mat paréTous ceux qui suivent de près ou de loin la scène métal québécoise ont, d’une manière ou d’une autre, eu affaire à ce personnage. Booker, agent, promoteur, musicien dans plusieurs groupes et acteur « bien en chair », il est dans votre iPod, partout sur votre écran d’ordi, et dans toutes les salles de spectacles en ville qui sont dignes de ce nom. Si vous écoutez du Métal, Mat Paré est dans votre vie. Et il pourrait même hanter vos pires cauchemars. -il a de toute façon un petit quelque chose de Freddy Kruger-Rencontre avec un homme qu’on se plait à détester. Mais pourquoi?

David : Quels sont les différents projets qui occupent ton temps?

Mat : Présentement, je suis à l’organisation de la prochaine tournée canadienne et peut-être internationale de Bookakee pour 2015, et je travaille à mettre sur pied un groupe hommage à Korn qui sera sur scène d’ici quelques mois à peine avec mon autre groupe Pimp Bizkit. Je continue à travailler mes compos prog-instrumental avec Sudden Spawn, et je m’amuse avec mon hommage à Green Jelly.

David : Tu as une longue liste d’accomplissements à ton actif. Des centaines de concerts donnés, des centaines et des centaines et encore plusieurs centaines de concerts organisés, plusieurs tournées, des vidéoclips, un peu de porno à droite et à gauche pour arrondir les fins de mois. On ne peut qu’être abasourdi par l’ampleur de ton travail. Comment tu fais?

Mat : Je suis quelqu’un d’extrêmement entêté et d’obsessif. On pourrait même dire de psychopathe. Quand je me plonge dans un projet, ou quand j’ai une idée en tête, je m’y lance à fond. Et je fais tout pour amener Mat Paréle projet à terme. Je pousse. Je travaille. Peu de musiciens se rendent compte de l’implication que ça prend pour être booker à temps plein. Il faut savoir tout sacrifier pour la job. Il faut s’investir à fond, et peu de gens sont prêts à se sacrifier autant pour amener leur band un peu plus loin.

Ça ne fait que quatre ans que j’organise des shows. Je n’y connaissais rien. Je ne connaissais pratiquement personne dans le milieu. J’ai tout appris à force d’acharnement, et j’ai développé des capacités que peu de gens possèdent. Je me suis fait beaucoup d’amis et beaucoup d’ennemis (nous y reviendrons), j’ai fini par faire ma place à force de me relever les manches. Je n’ai pas attendu que personne book mon groupe, j’ai fait les appels, j’ai réservé les salles, j’ai perdu du fric, mais au bout de la ligne, j’en suis toujours ressorti gagnant en expérience, et fier de ce que j’avais accompli. Au fond, c’est tout ce qui compte; être fier de ce qu’on fait, bûcher fort, ne pas se laisser abattre malgré les détracteurs et les bâtons dans les roues. Faut pas avoir peur de rien ni de personne pour être booker. Il n’y a pas d’heure pour booker des shows. Faut être prêt et disposé jours et nuits. Le promoteur n’attendra pas ta réponse. Tu lui dis oui maintenant sinon il passe au groupe suivant. Il faut tout connaître; les nouvelles salles, les nouveaux groupes, les nouveaux médias. Il faut connaître tous ceux qui peuvent t’aider. Mais il faut aussi toujours être prêt à aider, toujours être prêt à entretenir une bonne relation avec les gens qui te permettront de monter sur une scène. À force de travailler avec les mêmes personnes, tu finis par les connaître, et ils deviennent des amis, des gens sur qui tu peux compter et qui peuvent compter sur toi, même si tu ne les vois que 2 ou 3 fois par année.

David : Et ça te donne quoi?

Mat : Ça me donne quoi? Je ne sais pas en fait. Ça me donne pas grand-chose. Ça ne m’aide pas non plus à payer mon appart. Ca me donne surtout l’impression de faire quelque chose. Si je n’étais pas booker, je ferais quoi? Je n’en sais rien. C’est ce que j’ai envie de faire. J’ai des grandes attentes envers moi-même. Pour moi, un week-end où je n’ai pas de spectacle à donner est un échec complet. Ça me donne l’impression d’avoir échoué. D’avoir manqué à mon rôle. De ne pas avoir respecté mon mandat. Mais tout ça est dans ma tête. Ce n’est pas grave de sauter une fin de semaine de spectacle, mais pour moi c’est la fin du monde, et je m’arrange pour ne pas que ça arrive.

