Le Daily-Rock a eu le plaisir de s’entretenir avec deux des membres de Burning the Oppressor, la formation gagnante du En route vers Heavy 2018. J-F Roy et Kevin Bordello ont eu l’amabilité de nous jaser un peu de leur victoire au concours, de la production de leur quatrième album et de leur manière de composer, en plus de commenter sur les changements de musiciens qui ont eu lieu dans le groupe dans les dernières années.
Daily-Rock: Vous avez participé à En Route vers Heavy pour pouvoir jouer au Heavy Montréal. Qu’est-ce que ça vous a fait de gagner et de performer au plus gros festival de métal du Québec?
J-F: C’est un rêve depuis tellement longtemps, on était euphorique! Il y a beaucoup de groupes qui l’auraient mérité aussi, parce qu’on a une bonne scène au Québec. Mais avec le travail qu’on fait depuis des années, on est content.
Kevin: On a eu une entrevue cette semaine avec Patrice Caron de CIBL et il nous demandait, «Est-ce qu’il y a une machine en arrière de vous? On vous voit partout!» Mais il n’y en a pas de machine. La machine c’est nous autres. On fait de l’autoproduction; on est rendu au quatrième album, le groupe roule depuis 2012. On attend parler de nous de plus en plus. On la voie la crowd qui nous suit dans les shows, les salles qui se remplissent… puis le Heavy c’est sûr que c’est un objectif pour tout groupe du Québec. Je suis allé à chaque édition du Heavy Montréal comme spectateur; le fait que cette année le Heavy revient et qu’on soit sur le line-up, c’est un honneur pour nous. C’est une fierté. Quand je jouais tantôt sur le stage, je regardais le parterre qui se remplissait, et c’était impressionnant, je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait autant de monde.
Daily-Rock: Vous aviez une bonne foule, effectivement!
Kevin: Mais tu sais, nos chummys de la scène étaient tous là. Il y avait les gars de Karkaos, il y avait Jeff Mott de Hollow qui était là, il y avait des gars de BornBroken… ils étaient tous là pour nous supporter. C’est touchant.
Daily-Rock: En jouant au Heavy Montréal, vous avez atteint un certain niveau. Qu’est-ce qui vient après pour Burning the Oppressor? Quel est votre prochain objectif?
J-F: C’est un rêve depuis que je suis tout petit, pour Kev aussi, c’est sûr qu’on aimerait arriver à percer, mais c’est tellement dur… Il faut le faire avec passion avant toute chose. Nous, on est des mordus de musique, ça nous
prend nos pratiques pour juste se défouler et sortir le méchant.
Daily-Rock: Est-ce que vous avez des projets de tournées qui s’en viennent?
Kevin: Pour l’instant on a un automne quand même assez chargé. On a quelques bons spectacles qui risquent d’avoir avec un gros achalandage, et il y en a d’autres aussi qui restent à annoncer. Après on va prendre une petite pause, parce qu’on rentre en studio pour notre quatrième album.
Daily-Rock: Quand exactement?
Kevin: Ce printemps. Les dates ne sont pas déterminées encore, mais on est en train de finir de monter l’album. On a déjà 15 chansons de composées. Naturellement, il va falloir qu’on fasse une sélection, qu’on s’assure que tout soit bien monté avant de commencer le recording. C’est un peu une exclusivité que je vais te dire, mais on a beaucoup de choses cet automne et cet hiver, et on a un spectacle en décembre, je ne sais même pas si je peux en parler, mais ça risque d’être notre dernier avant une pause d’une coupe de mois pour le recording et tout le processus. Puis on va revenir en force l’été prochain.
Daily-Rock: Dites-moi, vous avez eu des changements de line-up assez importants au sein du groupe. À quel point ça change la manière que vous écrivez votre musique?
