Beck l’anti-héros

La Place Bell de Laval devait vibrer au son du magnifiquement talentueux David Campbell, alias Beck Hansen. Le plus grand des losers qui compte maintenant 25 ans de création, et qui accumule les éloges depuis ses débuts autant des radios commerciales que des mélomanes plus champ gauche. Sa carrière s’écoule sur plusieurs générations et évoque différents mouvements musicaux, modes vestimentaires et types d’instrumentation. Un fidèle public l’a toujours suivi dans ses élucubrations même s’il est de plus en plus difficile à suivre. L’on peut y voir un artiste tout à fait original qui fait fi des conventions, de même qu’un artiste opportuniste à souhait. Les deux sont probablement vrais et font de lui la légende que nous sommes venus voir.

Plus récemment, ses parutions sont affublées d’un aura électronique, dansant, festif. Nous sommes à l’opposé du Beck anti-folk du début des années 90, celui que l’on pouvait à l’époque considérer comme le nouveau Daniel Johnston, celui qui jouait croche, désaccordé et faux, tout ce qui l’a rendu célèbre au fond.

Beck l’excentrique

Le spectacle a merveilleusement bien débuté avec les vieux succès de 1996; Devil’s haircut et New pollution. Après quinze ou vingt minutes, le tout s’est par contre gentiment assagi. Beck chantera ensuite pour environ une heure de pièces plus récentes, définitivement beaucoup moins intéressantes, et surtout cruellement moins connues. La Place Bell a prétendu pour un long moment toujours faire partie de la fête, mais c’était timidement que nous assistions au trip égocentrique d’un musicien en manque d’attention. Un peu plus tard, quelques pièces acoustiques nous ramènent sur le plancher des vaches en nous rappelant pourquoi nous sommes ici. Une tentative ratée de répondre à une demande spéciale en interprétant le très vieux succès Satan gave me a taco, et l’interprétation de Earthquake weather une pièce qu’il n’avait, selon ses dires, pas joué depuis 20 ans, nous a, entre autres, montré un Beck simple qui avait clairement beaucoup de plaisir. Après avoir majestueusement interprété Loser, nous savions tous que ça devait achever. En bouche, ce goût un peu amer du manque criant de succès interprétés durant la soirée. Le rappel allait peut-être pouvoir nous changer l’arrière-goût, mais il n’en est rien. Son retour sur scène a surtout servi à longuement présenter ses musiciens en leur faisant interpréter toutes sortes de chansons passant de Queen au Talking Heads. Un long moment inutile qui aurait pu servir à ramener le balancier au centre afin d’égaliser les nouvelles chansons pas écoutables et les vieux classiques que tous voulaient entendre.

C’était surtout un peu broche à foin. On lui pardonne tout de même son excentricité.

Texte: David Atman

Photos: Martine Labonté