David : C’est un jeu alors?

Mat : Oui. On peut dire ça. Un jeu avec moi-même. Si j’ai autant de groupe c’est parce que je ne peux pas m’en empêcher. C’est parce que c’est un devoir envers moi-même de me retrouver sur une scène. C’est plus fort que moi.

David : Et si ton trip c’est de jouer, pourquoi booker pour d’autres?

Mat : La question est de tout simplement continuer à être actif le plus possible. Ça ne parait peut-être pas, mais je suis altruiste. J’aime aider les groupes à se faire voir ou à prendre de l’expérience, même si je n’aime pas ce qu’ils font, ce n’est pas ça qui est important. Quand j’envoie un groupe de Montréal jouer à Québec ou à Sherbrooke pour la première fois. Je suis fier du travail accompli. Je suis juste heureux d’avoir permis à des gens que je respecte de sortir de leur petit patelin et aller montrer au monde ce dont ils sont capables. Et même si je suis altruiste, j’ai quand même mon égo; plus le milieu métal sera en vie plus j’aurai d’opportunités de me retrouver à nouveau sur une scène. Alors j’y gagne à tout coup.

Mat ParéDavid : Quelle est ta motivation ultime? L’argent? Le succès? La gloire? Les filles? Le pouvoir?

Mat : Tout ça et rien à la fois. Le but ultime est de jouer le plus possible. Le but n’est pas tant de faire du fric que de ne pas en perdre. La gloire? Le pouvoir? Oui, j’imagine. Personne ne refuserait un peu de gloire et de reconnaissance. Mais reste que la motivation ultime est juste de jouer et de faire quelque chose de ma vie. Je suis quelqu’un de très loyal. Je ne lâcherais aucun de mes groupes, même si mes propres musiciens veulent me casser la gueule à certains moments, tant que le groupe va quelque part, je suis le plus motivé de la troupe, et je ne fais que continuer à travailler pour amener le projet encore plus loin.

David : La quantité ou la qualité?

Mat : La quantité. La quantité parce que j’aime la variété. J’aime être surpris par les groupes. Il y a tellement de musiciens génériques qui se ressemblent les uns les autres en tentant de faire partie d’une « scène ». Ce qui m’importe ce sont les groupes qui ne ressemblent à rien, qui ont des idées originales et qui ont la volonté d’aller plus loin. C’est exactement pourquoi je me plais avec Bookakee, c’est que nos spectacles sont complètement disjonctés avec des foetus morts et du « jizz » vert fluo. Après un spectacle, le public, peu importe la ville où nous sommes, se souviendra de nous. Notre produit est inoubliable. J’aimerais voir plus de ces groupes avec des idées, une mise en scène, du théâtre, n’importe quoi. Il n’y a rien de plus emmerdant qu’un spectacle donné par 4 pouilleux en t-shirt et jean. Je veux voir de la couleur, du changement.

Je déteste les musiciens qui ne parlent que de leur équipement. Qui ont 36 pédales à leur pied, 8 guitares en arrière-scène, qui discutent entre eux de leur sorte de cordes ou de leur peau de caisse claire. Ils se vantent que leurs instruments valent plus que mon salaire annuel. J’en ai rien à foutre de tout ça. Bravo à toi si ta guitare vaut 3500 $ et que tu as un DEC en musique jazz. Tu as donné 3 shows dans la dernière année, et dans ta ville en plus. Je préfère de loin jouer sur un ampli emprunté et une basse cheap qu’on m’a donné, mais d’amener mon groupe partout. Personne l’a verra ta guitare à 3500 $ si tu n’es pas foutu de te lever le matin pour booker ou promouvoir ton band. C’est ça qui compte, et c’est ça qui me distingue.

David : Au fond, est-ce qu’on pourrait dire qu’être booker c’est une job ingrate?

