Nous sommes aujourd’hui (le 30 septembre) à 24 heures de la prochaine période de confinement général annoncée la semaine dernière. La nouvelle a été accueillie (avec raison) négativement par tous les entrepreneurs et les organismes sociaux touchés par cette dernière.     Après le martyr vécu par ces entreprises au printemps et l’investissement fait pour assurer la sécurité de leur personnel et du public durant l’été, est-ce que ce nouvel arrêt va sonner le glas pour nombre d’entre-elles? Le gouvernement va tenter probablement tenter d’amortir les pertes et le fédéral a déjà mis sur pied plusieurs mesures préventives pour limiter l’impact des pertes de revenues pour les travailleurs mis à pied. Est-ce que c’est assez? Est-ce que ça va faire une différence rendu en décembre? Mais plus sérieusement: Est-ce que les travailleurs licenciés vont avoir un emploi lorsque la ville va rouvrir en Novembre? Bien que ce soit des questions légitimes à se poser, la majorité d’entre nous n’avons soit aucun recours pour affecter la situation ou sommes directement touchés par cette dernière.
On a beaucoup parlé de l’impact néfaste de la crise sur les salles de spectacles et les espaces de créations et cette nouvelle vague risque en effet de mettre en jeu la survie de ces établissements pourtant vitaux à nos scènes locales. Un des piliers de notre scène punk est le TraXide. Actif depuis plus de 10 ans, le TraXide joue un rôle unique à Montréal: c’est une salle de spectacle, un espace de rencontre et une halte importante pour les punks migrants et/ou itinérants. Il n’est pas rare de rencontrer des punks venants du Yukon, du Nouveau Brunswick, de Shawinigan, de Toronto et même des États-Unis et du Mexique. C’est un espace ouvert et sécuritaire qui assure à ses occupants une liberté qui ne leur est pas nécessairement offertes par la société dominante.
Il y a quelques semaines, j’ai parlé à Jennifer Bobette, la principale booker de Bobettes Productions et qui organise des soirées au TraXide depuis plusieurs années. Elle est d’ailleurs derrière la campagne de socio-financement lancée au début de la pandémie. On a surtout parlé de ses projets de relance et de l’impact de la fermeture sur la programmation. Déjà chanceuse d’avoir bénéficié du soutien des propriétaires du bâtiment qui lui ont donné un sursit de loyer de quelque mois, elle devait mener un double combat pour assurer d’un côté la survie du TraXide et de l’autre la sécurité de ses occupants. Le TraXide est un espace particulier et dépend entièrement des recettes générées lors de spectacles. Son statut précaire ne lui permet pas d’avoir accès à des subventions gouvernementales de soutien aux organismes culturels. Les événements majeurs qui étaient prévus ont tous été annulés ou remis à une date ultérieure. Le après avoir rouvert progressivement en Juin, Bobette s’est trouvée à brainstormer des idées pour générer assez de revenus afin de payer le loyer de la salle et ainsi l’empêcher de disparaître. Elle a donc commencé à lancer des idées sur le tableau pour voir ce qui allait coller. Des soirées board games et des jams sessions ont été organisés pour voir quelle allait être la formule gagnante qui allait permettre à Bobette de maintenir le TraXide ouvert. Comble de malheur ou bien l’ironie tragique de la chose, tout dépend comment on regarde la situation, elle se donnait jusqu’en octobre pour voir comment allait se concrétiser le plan de survie (en quelque sorte) de l’espace.
Mais avec ce nouveau mois de fermeture, est-il temps de s’inquiéter pour le TraXide? Et si la situation est aussi tragique que je le dépeins, qu’est-ce qui va se passer avec la scène punk underground si le TraXide? Si on est chanceux, le mois d’octobre va passer et on pourra retourner y retourner en novembre comme si de rien n’était, mais 2020 n’est pas l’année de l’espoir… 2020 est l’année où on passe dans le tordeur financier, émotif et psychologique. Personne n’en sort vraiment gagnant, on fait juste s’en sortir moins pire que les autres, au mieux. Il n’y a rien que j’aimerais mieux que d’aller voir le lancement du dernier album des Ripcords en décembre, mais avec la fermeture des Katacombes (fermé en décembre dernier) et le statut précaire du TraXide, il faut se poser la question s’il va rester des salles où des soirées du genre vont être toujours ouvertes rendu là.
On s’entend que mon pronostique est négatif, peut-être même trop. Je ne sais pas si Bobette a un plan qui lui permettra d’assurer la survie du TraXide ou si les propriétaires du bâtiment vont lui permettre d’opérer sans payer de loyer ou si des groupes locaux vont organiser un spectacle-bénéfice pour le TraXide ou si je vais gagner à la Lotto du même coup. Par contre, ce que je sais c’est que des espaces comme le TraXide sont vitaux au développement et à la survie des communautés punks marginales. Des liens se forment, des amitiés se forgent, des réseaux de développent et de la musique se crée dans ces lieux. Sans ces derniers, des jeunes déjà isolés et laissés pour compte par la société dominante se retrouvent parfois à la rue, dans des situations familiales dangereuses ou prises en charge par un système qui n’est pas adapté à leurs besoins. C’est pourquoi je m’inquiète pour le TraXide, pas parce que j’apprécie me faire mettre dehors d’un bar parce que j’ai l’air d’un policier undercover (ça c’est déjà passé et c’est une longue histoire) ou parce que j’aime sentir la cigarette pendant trois jours après avoir passé une soirée là. Mais en même temps ce n’est peut-être pas ma place de m’inquiéter. La scène punk survie par la peau des fesses et la débrouillardise DIY de ses membres depuis les années 1970, il n’y a pas raison de penser que 2020 sera l’année ou le punk mourra.