J-F: Ben moi je suis là depuis le début avec le drummer Sam, puis au les débuts de la formation c’était un peu vite fait. Ce je veux dire par là, c’est qu’on a eu la chance d’aller jouer au Rockfest, ben ça serait une longue histoire à raconter…
Daily-Rock: (Rire) Vas -y!
J-F : Sur le premier album, j’étais un peu plus limité dans les compositions.
Dail-Rock : Pourquoi?
J-F : Parce que mon ancien chanteur (Jean Feu) avait un type de chant un peu plus particulier.
Daily-Rock : Puis tu essayais de te conformer à son type de chant?
J-F : C’est ça. Et c’est correct, c’était plus comme Hatebreed, Lamb of God, mais j’étais un peu limité. Puis un moment donné, il a quitté et tout ça. J’aimais ça aussi, j’aime notre vieux stock.
Kevin : On en fait des chansons que Jean Feu a écrites. On en a joué aujourd’hui et on va toujours en faire. Ça fait partie de l’histoire de Burning, c’est les deux premiers albums, donc on en fait toujours. On les fait à ma sauce, mais bon…
J-F : Quand Kev est entré, puisque l’autre chanteur n’était plus là, on a pu élargir. Il y a moins de limites dans la façon de composer. Je te dirais que le troisième album c’est plus ce que tout le monde a le goût de faire. C’est un peu plus death mélodique, c’est dur à classer…
Kevin : C’est dur à classer parce que moi-même je ne suis pas un gars qui vient de la scène métal. J’ai 35 ans et j’ai eu des groupes de musiques depuis que j’ai l’âge de 15 ans. J’ai évolué dans l’univers du punk et du punk-rock et avec Burning on est allé chercher des capacités vocales que je ne savais même pas que j’avais. Pour l’instant, comme J. a dit, on dirait qu’on est dans un mood très death mélodique; on a beaucoup d’influences européennes. Il y a un gros band qui s’appelle Amon Amarth, que tout le monde connaît, et j’aime ça parce que les guits sont très mélodieuses, puis J-F nous donne ça lui, de la belle mélodie de guitare. Donc, dans le quatrième album, il va en avoir de très belles, mais quand même toujours avec le son Burning. Il y a des fans qui disent « on les reconnaît, les guits de Burning, les guits de J-F, parce qu’il y a un groove dans ce son-là ». Veut, veut pas, on est très fan de Lamb of God, de Pantera, donc on va garder un groove dans nos compositions c’est sûr, mais avec une influence européenne. C’est un mix de beaucoup d’affaires, avec ma voix que j’ai découvert au fil des années.
Daily-Rock : Que tu as découvert? Est-ce que tu cherches à aller plus loin encore? Est-ce que tu cherches à expérimenter avec ta voix?
Kevin : Oui, parce que le quatrième album va avoir beaucoup plus de variantes de Bloodshed.
Daily-Rock : De quelle façon?
Kevin : Il va y avoir des variantes en high pitch, en low pitch. Je vais avoir des petites sessions de vocalises avec Sébastien Croteau, de Necrotic Mutation. Il va me donner des trucs. Tu sais, Céline Dion est la meilleure chanteuse du monde, puis elle prend encore des cours de chant. C’est la même chose. Il y a du monde qui pense qu’on fait juste crier; « mais heille Kev t’auras pu de voix! », mais si tu regardes ma voix en ce moment, elle est très belle. Il y a une technique, mais il y a une façon de l’affiner cette technique-là, puis je pense pouvoir aller chercher encore plus avec Seb. Il était là justement quand on a fait notre show.
Daily-Rock : Il va t’aider à raffiner ta technique?
Kevin : Oh, je ne sais pas. On s’en est parlé quand on est allé voir Slayer. Mais cet automne, je m’arrange une coupe de sessions de vocal avec lui. Il va me dire : « Kev, « cup pas ton mic! ».
