La formation norvégienne Wardruna était de passage au Corona dimanche dernier pour une représentation à guichet fermé. Le groupe, qui est bien connu pour sa participation musicale à la très populaire série Viking, assure seul ce qui sera un spectacle particulièrement envoutant.

D’emblée, alors que nous entrons dans le Théâtre Corona, nous remarquons des sièges partout. S’il s’agit d’un détail surprenant, je n’avais personnellement jamais assisté à une prestation musicale assise, je comprends maintenant que c’est un excellent choix artistique de la part du groupe. Ainsi, la foule ne participe pas à l’ambiance; nous sommes donc plus attentifs et nous nous laissons facilement porter par la musique.

Une expérience sensorielle

Dès le début du spectacle, Wardruna détone visuellement. Le groupe entame leur performance avec la chanson Tyr, qui se démarque par la présence de deux Lure scandinaves. Ces immenses instruments datant de l’âge du bronze sont les seules choses que nous distinguons sur scène, le reste des musiciens demeurent dans l’ombre pour la durée de la chanson. Le ton est donné pour la soirée.

L’éclairage tient un grand rôle dans l’ambiance et Wardruna utilise énormément le clair-obscur pour mettre en évidence tantôt un musicien, tantôt la scène. Divers projecteurs sont orientés vers les musiciens et créent des jeux d’ombre sur une immense toile texturée qui sert d’arrière-plan. Ces jeux d’ombre viennent accentuer l’impression que donne la musique de provenir d’un autre lieu, d’un autre temps. La scène dépouillée n’est habitée que par les musiciens et leurs instruments, qui sont nombreux et variés. Il y en a d’ailleurs plusieurs dont je ne connais pas le nom. Le groupe est très statique sur scène; même lorsque certains musiciens ne jouent pas, tous restent à leur place et demeurent immobiles, à l’exception près de la chanteuse qui danse légèrement de manière presque rituelle. L’aspect figé des artistes reflète notre propre inertie, et renforce la puissance de la musique et l’emprise qu’elle a sur nous.

Une musique authentique

La musique chantée en langue étrangère aide à nous imprégner de l’atmosphère authentique, à la fois ancienne et tribale, qui règne dans chacune des chansons. Pendant ce concert qui aura duré au plus 90 minutes, le chanteur Einar Selvik, le génie créatif derrière Wardruna, ne s’adresse à la foule qu’à la toute fin, afin d’expliquer un peu la tradition musicale scandinave perdue et ce que le groupe a cherché à faire avec leur musique. Pour ce qui devait être leur dernière chanson, ils concluent avec Helvegen, une mélodie funèbre très à-propos en cette fin de spectacle. Après avoir terminé, Wardruna a droit à une véritable ovation, suite à laquelle ils offrent un rappel. D’autres applaudissements sans fin viennent témoigner de l’appréciation de la foule pour ce qui fut une expérience inoubliable, et c’est un Einar Selvik ému qui quitte la scène.

Assisté à ce spectacle m’a permis de saisir quelque chose d’intangible à propos de leur art, comme si, plus que de simples mélodies, certains éléments de sens m’avaient été transmis durant le concert. J’en suis sortie avec l’esprit élevé et l’impression d’avoir mieux saisi l’essence de la musique de Wardruna.

Texte: Isabelle Sullivan

Photos: Helene Dickey