Groupe: Yavú

Album: Nomon

Label: Autoproduction

Sortie: 2013

«It’s alive!», s’écriait le professeur Frankenstein en voyant sa créature prendre vie et se tenir debout pour la première fois. On pourrait être tenté de s’exclamer de la sorte devant l’étrange amalgame qu’est le premier album du groupe chilien Yavú. Constitué essentiellement d’un pot-rock fait de compromis et d’un metal progressif modéré (on n’y entend ni hurlements, ni de guitares tonitruantes, ni batterie hyperactive), Nomon est un disque hybride et très singulier.

Singulier, mais à quel point, me direz-vous? Eh bien, assez unique pour affirmer qu’il serait impossible de faire usage de référence pour vous éclairer. Je ne crois pas avoir déjà entendu pareille chose. C’est peut-être ce qui m’a plu au premier abord (ça, et la pochette du disque). C’est probablement ce qui pourrait plaire aux fans de Frank Zappa, aux amateurs de musiques complètement folles comme celle de Mr. Bungle, Buckethead, Primus ou The Aristocrat. Pas que cette formation fasse dans la musique déjantée des noms tout juste cités. En fait, le rapprochement entre tous ces zigotos ne tient qu’au fait que Yavú n’a pas son pareil, tout comme ces formations. Car la musique du quatuor chilien est plutôt tranquille, avec un ton plutôt stoner, voire psychédélique et n’a de bizarroïde que son son tantôt parasitaire et grunge, tantôt éthéré et aérien dans ses moments plus post-rock.

Les mélomanes en quête de nouveautés et les amateurs de cabinets de curiosités pourraient trouver leur compte avec Yavú. Car leur musique est comme un drôle d’insecte que l’on voudrait garder sous verre pour mieux l’observer, pour mieux s’émerveiller devant son étrangeté. Il y a dans chaque titre quelque chose d’enivrant, quelques malaises séduisants, un petit je-ne-sais-quoi de mythologique comme une bête à l’anatomie impossible ou une créature hermaphrodite en pleine métamorphose.

Outre son caractère ambigu, Nomon est un disque que l’on aime ou que l’on déteste. On doit l’aimer pour son authenticité, sa fraîcheur et son honnêteté. On ne peut lui enlever ces mérites (il serait de mauvaise foi que de faire autrement). A contrario, l’amateur de musique plus polie, plus lustrée est susceptible de détester viscéralement ce type de production, car le réglage quasi-asthénique du «gain» dans le mixage des guitares génère un effet qui convainc difficilement. Pour ma part, j’apprécie le grain, la texture d’un pareil son. Il ne s’agit pas d’un irritant chez moi. Or, l’équilibre variable et instable entre la guitare, la batterie et la voix de Luciano Paiva m’a dérangé à quelques reprises. La technique de son derrière la batterie de Ricardo Cortes m’a également refroidi. Tout cela n’a toutefois pas freiné ma curiosité. J’écoute toujours cet album avec un plaisir égal au premier jour. Car, je le répète: Yavú est original, senti et totalement digne d’intérêt. Enfin, moi, ça me parle! Si la formation venait à rencontrer un ingénieur de son d’envergure pour travailler sur son prochain album, je serais d’avis qu’elle pourrait être aisément exportable en Amérique du Nord, autant sur scène que sur les tablettes. En revanche, avec un tel mixage, la chose est peu probable (on le sait, la texture sonore ne fait pas consensus sur le marché). Après tout, voyez par vous-même, une écoute vaut mille mots.

Dany Larrivée

11 novembre 2015