Samedi soir, un cocktail neige-pluie-chnoute nous tombe sur la gueule. Faisant fi des intempéries, Steve et moi partons faire notre travail de courageux journalistes de terrain. C’est glissant, j’ai de la sloche plein le pantalon. Les Converse s’avèrent un très mauvais choix de chaussures. Par chance je trouve un stationnement près du Théâtre National, lieu de notre rendez-vous de ce soir. À l’affiche : Thee Oh Sees, formation dada-punk-choucroute californienne.

Véritable usine à crêpes, les Oh Sees en sont environ à leur 12ième album, Drop est le petit dernier. La nouvelle mouture studio du groupe comprend entre autre : Mikal Cronin, musicien hyperactif de la scène californienne et bassiste du Ty Segall Band, au saxophone. Chris Woodhouse, légendaire vilain de Sacremento, modestement célèbre pour ses Karate Party, lui s’occupe de la batterie et de la basse. Greer Mcgettrick et Casafis occupent divers fonctions, comme le frisbee, selon les notes de pochette…

Pour la tournée, le line up est différent, à la basse c’est Timothy Hellman, pieds nus (cette fois c’est une vraie basse et non un guitariste avec une pédale d’octave) et à la batterie Nick Murray. À l’image du Canadien de Montréal, la formation se rajeunie. Fini le clavier de Brigid Dawson, Dwyer veut laisser encore plus de place à la guitare. Quand à Peter Dammit, l’homme à la Jaguar blanche, et Mike Shoun, le batteur anxieux, ils sont partis aussi.

De leur dernière visite à Montréal on ne garde que de bons souvenirs, c’était en octobre 2011, il y a trois ans déjà. Trois albums sont parus depuis. Le leader, John Dwyer, est fortement influencé par les grands barjots du rock : Syd Barrett, Lux Interior, Sky Saxon et Fred Schneider. Le groupe marche très loin des sentiers battus, comme David Lynch le fait avec le cinéma.

Les Oh Sees montent sur scène vers 22h, sans flafla. Je suis surpris par le changement de formation. J’étais très attaché à Shoun, Dammit et Dawson. Avant le début des hostilités je suis convaincu qu’ils vont sortir des coulisses pour prendre leur place respective, mais non. Je suis un peu triste, je me sens comme « pépère se souvient du bon vieux temps ».

Sur scène le grand John ressemble à une mante religieuse géante en train de bouffer une guitare. En plus des spasmes reptiliens, il secoue frénétiquement son étrange tignasse, comme dans un invraisemblable balai capillaire. C’est peut-être juste des troubles obsessionnels compulsifs…

Au parterre c’est vraiment la folie, c’est plein à craquer. Au milieu du show je décide de me rendre au balcon pour mieux voir Dwyer tripoter son instrument. Vu d’en haut, c’est spectaculaire. En plus de ses guitares il opère un petit clavier aux sonorités Kraftwerkienne. Le mouvement circulaire de la foule donne l’impression d’être dans une toilette géante.

Dans un set très serré, le groupe enchaine une série de hits aux titres étranges : Toe Cutter/Thumb Buster, I Came From The Mountain, Tunnel Time, The Dream et plusieurs autres. En concert, la bande du grand John, joue presque toujours en mode up tempo. Dwyer agrémente le tout de nombreux cris de la jungle… En 1h15 le trio réussi à entasser une quinzaine de titres, rappel compris. L’expérience et la complicité des anciens musiciens manquent. Par contre, l’énergie et l’implication de Dwyer compensent, même à 40 ans il est aussi fougueux qu’un enfant plein de sucre. Mais, comme le dit Michel Therrien, il faut être patient avec les jeunes. Des fois ça prend du temps avant de devenir un Mike McPhee…

En première partie The Blind Shake, trio punk de Minneapolis, ont fait un très bon boulot, les vétérans ont surement laissé beaucoup de sueur sur scène.
Ensuite, Jack Name, probablement la plus étrange disposition scénique du moment. Assis à table, chanteur, batteur et claviériste manipulent leurs instruments pendant que le guitariste reste debout, en retrait. Le groupe est influencé par les Joy Division, Bauhaus, Sister Of Mercy, c’est très intéressant.

C’est déjà la fin du festival M pour Montréal, 9ième édition, après 4 jours et un déluge de shows. Comme à chaque année, je regrette de ne pas avoir vu plus de bands…

 

Texte : Fred Lareau

Photos : Steve Cabana

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Thee Oh Sees