Déjà une vingtaine d’années qu’Éric Brousseau, alias Seba, roule sa bosse sur la scène musicale et poétique québécoise. En 2018 sa carrière vivra une montée fulgurante avec les succès radio « Vintage à l’os » et « Magasin à une piasse ». Ces airs sonneront familiers pour plusieurs, produits de sa symbiose entre lui et Félix-Antoine Leroux, le duo Seba & Horg. Une pause guidera Seba à suivre son propre chemin, troquant la tuque pour le chapeau de cowboy qui le conduira vers son premier mini-album solo « Au-delà du reel », lancé le 20 mai 2022. Toujours dans le Hip Hop, on y accentue des saveurs de Western et de musique traditionnelle, qui dans leur mijotement laissent des effluves de veillée de danse (et de lendemain de veille).

En coréalisation avec Benoit Bouchard, Seba, concocte six pièces énergiques, humoristiques et personnelles. Il y signe les textes et musiques tout en y incorporant quelques échantillonnages. Se joignent à ce projet l’ex-Karkwa François Lafontaine au piano et Benjy Vigneault à la batterie. Soulignons la collaboration du grand Yves Lambert, à l’accordéon et à l’harmonica, qu’on reçoit avec enthousiasme et admiration.

L’apport d’Yves Lambert s’entend dès la première pièce « La mauvaise herbe », hymne comique en hommage à la barbe longue. Les chœurs, empruntés du morceau « Faut que j’me réveille » du groupe Les Charbonniers de l’enfer (reprise de Gilles Vigneault), permettent de faire rayonner la contribution de Lambert. La seconde piste du E.P. propulse un élan festif qui coule à flots avec « Depuis j’boé pu », où le jeu de violon et de podorythmie d’Elizabeth Moquin s’harmonise parfaitement au rythme. Entre les lignes, on perçoit des paroles qui révèlent d’une lucidité frappante. C’est avec beaucoup d’humilité que Seba raconte avec sérénité sa sobriété. Ensuite, « Le matou » vient aussitôt générer un déhanchement des plus contagieux avec ses accords de piano et l’entrain du slammeur.

Avec « Patient », Seba rend hommage au chanteur country Oscar Thiffault. La pièce reprend en partie la structure de « Je parle à la française » enregistrée par ce dernier vers la fin des années 1950. « Patient » bénéficie également d’une turlute recomposée et d’un tapage de pieds qui incite à suivre la cadence. Cette version revampée unifie adroitement les sonorités de la mythique émission « Soirée canadienne » au style développé dans le Bronx au début des années 80 qu’est le Hip-Hop.
Les textes de l’album sont farcis d’anecdotes mémorables teintées d’humour et remplis de multiples référents culturels. Seba maîtrise autant l’art du débit rapide propre au genre Hip-Hop que l’art de la turlute.

De plus, avec cet E.P., Seba prouve qu’un tel rapprochement de ces styles opposés demeure possible. Le (nouveau) style célèbre notre patrimoine folklorique tout en initiant un jeune public à cet héritage culturel.

Mention spéciale pour la pochette qui incarne l’ère des 33 tours western des années 1970 au Québec. Les codes esthétiques de la chemise à franges adoptés par le rappeur sont pleinement assumés et ils lui vont à ravir.

Au bout de ces vingt minutes de dégourdissement, on en réclame encore. Avec « Au-delà du reel », Seba s’invite aux sets carrés autant qu’à une virée vers la Gaspésie, mais avec un détour obligé par Nashville.
4.5/5

Prochains spectacles :

13 juin – Lancement d’album aux Francos de Montréal (scène Hydro-Québec)

24 juin – St-Jean-Baptiste à St-Lucien (avec Domlebo, Francbâtards et La Tragédie)

9 juillet Parc Nolasque-April à Sainte- Martine

23 juillet – Boulzeye, Pointe-aux-Trembles

6 août – Festival Lac en fête, Notre-Dame-de-Laus (avec Carotté)

13 août – Soberfest, Rawdon

16 septembre – La Grange à Kay, Sainte-Marthe-sur-le-Lac

Pour écouter:  https://orcd.co/seba-au-dela-du-reel