Alors que j’aurais cru rouler des yeux pendant la performance de Toto et être pantois devant l’expertise de Journey, au final c’est précisément l’inverse qui s’est produit.

Toto se présente sur scène avec beaucoup de style; une coupe de cheveux à la Buzz Osborne et un look de rocker à la Vince Neil. Les sept musiciens sont d’une précision remarquable. Nous apprendrons qu’ils proviennent de groupes aussi distincts que Prince, Ringo Starr, Snarky Puppy et Snoop Dogg. À lui seul le batteur est un spectacle qui vaut le déplacement par sa précision. Chacun possède une conscience affûtée de son espace scénique rendant la performance jubilatoire et complète. Nous sommes ici dans le perfectionnement du spectacle d’aréna devant des foules monstres. L’aspect visuel se fait très discret et laisse toute la place à la performance à la fois Jazz, Rock et Progressive du groupe. Les classiques Hold de Line, Rosanna et Afrika sont en réalité les pièces les moins intéressantes du concert. Et le public semble apprécié autant les pièces moins connues de leur répertoire puisque la maîtrise de la musicalité est absolument parfaite et éblouissante.

Lorsque Journey s’amène sur scène avec un déploiement plus important que celui de Toto, on réalise aussitôt une grande différence dans la qualité sonore. Le chanteur Philippin Arnel Pineda, qui est à la tête du groupe depuis 2007, a une voix si proche de celle de Steve Perry que la distinction est difficile, voire impossible à faire. C’est une réelle imitation de l’original. Toutefois, ses mimiques de popstar semblent complètement décalées du style de musique et du type de public. Son look a plus à voir avec celui de Justin Bieber. Il intègre à sa fabuleuse performance vocale tous les mouvements classiques, et quétaines, vus et revus maintes fois sans grand succès. Il pointe le ciel, il touche sa poitrine, il pointe le public, il court de droite à gauche, repointe le public dans les estrades, reviens au centre pour taper dans les mêmes deux ou trois mains qui se présentent à lui, il pointe le micro, il lance son micro, il lance les baguettes du batteur au public sans avertir, il signe des autographes pendant les solos de guitare, lance sa bouteille d’eau, et le processus se déroule comme ça sous nos yeux pendant toute la durée du spectacle. Sa performance est forcée, comme un bon étudiant qui fait du zèle et qui tente de ne rien oublier. À de nombreux moments, ce fut pénible de le voir tenter d’intégrer le public dans son univers alors que les musiciens sont calmes et posés. Le parterre est pendant de nombreuses minutes, complètement muet, assis et semble se demander autant que moi ce qu’il fout là. Les pièces légendaires du groupe font évidemment lever la foule mais en général nous sommes très loin derrière la prouesse de Toto.

Au final, Toto a complètement volé le concert, et de loin.