Les attentes étaient élevées, à la hauteur de dix longues années. Ça aura pris beaucoup moins de temps pour le remplir à ras bord ce Mtelus malgré ce lundi soir. Le remplir de gens accros de selfies voulant naviguer sur la vague et être témoin du moment, tout en discutant à haute voix pendant que les artistes tentaient de nous intégrer à leur bulle. À la forme de 9 musiciens, ce super groupe déjà mythique séparément allait unir leurs forces pour présenter un brin de l’œuvre de un et un brin de l’œuvre de l’autre, ensemble…toujours un peu éloigné quand même, mais la volonté de communion y est bien réelle et tangible.

En plein cœur de la ville, pas mal sur le coin de Saint-Laurent, cette rue qui divise historiquement Montréal en deux entités distinctes évoluant en parfaite perpendicularité sans jamais se croiser. L’effort de réunification semble surhumain, mais non moins nécessaire en ce 21e siècle d’universalisme et de communautarisme. Jim Corcoran en aura été le vrai instigateur, mais les talentueux musiciens en sont venus à développer une amitié qui dépasse sans aucun doute l’instrumentalisation par le show-business. Une grande ludicité.

PROUESSE VS VALEUR

Le concert débute avec ce que communément nous appelons maintenant un mash-up comme on en retrouve des centaines de milliers sur les internets. Un moment qui m’a semblé plus étrange que magique. Une réelle et belle prouesse technique d’interpréter un succès de Karkwa et de Patrick Watson dans la même pièce, mais l’œuvre ultime relevait bien davantage de la prouesse  que de la valeur artistique. Petite appréhension à savoir si le concert allait ressembler à cette première interprétation. Heureusement, le vent a tourné et il n’en fut rien. Plusieurs pièces ont d’ailleurs été nécessaires avant d’obtenir le son désiré, légèrement clair et précis malgré la saturation des canaux utilisés par le grand nombre d’artistes sur scène. L’aparté acoustique, relatant les soirées autour du feu de camp, en milieu de concert eut l’effet contraire, la simplicité de l’instrumentation avait tout le mal à se rendre d’un bout à l’autre de la salle de concert. Et ce public si bruyant, et pourtant, supposément, si amoureux de l’oeuvre de chacun, du moins assez pour se payer des billets à 40$ et à veiller un lundi soir, est venu littéralement gâcher l’atmosphère.

Les pièces de Patrick Watson ont semblé moins bien passées. Plus que clairement, c’était le retour de Karkwa dans la métropole que le public était venu voir. Louis-Jean, bien placé au centre de la scène, comme artiste principal de l’oeuvre commune. Sur papier, l’on pourrait effectivement s’attendre à un moment magique lors de ce concert à la forme hybride, comme on en verra de plus en plus avec les années d’ailleurs. Mais dans les faits nous pouvons nous poser une question tout à fait légitime, est-ce que la magie aurait été moindre si Patrick Watson avait tout simplement ouvert le spectacle de Karkwa? Outre quelques moments effectivement d’une grande beauté comme la pièce Mieux respirer, ainsi que les solos de piano entre Watson et Lafontaine durant Beijing, la mixité des pièces interprétées m’a laissé un peu sur ma faim. Étant pourtant un grand fan de chacun des groupes, les ayant également vus chacun à plus de dix occasions, ce n’était malheureusement pour moi ni le meilleur spectacle de Patrick Watson ni le meilleur spectacle de Karkwa auquel j’ai pu assister. Ce ne sera pas la première fois que je créerai polémique sous ces pages. Ce ne sera pas la dernière fois non plus que j’écrirai une critique qui va à l’encontre de tout ce que j’ai pu lire sur les réseaux sociaux depuis la minute où le spectacle a débuté. Ça m’a semblé un peu forcé. Peu naturel. Rempli et saturé. Trop c’est comme pas assez. Un jam exceptionnel, mais peut-être pas aussi magique qu’on tente de nous le faire croire.

Texte: David Atman

Photos: Helene Dickey