Pour la petite histoire, le duo à bien failli se séparer en 2010, suite à une violente dispute lors du Vivid Live Festival en Australie. C’était l’année ou Lou Reed, un de leur fan, s’occupait de la programmation. Mais, tel Amphisbène, l’étrange créature à deux têtes, Arish Khan et Mark Sultan (BBQ) reviennent toujours plus fort.

Expatriés en Allemagne, les deux montréalais survivent au choc culturel, persistent et lancent leur 4ième album, Bad News Boys. Le premier depuis Invisible Girl paru en 2009. Encore une fois, immortalisé sur le label de Jon Spencer, In The Red, le plus gros des petits indépendants. Enregistré à même la cave du Sultan à Berlin. Au programme, peu de changement : 2015, New KKBBQ,!!! More touring, same clothes… annonce Mark Sultan sur son site.

Très peu influencé par la musique bavaroise, les deux chevaliers Teutoniques mélangent le punk des Dead Kennedys, le rock primitif d’Hasil Adkins et la guitare de Bo Diddley. Comme d’habitude, c’est Arish Ahmad Khan (King Khan) guitare-voix-sensualité et Mark Sultan (BBQ) en homme-orchestre, sûrement un des meilleurs du moment. Bad News Boys est un album qui célèbre le rock comme il se doit, c’est-à-dire un produit sulfureux, nocif pour les jeunes, un ami du diable qui sent le sexe. C’est basse-fidélité, garage, crue, sauvage, parfois mélodieux, toujours brillamment interprété. Les voix sont encore une de leurs forces : King Khan dans le graveleux et BBQ en chanteur des années 60, entre Buddy Holly et le p’tit gros des Classels.

S’il faut en retenir quelque unes; Alone Again, qui décolle sur un air à la Elvis Costello, la voix brulante de Khan sur Illumination, petit bijoux gravissime. La mélancolique Never Felt Like This, DFO et Zen Machine, missiles hardcores qui détonnent de par leur violence. La ballade Kiss My Sister’s Fists presque touchante. Il reste un peu de remplissage, Buy Bye Bhai trop convenue, quelques pièces qui s’étirent inutilement,When Will I Be Tamed et Ocean Of Love qui manque un brin d’éclat. Rien pour dévaloriser l’ensemble de l’album. Quand on fait le bilan, le groupe ne se réinvente pas, ça c’est sûr, mais le binôme n’en demeure pas moins une singularité iconoclaste rafraichissante dans un paysage musical parfois trop beige.

La couverture de l’album, une horreur,  représente les deux personnages irrévérencieux vêtus de leurs ridicules costumes « mamelons exposés ». Une tenue qui rappelle le délirant Arthur Brown, qui aimait bien se faire cramer la tête sur scène. La typo est faite en saucisses. L’illustration est de Johnny Sampson, un américain spécialiste de la gouache.

À écouter si vous aimez : les Black Lips, Bantam Rooster, Demon’s Claws, The Dirtbombs, les Whites Stripes, le rock séminal des années 60, les films de John Waters et l’humour subversive.

Texte: Fred Lareau