Alt-J () remplissaient dimanche soir la neuve et désespérante Place Bell à Laval à l’occasion de la sortie de leur non moins désespérant dernier opus, Relaxer. La très expressive Bishop Briggs a assuré l’introduction du concert avec des envolées vocales virtuoses et une grosse présence scénique (bien qu’elle ne soit pas vraiment partagée par la section rythmique). La musique est assez peu intéressante en général, mais ce fut une performance très efficace, bien ficelée et surtout bien terminée la finale rehaussait de beaucoup la qualité moyenne de l’ensemble. Elle a réussi, avec l’aide de son trio, à faire enflammer la foule initialement statique, et c’est tout à son honneur.

Le trio anglais prirent le relais au bout de presque une heure, et ils avaient mis le paquet niveau visuel; une cinquantaine de barres lumineuses ainsi qu’un mur d’écrans les entouraient ponctuant la musique dans un contrepoint visuel parfois assez intéressant, parfois injustifié et à la limite du sensationnalisme. Le problème n’était pas les éléments visuels, mais bien que le groupe ne sait pas quoi faire de ceux-ci. À mon sens, c’est beaucoup d’argent dépensé pour pas grand-chose, artistiquement parlant. On tombe, ici encore, dans le symptôme du musicien richissime qui tente de rajouter des fioritures à n’en plus finir pour tenter de satisfaire l’auditeur avide de comble sensoriel.

Parlant d’auditeurs, je ne suis pas encore certain si ceux qui étaient présents dimanche étaient venus écouter l’œuvre d’un artiste ou tout simplement crier jusqu’à sceller leurs poumons sous vide. À chaque fois que le volume de la musique était assez faible pour qu’elles puissent s’entendre, les jeunes femmes, majoritaires, se faisaient un devoir de masquer la musique de cris stridents. Étrange façon de montrer à un artiste que son œuvre est digne d’être entendue.

Niveau musical, on ne volait pas super haut non plus. Oui, le groupe livrait la marchandise de façon acceptable la plupart du temps – il y avait des petits écarts de justesse et de stabilité rythmique, mais rien de dramatique –, mais ils ne donnaient pas le goût de courir pour s’acheter deux t-shirts, leur dernier disque et une affiche, disons. Le tout était assez monotone, par moments presque machinal; peut-être tentaient-ils de reléguer tout l’intérêt au visuel (et ça a surement fonctionné pour certain [e] s fans)… Chose certaine: pour moi, c’est raté. Ce n’était pas ennuyant, surtout quand ils jouaient leurs pièces les mieux écrites (le plus ancien, le meilleur, dans leur cas), mais c’était loin d’être une grande performance. Plusieurs des moments très forts sur album étaient trop faibles sur scène.

Un autre aspect un peu décevant de leur performance était la recherche sonore. Un des aspects des plus uniques de l’œuvre studio du groupe est la recherche timbrale; les batteries électros et acoustiques, les synthétiseurs bien gras, etc. Pourtant, en concert, le claviériste se contentait trop souvent de sons de pianos, d’orgues ou de synthétiseurs de basse qualité, au point où c’était littéralement cheesy par bouts. C’est un peu décevant de voir ça, mais d’un autre côté c’est probablement une autre facette du nouveau Alt-J auquel on est introduits dans Relaxer: un groupe qui fut autrefois perfectionniste et qui, jusqu’à preuve du contraire, s’assoit maintenant sur les lauriers que lui ont valus ses deux premiers albums.

Texte: Hugo Tremblay

Photos: Valéry Tremblay-Brunelle