J-F : Pour revenir un peu sur ton point par rapport au changement de musiciens, et bien, dans un groupe de musique ce qui est difficile c’est de trouver l’équipe parfaite dans un sens. Puis avec Kev… je ne ferais pas [de la musique] avec quelqu’un d’autre. Avec notre drummer Sam [Venne], ça fait longtemps, et notre guitariste Dave [Bérard], je ne le changerais pas. Puis notre nouveau bassiste s’appelle Louis [St-Onge], mais il n’était pas là aujourd’hui malheureusement.
Kevin : Il est en Europe présentement.
J-F : Mais là, on dirait que l’équipe est soudée, et ça nous permet de vraiment faire ce que l’on veut.
Kevin : Ça fait trois ans que je suis avec les gars, puis je disais en entrevue radio plus tôt cette semaine qu’on ne s’est jamais obstiné, c’est toujours demeuré respectueux entre nous. Et c’est la première des choses, parce qu’on fait ce qu’on fait parce qu’on aime ça. On ne veut pas se faire chier à cause de ça; on est comme une famille, des frères, et le jour qu’on ne sera pas respectueux, ben ça ne servira plus à rien de faire ce qu’on fait. La musique qu’on fait c’est pour nous autres aussi, on ne le fait pas pour plaire à Pierre, Jean, Jacques, ou une compagnie de disque quelconque. Nous autres, ce qui sort, c’est ce qui sort de nos tripes.
Daily-Rock : Vous ne cherchez pas à aller chercher un son ou un public en particulier?
Kevin : On y va vraiment avec le feeling.
J-F : Quand je compose de la musique, c’est un journal intime. Depuis que je joue de la guitare, c’est comme ça. Ma mère m’écoutait et elle pouvait dire « Oh, J-F est triste. Oh, J-F est… ». Moi, dans le fond, je donne mon histoire à Kev et au band, et le band embarque dedans, dans un sens. Après ça, Kev donne des idées de paroles, et c’est comme ça que l’on monte [nos chansons]. C’est pour ça qu’avant toute chose, on le fait pour nous. Si on joue les chansons et qu’on est dedans, c’est déjà bon signe! Si on se force à faire quelque chose pour plaire aux autres, souvent on va se perdre.
Daily-Rock : C’est souvent le grand danger. Mais tu dois quand même composer à intervalle régulier pour garder les gens intéressés. C’est important de produire du nouveau en exploitant les cordes particulières que vous avez. Selon toi, qu’est-ce que vous avez de particuliers qui appartient à Burning the Oppressor.
J-F : Notre groove, je pense.
Kevin : Je pense que c’est ça. Chaque musicien est assez unique, J. a ses influences… Mais on le sent dans le son. Moi, la première fois j’ai écouté du Burning totalement par hasard, et bien j’ai découvert quelque chose qui venait me chercher dans mes tripes, et c’était beaucoup dans le son de guitare. Il y a aussi le jeu de pied à Sam qui est très rythmé aussi, qui cut vraiment dans ce que J. compose. Tout est bien calculé. Je me souviens de l’audition que j’ai faite… Je m’étais dit, « tabarnack, c’est des malades eux autres! ». Mais c’est vraiment le son de la guitare a J., le groove et la rythmique… Oui, dans Pantera et Lamb of God il y a une rythmique aussi, mais J. à son son à lui.
J-F : Tout ce que j’aime, tout ce que j’écoute, je le remets dans ce que je compose, parce qu’on s’entend, je pense que la musique est inventée pas mal! Donc il s’agit surtout de la rendre à notre manière maintenant. On n’a rien inventé.
Kevin : Puis avec ce qu’il m’emmène, je sais exactement où il s’en va. Je sais exactement comment placer mes affaires. Je n’ai jamais le syndrome de la page blanche.
Daily-Rock : Parce que tu comprends ce qu’il compose.
Kevin : Exact. Et de ce qu’il m’amène, tout m’inspire, et c’est la même chose pour les gars! Sam reçoit la traque il fait « tabarnack! » puis y monte ça, puis ça se mélange naturellement. C’est un bon fit ce band-là! J’en ai eu des bands et J. aussi, mais avec ce band-là, tous les membres c’est un osti de bon fit. On est très chanceux.
