Deux événements sont survenus à l’annonce de ce concert. Premièrement, une horde de fans en liesse, des trentenaires portant le hoodie sont virés fous devant ce line-up parfait. Deuxièmement, un rabat-joie est venu nous dire qu’en fait Converge ne pourrait faire partie de ce spectacle considérant leur entente d’exclusivité avec le Rockfest de Montebello. La somme de ces deux événements a été l’amorce d’une décharge publique de rage et d’intimidation. Sous la pression, et voyant bien lui aussi qu’il s’agissait d’un line-up exceptionnel, Alex Martel a changé son fusil d’épaule. Après une journée ou deux, le grand-papa Rockfest permettait aux ados de Converge de rentrer après minuit.

Je me permets ici d’un peu de sarcasme. La horde de fans en liesse est devenue une horde de fans en colère. Et pourtant. La clause d’exclusivité d’un immense festival comme le Rockfest n’est absolument rien de nouveau ou de surprenant, et elle prévaut pour tous les groupes participants à tous les grands festivals de la planète, sauf exception. Il est tout à fait nécessaire qu’elle soit inscrite à tous les contrats, sans elle, le festival n’en est pas un et sa tenue est impossible. Il s’agissait donc effectivement d’un terrain glissant considérant que, sous la pression d’avocats, Converge n’aurait eu d’autres choix que d’annuler sa performance à Montréal. Dans le cas où ça se serait produit, imaginez la tension entre les deux partis lors du dit Rockfest. Par contre, Il y a certainement quelqu’un quelque part qui a mal fait son travail, quelqu’un qui aurait dû de prime abord sonner l’alarme avant la confirmation du concert à Montréal. Si l’on voulait analyser la situation avec des yeux de conspirationnistes, l’on pourrait peut-être se demander si ce n’était pas tout à fait ce qui était souhaité à la base, c’est-à-dire laisser les trolls de l’internet gérer la situation et faire annuler la clause d’exclusivité d’un contrat par les insultes et la diffamation. Ça semble à première vue plus simple et moins coûteux que d’engager des avocats pour renégocier un contrat. Je pousse, mais tout ça est louche.

La réaction de certains enragés envers le Rockfest et, plus particulièrement, envers Alex Martel et sa personne, était injustifiée et complètement démesurée. Au final, il aurait fallu, en tant qu’amateur de musique, accepter que Converge ne puisse faire le concert de Montréal. Il aurait fallu comprendre qu’un contrat se doit d’être respecté par les deux parties, et que le Rockfest avait tout à fait raison d’agir comme il l’a fait. Je préfère voir cette volte-face du Rockfest comme en étant une d’ouverture plutôt que d’abandon face à la menace. Mais sait-on jamais?

Amenra avait le mandat important d’ouvrir cette soirée et ce fut fait avec grand brio. Le groupe originaire de Belgique a débuté devant une foule assez mince, mais a terminé sa performance sous un tonnerre d’applaudissements. Le chanteur Colin van Eeckhout, la plupart du temps dos à la foule et faisant face au batteur Bjorn Lebon, réussit à terroriser le public avec un large éventail de cris stridents. Son contrôle vocal est tout à fait exceptionnel, la maitrise de son instrument révèle une amplitude de textures et de couleurs particulières. Son timbre de voix, tout comme la musique de Amenra, est apocalyptique et infiniment lourd. Le désespoir est la thématique centrale d’une œuvre à la fois sublime et détestable. La concentration est de mise et le spectacle est très cérébral. Pour plusieurs ce fut la performance de la soirée. Mais si court.

Converge suivait de près avec une performance qui en a déçu certains. Plusieurs pièces importantes de leur répertoire n’ont pas été interprétées, et certaines autres sont un peu tombées à plat. Pas que le concert n’ait manqué d’énergie, mais le chanteur Jacob Bannon nous a longtemps habitué à des performances un peu plus intenses. Il semblait un peu mal à l’aise sur cette scène, comme s’il manquait d’espace et étouffait. Mais malgré certains moments d’hésitation, musicalement le spectacle fut magistral. Les musiciens ont semblé prendre plus d’espace scénique lors du concert d’hier que lors de spectacles précédents. Leur présence bien en avant a rééquilibré l’énergie d’un concert qui semblait à certains moments en avoir besoin. Ce fut chaotique tout à fait comme l’on pouvait l’espérer. Une folie passagère qui ne passe pas et qui a maintenant presque trente ans de carrière.

J’avais assisté à la performance de Neurosis lors de leur dernier passage dans la métropole avec Godspeed you Black Emperor. Neurosis que j’appréciais bien sur album avait donné un concert qui m’avait totalement déplu. Je ne me souvenais pas pourquoi, mais hier ça m’est revenu. Le groupe semble avoir eu de la difficulté à s’adapter, et à développer leur son avec les années. Malgré quelques-uns des plus beaux riffs de guitare entendus dans une pièce métal, il y a chez Neurosis une simplicité désarmante qui se transforme parfois en vide, en trou mélodique ou rythmique. Les effets sonores entre les pièces m’ont semblé interminables, tout à fait sans valeur, et brisant ainsi l’atmosphère et la fluidité entre les chansons. Des pièces lourdes et sombres soutenues par des bidouillages électroniques sont parfois criantes de répétition qui ne mènent pas nécessairement à Rome. Les sons analogiques apportent effectivement beaucoup au concert, mais visuellement la présence de Noah Landis derrière ses claviers est dérangeante. On le voit, en premier plan, appuyer sur parfois un seul bouton pendant de longues minutes. On ne peut pas décrier son manque d’énergie, par contre trop ç’est parfois comme pas assez. Tout de même un très bon spectacle, mais définitivement Neurosis n’est pas le meilleur groupe à voir en concert, je me contenterai des albums.

Texte: David Atman

Photos: Valéry Tremblay-Brunelle

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