Artiste: Gods of Eden

Album: From the End of Heaven

Sortie: 16 octobre 2015

Label: Autoproduction

Avec une voix à la Björn Strid (Soilwork), une batterie et une guitare à la Cradle of Filth, des airs de Dimmu Borgir et de Scar Symmetry (sans le ‘’screech’’ de Shagrath et moins de claviers que le groupe suédois), avec des influences parfois djent, une exactitude d’exécution et une lourdeur expéditive, le groupe Gods of Eden a de quoi plaire aux fans de musique enclins au black et au death mélodique accessible, de même qu’aux amateurs de métal progressif.

Envisagé au départ comme le projet solo de Danni Perez après son départ d’une formation de goth métal éphémère du nom de End of Aeon en 2009, le projet Gods of Eden évolue rapidement en une formation unissant cinq talentueux travailleurs de l’acier. À la façon de Tool, de Gojira, de Born of Osiris et un tas d’autres groupes métal inspirés par les mythes anciens sur les origines du monde, la cosmogonie, la spiritualité, l’infini et les forces imperceptibles de l’univers (parce que le métal, ça ne fait pas que taper et parler de mort, de meurtre ou de guerre), les motifs qui caractérisent la musique du quintet de la Nouvelle Galle du Sud semblent reposer sur le nombre d’or. En fait, l’ensemble des mélodies est d’un équilibre tel qu’on croirait qu’elles ont été calculées par un prêtre Maya ou un astronome aguerri. D’une structure inébranlable, chaque morceau est un quasi chef-d’œuvre d’ingénierie.

Si le groupe n’en est qu’à son second album (le EP éponyme de 2012 est en fait une réalisation assurée intégralement par Perez avec l’aide de Ian Dixon pour les textes), la qualité sonore de From the End of Heaven n’est pourtant pas compromise. On est plutôt en face d’un disque au mixage plus-que-parfait, un produit issu des plus grands studios spécialisés dans le métal européen. Or, la chose est une autoproduction. Qui l’eut cru? Et puis, le tout est comme une explosion sonore, une éruption contrôlée de décibels, une puissante avalanche de triolets et de matraquage de batterie. L’aspect le plus remarquable de cet album est qu’il est d’une incroyable harmonie malgré l’effusion de notes, l’égrenage déconcertant d’arpèges et la vitesse grand V de l’ensemble. À force d’être ainsi exposé à autant d’énergie et de couches superposées de son, l’auditeur pourrait avoir l’impression d’être gavé par une assourdissante cacophonie ou se sentir agressé par autant de complexité. L’oreille se retrouve pourtant intriguée, subjuguée par la savante combinaison et l’étonnant équilibre de chaque mesure tout comme avec certains groupes de métal progressif à grand déploiement.

S’il est un défaut à cet album, c’est peut-être son manque de fixité, son absence de prise de position par rapport à son propre genre (un détail, quoi!). Pour ma part, je préfère un groupe éclectique qui assure dans plusieurs domaines et divers styles plutôt qu’une formation qui se cantonne à un seul créneau pour stagner aussitôt, profiter d’une recette et finalement perdre toute saveur au fil du temps. Hélas, certains amateurs de musique préfèrent les groupes plus fermes qui revendiquent un genre particulier et exclusif (l’amour très conditionnel des fans de Slayer pour son instrumentation presque inchangée depuis 30 ans serait l’exemple parfait pour illustrer ma pensée tout comme la rage des fans de Metallica envers l’album St. Anger pourrait supporter mon propos). À ceux-là je ne recommanderais pas Gods of Eden car leur style, orienté tantôt vers le death mélodique, le black symphonique et le métal progressif (avec un petit air de flamenco à la deuxième, minute de Through the Abyss et quelques mesures d’oriental metal dans la pièce Gods of Eden), pourrait provoquer certaines irritations et faire prononcer quelques gros mots à quelques rares Philistins. A contrario, la chose serait susceptible de plaire aux mélomanes plus versés dans la musique pluridisciplinaire, de même qu’aux prospecteurs en quête d’intensité, d’effervescence et de virtuosité.

Bon, et puis certains fanatiques de métal n’aimeront pas la voix «clean» de Ian Dixon, voix qui renvoie davantage au power metal et au death mélodique du genre Soilwork qu’au métal extrême et brutal dans la veine de Kataklysm, Gorgoroth et compagnie. En ce qui me concerne, l’organe de Dixon me paraît tout indiqué pour la musique du groupe australien puisqu’il balance le rideau sonore que provoquent la guitare déjantée de Sean Thomson et la batterie fulgurante de David Horgan (encore là, est-ce qu’on peut parler de «défaut»? je ne crois pas).

Intelligente, pourrie de talent, parcourue d’un spasme de génie, la musique de Gods of Eden est également accompagnée de textes brillants traitant de conspirations mondiales, de détournements de la vérité, de l’illusion démocratique et de la puissante perversion étatique à maintenir les nations dans l’obscurantisme crasse (le nom de la formation, inspiré d’un roman de William Bramley qui porte sur la relativité de la connaissance et de la vérité dite «absolue», annonce d’ailleurs cette teinte particulièrement engagée et lucide que l’on retrouve dans les textes de Perez & Dixon).

Pour toutes ces raisons, il me semble improbable que l’aventure prenne fin dans un futur immédiat. Car pour un premier LP, From the End of Heaven est une incontestable et prometteuse réussite. Je crains qu’il ne me faille ajouter cet album à ma liste des coups de cœur pour 2015 car franchement, cet album en jette! À vous de me croire ou non. Mais si vous mettez ma parole en doute et que vous avez l’impression que je surestime cette pièce d’anthologie anticipée, je vous lance le défi d’écouter et de me dire que cette petite galette n’en valait absolument pas la peine… Aux autres, tout simplement curieux ou avides d’en entendre plus, suivez le guide (le lien suivant pourrait vous donner l’envie de consommer ce disque d’un seul trait!). À tous, bonne écoute!

Dany Larrivée

31 octobre 2015