J-F : On est vraiment chanceux.
Kevin : Puis je le dis, c’est ma médication la musique. On a des jobs, on a tous des familles, mais j’ai besoin de ça autant que J. en a besoin.
Daily-Rock : Comme exutoire du quotidien.
J-F : C’est important de trouver quelque chose pour faire sortir ses émotions et tout ça. On a tellement de pression au travail ou n’importe quoi, il faut que ça sorte un moment donné. Moi, c’est ma manière
Kevin : Exact.
J-F : Moi, je suis à 2h de route de l’endroit où on pratique, mais quand je pars, je suis content! Puis quand j’arrive là-bas, j’ai ma récompense, on joue et je me défoule. Ahah! Je reviens tout trempe.
Kevin : C’est celui qui arrive du plus loin, mais on est steadé, on manque jamais, et on est drillé au quart de tour.
Daily-Rock : Tout ça, c’est merveilleux et c’est important. C’est le fun d’avoir tout un groupe ou les membres sont investies, qui sont à l’heure, parce que c’est une cause de friction, ça et la vie de tournée. Selon vous, à quel point seriez-vous en mesure d’arrêter de travailler pour aller en tournée? Est-ce que c’est quelque chose qui serait possible pour vous?
Kevin : C’est possible, mais c’est certain qu’on a des familles avec des hypothèques, des maisons à payer, donc c’est certain qu’on ne peut pas dire « on cris tout ça là, pis ma blonde puis les enfants eux autres, ils s’arrangeront ». Il y a moyen de s’arranger quand même, on a des jobs flexibles, mais en même temps on n’a pas le choix d’avoir un revenu. Je n’irai pas faire une tournée mal organisée en Europe où les cachets sont incertains. J’ai des chums qui l’ont fait, et c’est correct de le faire, ils ont eu une belle expérience de l’avoir fait. Mais tant qu’à faire un show brun en Europe, je vais le faire à Saint-Hyacinthe le show brun. Non, on n’en veut pas de show brun, même si on va tout donner pareil devant deux personnes, mais j’aime autant pouvoir être capable de faire vivre ma famille aussi. Conjuguer tout ça… Je sais qu’on a le talent pour se rendre-là, nous autres on ne fait pas les affaires à moitié, on s’investit à 180%, on va pousser ça au maximum de ce qu’on peut en retirer, et avec de la joie, c’est clair.
J-F : C’est ça dans le fond, on le pousse, mais on reste quand même terre-à-terre. D’un sens on aimerait ça réaliser ça, mais pour l’instant on le fait pour le plaisir.
Daily-Rock : Donc ce n’est pas votre objectif présentement.
Kevin : C’est un objectif, on sait que les tournées c’est ce qui paye les bands maintenant et non la vente de CD… Bon y’a les vinyles et c’est quelque chose qu’il faut qu’on sorte éventuellement, mais n’empêche que c’est quand même les tournées qui font que c’est payant. On pousse ça là, mais il n’y a pas de machine derrière nous autres. On pousse ça pas pire, on entend parler de nous au Québec, mais pour plus que ça, il faut quand même du support, il faut une équipe en arrière. Il y a des gens qui ont des reins pour assumer des affaires de même, et je sais qu’on en a le talent… mais on a le droit de rêver! Peut-être que ça va arriver, mais on va le pousser le plus possible, ça, c’est sûr.
J-F : C’est sûr que c’est ce qu’on veut, mais pas à n’importe quel prix.
Daily-Rock : Et bien, je vous le souhaite! Je vous remercie beaucoup d’avoir offert de votre temps au Daily-Rock aujourd’hui. Vous nous avez offert un excellent show aujourd’hui.
Entrevue effectuée par Isabelle Sullivan dans le cadre du Heavy Montréal, le 28 juillet 2018.