Bispora «The Pineal Chronicles Phase I : Furtherance » (prog metal, Californie, É-U, 2013)

Ouais, eh bien, la pochette de cet album ne paie pas de mine, mais il ne faut pas juger un livre par sa couverture, dit-on! Le groupe californien Bispora confirme cet adage, car malgré des apparences plutôt communes, se cache une complexité musicale des plus marquantes. La dernière fois que j’ai entendu un album de metal progressif de cet acabit, c’était en 2012, lorsque les légendaires Between The Buried And Me lançaient sur le marché le très efficace Paralax II: Future Sequence.

The Pineal Chronicles, le disque dont il est ici question, s’approche de cette sonorité très futuriste, très mathématique, à la fois rythmée et bigrement lourde que l’on reconnait chez la formation de Tommy Giles Rogers et compagnie. C’est de l’acier, du plomb, du palladium, ce que vous voulez… du moment que ce soit lourd! Dans des méandres de notes, à travers les hurlements, les growls et les guitares alcalines et déjantées, on perçoit le parcours de l’atome dans le vide de la matière, le flux vital et l’obstination de l’énergie à créer, à déterminer le cours des choses, à modifier ce qui existe. Comme chez BTBAM, on discerne rapidement l’intelligence du propos, le génie créateur dont les jeunes de Biospora ont été gratifiés.

Héritiers involontaires de Last Chance To Reason, The Contortionist, The Between The Buried And Me, des mouvements death et du metal progressif en général, Biospora s’inscrit dans un mouvement de «désobéissance musicale» où l’objectif potentiel réside dans l’abolissement des frontières entre les genres, le développement de l’instinct créateur et la détermination à faire évoluer la musique en tant que telle. Dans des pièces telles que «The Expedition» et «Peripheral», il devient futile de cerner un motif central. Comme l’électron cherche à s’éloigner du noyau atomique, lorsque fragmenté, chaque piste de cet album tend à prendre ses distances du motif musical à son origine. C’est ce que l’on nomme le «progressif», et pour cause. Car il y a dans ce type de «variations sur un même thème» (pour reprendre les mots du compositeur Goldberg), quelque chose d’ascensionnel, d’évolutif, de progressif en soi.

En ce sens, la musique de Biospora, comme la musique des formations nommées plus tôt, a sa raison d’être. Il s’agit, en mon sens, du quatrième âge de la musique moderne, rien de moins. Nous avons donc connu le premier rock des Beatles et de leur généalogie, baigné dans les mouvements musicaux anticonformistes et réfractaires à la musique élitiste telle que le punk, le grunge et le metal, nous avons également vu naître (de notre temps), la première vague du rock progressif. L’époque que nous traversons actuellement est un autre pan de l’histoire de la musique. Le foisonnement et l’éclatement des genres (pour faire naître une pléthore de sous-genres et d’écoles parallèles), nous fournissent bien des éléments pour étayer un pareil postulat en la matière. Et, à mon avis, Biospora est une figure emblématique, bien que très peu connue, de ce quatrième âge.

Rien ne sert d’aller plus avant dans le descriptif de cette musique ô combien brillante, ingénieuse, audacieuse et articulée. Une ou plusieurs écoutes pallieront à ma lacunaire éloquence. Trêve de longs discours et de descriptifs quasi-muséaux, je vous laisse juger de cette observation par vous-mêmes. Et pour ma part, je souhaite profondément que cette nouvelle ère ne s’essouffle pas dans les prochaines années. Personnellement, j’en prendrais bien pour une autre décade.

Dann

6 mars 2016