Mat : Oui, c’est évident. Tout finit tout le temps par te retomber sur le dos. Même tes propres musiciens t’engueulent si la soirée a mal été. Même tes propres musiciens ne se rendent pas compte du travail que ça prend pour organiser un show, et imagine, organiser une tournée. Et dès qu’on doit se rendre au show, dès que l’heure du départ pour la tournée a sonné, c’est le moment de manger la marde de tout bord tout coté. Les autres groupes chialent parce qu’ils n’ont pas de place pour amener leur propre équipement ou que l’affiche est pas belle. Tes musiciens chialent parce que ça sera pas assez payant. Le boss chiale parce que son bar est pas rempli à craquer ou bien que le monde boivent pas sa Coors light à 6 $, ou pire que le son est trop fort. Il y a tout le temps quelqu’un pour chialer sur les détails; le bar a pas de scène, on joue trop tôt, on joue trop tard….Je m’en fou de tout ça. Je laisse le monde chialer et j’essaie tant bien que mal de faire ma job comme je peux. Booker des shows c’est être tout le temps dans l’urgence, faut savoir se débrouiller à la dernière minute et faut surtout pas se laisser déprimer par l’attitude négative des autres. La plus grande qualité d’un booker c’est d’être patient, de savoir faire de la médiation. Il faut constamment tout voir positif. Tu peux faire 7h de route pour aller jouer à Rimouski devant 12 personnes. Ton cachet ne couvre pas l’essence, et puis? Les 12 personnes dans le public reviendront te voir, ils vont en parler à leurs amis, ils achèteront des CD, et peut-être même qu’ils feront du postering pour toi lorsque tu y retourneras. Faut juste être heureux d’être sur une scène, heureux de rencontrer du nouveau monde, de voir une nouvelle ville. Tout est une expérience positive même si ça vient gruger ton budget. Ça me fait rire au fond. Ça m’amuse d’entendre les critiques, de voir les gens chialer. Je me sens comme un personnage de Seinfeld, booker du métal c’est vivre dans un téléroman.

David : Pourquoi on te déteste? Est-ce par jalousie?

Mat : On peut dire ça. Bien sûr que ma vie rend beaucoup de gens jaloux. Ils ne comprennent pas comment je peux être partout à la fois. Comment je peux faire autant de shows, booker des groupes internationaux…et fourrer autant de filles. Il n’y a qu’une seule réponse, je travaille comme un fou, et je ne fais que ça. Les gens qui réussissent sont souvent détestés par ceux qui ne réussissent pas. C’est toutMat Paré simple comme équation.

Mais évidemment, je suis un estie de baveux. Je dis tout haut ce que les autres n’osent pas dire. Si ton groupe c’est de la marde, je vais te le dire en pleine face. C’est pas personnel. J’ai rien contre toi en tant qu’individu, je peux même continuer à t’aider et te booker. Ça n’empêche pas que je trouve que c’est de la marde. J’ai une grande admiration pour Howard Stern, le plus détesté des DJ, parce qu’il dit tout. Ça me fait rire. Je trouve ça drôle de dire à un groupe qu’ils sont pourris. Par contre, en échange, je trouve ça tout aussi drôle lorsque quelqu’un vient me dire que je ne sais pas jouer. Il a parfaitement raison. Je ne le prends pas du tout personnel. Certaines personnes le prennent pas. Ils finissent par me détester pour ça. Moi, je déteste personne.

On peut me faire des menaces de mort, me répéter cent fois que je vais me faire casser les dents. Tout ça est une grosse joke. Et de toute façon, ça me donne de la publicité. Ça fait jaser dans la scène. Tellement, que le Daily Rock s’y intéresse. Chaque fois que quelqu’un veut me péter les dents, c’est du public de plus dans mes shows, des clicks de plus sur YouTube, et au final, c’est encore moi qui gagne. Ma fierté est plus importante que la haine des autres.

Me détester c’est devenu une industrie. Tout ça a commencé avec Vaginal Scars (pire nom de band ever, encore pire que Bookakee), maintenant c’est moi-même qui vends des t-shirts « Fuck you Mat Paré ». Ça fait rire les gens. J’en profite c’est tout. Toute publicité est bonne, surtout quand elle me fait rire.

Vous pourrez voir Mat Paré partout sur scène au Canada avec ses différents projets en 2015, de même que sur plusieurs festivals qu’on ne peut pas encore dévoiler….

Entrevue : David Atman