Salomé Leclerc effectuait ce 22 avril sa rentrée Montréalaise en mode Cabaret à la Tulipe. Un spectacle très rôdé et très maîtrisé qui met sous cloche l’énergie brute et instinctive que l’on connaît de la musicienne.

Le hockey n’avait pas refroidi les fans les plus assidus et dès la première partie -Félix Dyotte, chansonnier sympathique mais passablement ennuyeux- la Tulipe semblait afficher complet. En formation cabaret avec tables et chaises, l’espace se remplit bien vite et donne un effet trompeur. Quand on arrive un poil en retard, impossible de se placer sans gêner qui que ce soit. Pourtant, nous ne sommes pas si nombreux.

La mise en scène est sobre et impose une ambiance propice à l’introspection dans un univers solennel articulé autour de Salomé Leclerc et de ses guitares. Pourtant, dès les premières notes de Caméléon, un parfum de contradiction flotte alors que le public conquis embarque dans un claquement de doigts.

Après quelques mots incontournables sur le plaisir d’être là -elle le fait très bien !- la musique reprend et la sensation persiste. Tourne Encore, dans une version très électronique avec une fin plus rock, révèle l’origine du malaise : si la mise en scène dirige les regards sur Salomé Leclerc et ses guitares, les nouveaux arrangements très électro semblent la contenir dans un espace trop petit pour elle.

Moins instinctive

L’énergie et l’émotion très instinctive qu’on lui connaît semblent submergées d’effets trop lourds, trop digitaux, trop intellectualisés. Salomé Leclerc semble coincée dans une boite en verre au milieu d’une scène peu à sa mesure. La sensibilité en pâtit, d’une certaine façon.

Pourtant, d’un point de vue purement stylistique, ces sons graves et ces grooves saccadés sont indéniablement un terrain de jeu cohérent pour l’auteure. Les Chemins de l’Ombre en a été un excellent exemple en appliquant un traitement plus organique à un arrangement d’inspiration électronique.

Bien sûr, la finesse des mélodies et la poésie de Salomé Leclerc persistent et des pièces comment Le Bon Moment, Vers Le Sud ou Arlon emportent le public sans forcer.

En rappel, une version intimiste et dépouillée de La Vie d’Factrie donne plus d’espace à toute la subtilité de Salomé Leclerc, qui confirme alors qu’elle a besoin d’air dans ses chansons comme celles des autres pour en exprimer librement toute la profondeur.

Toujours en mouvement, dans des formations différentes et toujours maîtrisées, l’artiste n’a pas fait d’erreur ici et proposé un spectacle de haut niveau. Mais est-ce vraiment le format qui lui convient le mieux ?

Marien Joly