Groupe: Anonymus
Album: Envers et contre tous
Date de sortie: 7 août 2015
Label: Anonymus
Ça faisait un p’tit bout de temps que nous n’avions pas eu de nouvelles de notre Megadeth québécois. Et quelles nouvelles avons-nous cette année! Envers et contre tous, le septième album du groupe sera sur les tablettes virtuelles et les présentoirs de magasins à compter du 7 août. Du speed metal pur et dur dans la tradition de l’infernal quatuor. Et comme si le cadeau n’était pas déjà satisfaisant, on apprend que le groupe participera au Heavy Montréal du 7 au 9 août aux côtés de Slipknot, Meshuggah et Gojira (rien de moins!).
Je me rappelle encore la belle époque de ceux que l’on pourrait appeler nos «4 fantastiques». Dans ce temps-là, on n’entendait que leurs noms: GrimSkunk, Groovy Aardvark, B.A.R.F. et Anonymus. Et ça déménageait, oui monsieur! Impossible de ne pas assister à un «mushpit» à chaque fois, et ce, au grand plaisir des fans et des jeunes nationalistes francophiles et amateurs de métal. Ça, c’était les années 1990, l’âge d’or du grunge, du speed et du trash metal. Il s’en est bu de la bière, il s’en est gueulé des refrains, il s’en est hurlé des «le p’tit poisson, yé dead!», pis il s’en est brassé de la tête. Rien à voir avec la période que nous connaissons aujourd’hui avec ces groupes hyper-léchés où rien ne dépasse, où tout sent Videotron et la promotion dans les pubs télé. Non, à ce moment-là, la musique et sa scène étaient vraies. Les foules n’y étaient peut-être pas aussi nombreuses qu’à un spectacle de Metallica ou de Slayer, mais elles étaient enragées, énergiques et elles scandaient les airs de leurs groupes préférés. Nous étions bon public, et nous avions d’intègres idoles.
Trêve de nostalgie, c’est du haut de mes 32 ans que je redécouvre la musique si violente que j’aimais tant et les guitares déchaînées dont je me délecte de l’écoute (je me rappelle encore de Virtually Insane et Hi-tech Resurrection, deux de mes chansons préférées à l’époque où mon ancien band et moi faisions la première partie du groupe alors que je n’étais encore qu’un ado). Après 4 ans, Anonymus nous revient avec un album dont la production égale celle de nos voisins américains. En fan fini de Megadeth, de Anthrax et quelques gros calibres du genre, force m’est de constater qu’un album réalisé au Québec, ça peut vraiment déménager. Chaos Chapter Begins, (2006) et État brute (2011), les deux précédents albums du groupe avaient eux aussi de la gueule et défonçaient des murs de briques. Il est d’autant plus curieux que ces opus antérieurs n’aient pas traversé outre-mer, puisque la réalisation y est impeccable!
Avec Envers et contre tous, j’ai l’impression d’entendre Dave Mustaine et Scott Ian mutiler leur guitare sur quelques sillons numériques, alors qu’en fait, ce sont Fortin et Souto qui me régalent. Avec ce nouvel album, Anonymus atteint son apogée dans la technique et l’efficacité de ses pièces. Déjà, en introduction, on se ramasse «sur le cul» (si vous me permettez le québécisme inspiré). L’album commence avec Tu es mes démons, un morceau qui fera instantanément penser aux compositions de Death Magnetic de Metallica (vocal plus agressif et batterie très technique en plus). Carlos Araya, qui martèle le double bass-drum comme un dieu, nous fait sentir chaque coup au fond de la poitrine. D’ailleurs, pour ceux qui ne jurent que par Chris Adler (Lamb of God) ou Dave Lombardo (Slayer), j’ai des petites nouvelles pour vous: notre «drummer» national les bat à plate couture! Puis, vient le très engagé Dieu seul le sait, qui, à moins que je ne me trompe, dénonce à grand coup de «ta yeule!» la gouvernance outrancière de notre clergé et la menace du Jugement Dernier qui a si longtemps assujetti les nations à la peur et au contrôle de l’Église-État. On sent déjà dans ce morceau, toute la rage et la rancœur du groupe, avec l’énergie et le courage de le crier, de le chanter et de le diffuser, à la façon des icônes du speed et du trash que l’on connaît si bien. Et, pour soutenir comme des Atlas le poids et le fardeau de notre monde actuel, Anonymus poursuit sa parade anarchiste avec une hymne réactionnaire contre la situation politique que nous connaissons actuellement. Toujours plus, mais toujours moins, un morceau qui sent musicalement la bile et l’écume, ne se gêne pas pour dénoncer les Couillard, les Barette et autres guignols, en soulignant le non-sens de l’austérité et des discours du genre: «serrez-vous la ceinture concitoyens, pendant ce temps nous nous priverons de rien».
Ces revendications, qu’il est légitime de formuler pour lâcher collectivement de la pression sont pour Anonymus une façon d’exprimer un mécontentement général et mutuellement senti. Fidèles à leur habitude, les membres du groupe partagent des points communs avec leurs fans et leurs semblables. Mais il vient un temps où il faut penser à soi et crier «Basta!» à la face du monde. C’est ce qu’ont fait nos diablotins du métal avec Nous Sommes, un morceau introduit avec des guitares acoustiques à la Opeth et des chants chorals qui, au bout d’une minute, explose en distorsion et en mitraille pour partager avec nous leur histoire de détermination et leur passion sans compromis pour la musique. C’est un morceau à la fois commémoratif (le groupe fête les 25 ans, ce qui n’est pas rien!) et cathartique. Accompagnées de leur comparse du passé, Marco Calliari, les voix de Fortin d’Araya et des frères Suto scandent un manifeste de la musique métal au Québec (du moins, c’est ce que j’en comprends entre les lignes). On y sent une certaine colère, alors que le groupe se démène, et je cite, «comme des diables dans l’eau bénite» depuis un quart de siècle, sans toutefois avoir traversé la frontière américaine de façon significative. C’est avec acharnement que les quatre ambassadeurs du métal francophone nous disent clairement: «on fait de la musique qu’on aime et que nos fans aiment, tant pis si ça ne passe pas aux States! On chante en français, ça veut dire qu’on fait ça pour nous, pas pour le marché». Et ainsi soit-il!
Avec un nouvel album complètement en «langue de chez nous», le quatuor nous livre un message de sympathie. Ça suffit! Terminé le temps où le peuple était soumis et ne contestait pas trop. Si nous sommes reconnus comme de fameux «chiâleux» au Québec, eh bien tant pis! Si l’on ne parle pas, qu’est-ce qui nous reste? On ne restera tout de même pas à genoux, l’échine courbée en attendant qu’on décide de mieux pour nous. Et puis, si le message ne passe pas, que reste-t-il à comprendre de cette musique? Quelques airs défoulant, des guitares déchaînées à souhait, une batterie et une basse du tonnerre, ainsi qu’une voix qui hurle de profundis: «tous avec moi!». En ce qui me concerne, il ne m’en faut pas plus. Ah oui: de l’intégrité. Et ça, Anonymus en avait, en a, et en aura toujours. Parce que des groupes authentiques dans le genre, il n’y en a pas des tonnes! Il ne me reste plus qu’à souhaiter longue vie à nos vétérans du métal.
Note: 8/10
Dany Larrivée
29 juillet 2015.
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