Artiste: Fractal Cypher

Album: The Human Paradox

Sortie: 7 septembre 2016

Label: Indépendant

En mai dernier, le groupe montréalais Fractal Cypher nous gratifiant de leur premier single «Prison Planet», une pièce aux délicieux accents djent. Le 15 juin, la même formation nous offrait son second extrait, «Lost», un titre très Avenged Sevenfold qui, à mon avis, pourrait rivaliser avec la formation de Zacky Vengeance et Matthew Shadows et perpétuer par la même occasion la tradition Dream Theater en y ajoutant un ingrédient personnel: du rawwww et du oomph! Puis, avec «Awakening», le groupe prog metal québécois nous a laissé il y a quelques semaines sur une merveilleuse ballade noire tramée de violons et de piano, un air à mi-chemin entre les ballades classiques de Guns «n Roses, Scorpions, Stone Sour et Avenged Sevenfold où on a le goût de sortir à nouveau nos briquets en plein concert (pas cette vile lueur bleutée des écrans de cellulaires).

Époustouflé depuis les débuts, je ne peux manquer de couvrir ce premier album aux diverses quoique très intéressantes directions. Non, le son de Fractal Cypher n’est pas un son totalement nouveau. En fait, FC n’a pas un son, il a une couleur, une énergie. C’est un son recherché, un metal soigné et vachement bien rodé, mais il n’invente pas le metal et on ne l’exige pas non plus, car il fait plus que livrer la marchandise, il l’expédie à la vitesse grand V. Mais qu’à cela ne tienne, ce metal est bien à eux malgré tout, car la chimie entre musiciens y est palpable et  l’équilibre entre toutes les parties y est aussi. La splendide voix de Simon Lavoie est la cerise sur le gâteau, mais elle est aussi le point névralgique de l’ensemble. Car avouons-le, combien de fois sommes-nous tombés sur des formations musicalement intéressantes, dont les parties vocales, laissées à désirer, faisant s’écrouler du coup tout le sublime de la musique comme un jeu de Jenga auquel on a enlevé la pièce maîtresse. Cette fois-ci, je vous assure, les parties vocales sont véritablement gagnantes; “no deception allowed ».

Chacun des membres de Fractal exécute sa partie avec brio et passion. On entend très bien cette énergie communicative, cette passion dévorante pour la musique. Non, gratter sur des cordes ou frapper sur quelque chose n’est pas pour eux un simple défoulement pour tuer le temps. On saisit bien l’affection contagieuse de ces musiciens entre chaque mesure, qu’elle soit douce (dans « Lost » et « Shining A While ») ou carrément virulente et foudroyante (dans « Prison Planet » et « Imminent Extinction » en particulier). Et pour cause : chacun se consacre à ce médium et s’y investit depuis un bon moment. Steven Cope, le batteur du groupe, possède une formation collégiale en batterie jazz (et ça s’entend à ses signatures rythmiques syncopées), alors que Tommy Fradette (basse) et Vincent Bruneau (guitare) ont une formation universitaire en musique. C’est d’ailleurs lors de cette dernière fréquentation commune à l’UQAM que la bassiste et le guitariste se sont rencontrés pour s’ajouter à cette superbe formation montréalaise.

Et dire que tout cela ne remontre qu’en 2014, année de la graduation de nos deux bacheliers. On jurerait pourtant que le groupe a une expérience de quelques 5 ou 6 années, tant l’ensemble est bien rôdé. En fait, à l’écoute de l’album dans son ensemble, on cerne ça et là plusieurs styles qui, d’une certaine façon, ne feraient pas cohésion a priori au sein d’une seule et même production. D’une part on entend ces airs djent/metal prog dans « Final Abode » et « Idle Words », ces mélodies power/neo-classique/prog metal à la Children Of Bodom, Symphony X, Dream Theater et Avenged Sevenfold dans « Endless Circle », « Prison Planet », « Ghost Of Myself » et « Final Abode », alors que d’autre part, FC nous communique cette fièvre death mélodique dans « Imminent Extinction » et nous laisser finalement sur trois ballades rock qui bordent l’album, en escale entre quelques sublimes tumultes.

Franchement, le groupe étonne par sa polyvalence, sa technicité, mais aussi par la solidité de ses compositions. Et à ce titre, la responsabilité revient au claviériste Ludovick Daoust, le principal compositeur du groupe. Œuvrant derrière ses synthétiseurs, le jeune musicien élabore l’anatomie de chaque titre. Le travail en groupe, lui, consiste en l’élaboration ornementale, ce qui donne la couleur, le phrasé et le ton à chaque piste. C’est ainsi que sont nées les 9 premiers gemmes qu’il vous sera possible d’entendre en totalité dès le 7 septembre. Et bien que le guitariste Vincent Bruneau m’ait gentiment expliqué le modus operandi de son groupe (je l’en remercie amicalement d’ailleurs), je l’aurais deviné. La présence très prenante des claviers dans « Imminent Extinction » et « Idle Words » révèle l’existence nécessaire du clavier dans l’élaboration des morceaux. C’est une colle, un ciment qui réunit toutes les parties de la musique. Sans la voix et les claviers, la polyrythmie et la pluridisciplinarité des genres musicaux choisis par le groupe n’auraient probablement pas la même efficacité, puisqu’elles ne présenteraient pas une liaison aussi efficace que celle qu’on lui connaît.

Pour tout amateur de bon prog metal, mais je veux dire : de BON prog metal sans compromis, l’album The Human Paradox est un incontournable. Et puis s’il vient à quelques-uns le scrupule de dire : « cette formation est toute jeune et elle ne doit pas avoir beaucoup à dire, étant donnée sa maigre expérience », je rétorquerai comme le général Frontenac en vous disant : « je vous répondrai par la bouche de mes canons ! ». Car cet argument ne tient aucunement la route. D’ailleurs, si j’ai pris le temps d’écrire une critique sur cette incroyable formation, c’est que je n’ai aucun doute que la musique de Fractal Cypher traversera les frontières américaines et franchira l’Atlantique dans les temps à venir. Il ne saurait en être autrement, parole de mélomane ! Sur ce, comme le diraient les explorateurs et les combattants anglais à  la veille d’une expédition ou d’une campagne : « Godspeed ! ».

Dann

https://fractalcypher.bandcamp.com

https://www.facebook.com/fractalcypher

Chronique parue simultanément chez Clair & Obcur (Paris) et Daily Rock (Québec).