moments, j’éprouve l’impression d’être en présence d’une matrice de Periphery à laquelle on a greffé les partitions de guitare de la chanson «Boiler» de Limp Bizkit et certains gènes de Meteora, un album de Linkin Park qui à l’époque ne me laissait pas totalement indifférent malgré son aspect trop léché. Il n’y a qu’à se concentrer sur les partitions de guitare de Soma et Node aux premières minutes pour faire le rapprochement. Ne soyez toutefois pas rebuté par cette analogie, car plutôt que de faire cliché ou pop, cette addition audacieuse enrichit la musique fort efficace de Northlane. Et puis, si ce genre ne vous plait pas d’emblée, la pièce Leech pourrait davantage vous plaire. Ce morceau, presque cloné d’après ce que Deftones fait de mieux, ne pourra vous laissez indifférent.

            Bref, amateur de metalcore et de djent ou non, Node est album dédié à tous les fans de metal progressif. Technicité, lourdeur, nuances, harmonies, audace, équilibre, rythmes planants et rythmes agressifs, sonorité impeccable: tout y est et pas en petites quantités! Pas étonnant que l’album ait été placé au no 1 des charts britannique (voir ARIA charts, juillet 2015), qu’il ait figuré au 95e rang sur le Billboard 200 US. Le succès de l’album est également saisissable lorsque l’on sait qu’à la fin juillet, les ventes de Node ont atteint le rang 92/100 dans les charts britanniques, juste devant Darkside of the moon (95/100).

            Finalement, si les versions CD ne vous disent rien, peut-être qu’une version live vous siérait mieux. D’ailleurs, la réputation de Northlane en spectacle n’est plus à faire. La critique est unanime: la présence du groupe sur scène est d’une incomparable énergie (il n’y a qu’à regarder quelques photos sur la page Facebook du groupe pour s’en convaincre). Et puis, avertissement à mes collègues et amis de Paris, ne manquez pas le spectacle du 4 mai 2016. Pour mes compatriotes québécois, nous avons malheureusement passé à côté: Northlane était en concert à Montréal en août dernier avec In Heart Wake, Oceans Ate Alaska et Like Moths To Flames et aucune date canadienne n’est prévue pour 2016 jusqu’à maintenant. Néanmoins, il y a encore quelques concerts américains de prévus pour décembre. Pour en savoir plus, consultez la liste ci-contre.

Dany Larrivée

4 décembre 2015

Note 1: Hollow Existence (EP, 2010), Discovery (LP, 2011) et Singularity (LP, 2013) également disponibles.