En affaire depuis 2000, la boutique Sonik fêtera ses 15 ans en avril prochain. Le disquaire de la rue Berri se spécialise en punk, toutes déclinaisons possibles et en rock pour déviants, des années 50 à aujourd’hui. Dans le genre, c’est la meilleure sélection à Montréal. Si vous cherchez la discographie complète des Dead Kennedy’s, Spits, Cramps, Black Angels, la série des Back From The Grave, c’est ici. Parfois en pressage original, sinon en rééditions à bon prix. Plusieurs raretés, généralement abordables, décorent les murs. Ici le vinyle est clairement le maître, du neuf et de l’usagé bien conservé en bon état. Il y a aussi des CD et quelques livres qui forment un petit mur à la caisse. Ah oui, il y même une section jazz. Prévoyez du liquide, il n’y pas d’interac.

L’entrée est pile au coin Berri-Duluth, au cœur de la juridiction Ferrandez. La décoration extérieure est discrète : façade fraichement repeinte en noire (autrefois rouge sang séché), grêlée de 45 tours à moitié scraps, objets bazardés ça et là en vitrine, un tableau avec quelques dates de spectacles à venir. Le Sonik, c’est comme votre salon, mais avec plus de disques et des habitués qui trainent pour jaser plus que pour acheter. Ici le concept de magasin est un peu vague. Vous êtes probablement passé devant sans le voir, pour aller vous bourrer d’italien cheap chez Edouardo, un Cochon Mignon en dessous du bras. Fin Connaisseur.

Rencontre avec Mathieu Livernois, référence encyclopédique du punk à la mine patibulaire, l’homme-orchestre de la boutique Sonik. Un tel dévouement demande une abnégation totale. Un bel exemple de « faites-le vous-même sans vous faire chier par les autres! » ou DIY si vous préférez.

C’est quoi l’histoire de la boutique?

« Au départ, on était deux. Avec un ami d’enfance, on a ouvert la boutique. C’était en 2000. Il y avait un manque à l’époque à Montréal. Il y avait le Primitive sur St-Denis, le Pick Up, qui était très bon à l’époque, lui il est rendu sur Des Pins et L’Oblique, mais eux autres, ils ont décidé d’aller ailleurs… On trouvait du bon stock, mais ils n’étaient pas spécialisés dans le punk et le neuf n’était pas vraiment recommencé. »
« Au début, le vinyle était en déclin. On a ramassé des disques un peu partout. Les gens vendaient leurs collections à perte… Il y a même des voisins qui sont venus porter des caisses de disques ! Tout le monde voulait se débarrasser de son vieux stock. C’est presque impensable aujourd’hui avec le retour du vinyle. »

Ton premier disque acheté?

« Avec mon argent… Tattoo You des Rolling Stones. Ce n’est pas le meilleur choix… Sinon mon premier disque punk : Fair Warning, le groupe de Montréal, l’album You Are The Scene. C’était en 84 ou 85. En passant, une réédition est disponible en CD sur le label Sonik’s Chiken Shrimp (rires de théâtre)… »

Un bon disque pour commencer une collection punk?

« Oh Boy!… Je dirais UK Subs, Another Kind Of Blues, le premier. C’est une bonne base et si tu aimes ça, ils en ont fait une tonne. Ils marchent encore aujourd’hui. Ils essayent de faire l’alphabet au complet avec les noms d’albums… Ils sont rendus à X. J’ai vu ça dans le journal des Résidences Soleil : ils sont un peu vieux… Sinon les classiques de New York : Dolls, Dictators… Les bands anglais des années 70.»

Et en français?

« Le premier disque des Dogs, qui est très bon. J’ai bien aimé la vague début 80, avec OTH, les Shérifs et les Rats. Les 45 tours de Gazoline aussi. L’autre vague milieu 80, Caméra Silens, Komintern Sect et Kidnap. Il y aussi les deux compilations Chaos En France : ça, c’est impeccable. Il y a de belles rééditions d’ailleurs, disponibles ici en magasin au 4050 Berri (rires de théâtre)… »

Pièces maîtresses de ta collection?

« Je dirais mes albums de Poison Girls, band anarcho-punk anglais. C’est nouvellement réédité en vinyle. Ce sont des contemporains de Crass. Ce n’est pas nécessairement les disques les plus dispendieux, mais c’est vraiment un bon band. Sinon, j’ai des trucs comme Genetic Control en 45 tours, évalués à un prix démentiel. C’est bon, mais est-ce que ça vaut ça? Pas sûr…»

Comme la poutine au foie gras du gros Picard?

« Ça, j’aime mieux pas en parler, je risque de me choquer… »

Le Saint-Graal?

« Il n’y a pas vraiment de Saint-Graal. J’attends les rééditions. Il faut juste être patient. Des fois, il y a des trucs qui passent au magasin que je garderais bien pour moi, mais il faut que je résiste si je veux rester ouvert! »

Un band sous-évalué?

« Les Drones, un groupe australien. Je ne comprends pas pourquoi ils ne sont pas plus connus. C’est une découverte que j’ai faite avec la boutique. Ils ne viennent jamais ici en tournée. C’est vraiment dommage. »

Un band sur évalué?

« Le top 40 au complet! »

Les disques les plus étranges qui sont passés ici?

« Un 7 pouces de Gérard D., Le rap à Mad dog, un disque de Paris Berger, La Chanson Des Handicapés, une voix dans le style de Normand Lamour… On n’a jamais su si c’était un homme ou une femme…Peut-être même le troisième sexe… »

Un groupe de Montréal du passé?

« Les Nils, presque toutes époques confondues, malgré les nombreux changements de musiciens. Je les écoute encore. C’est très bon. »

Un groupe de Montréal du présent?

« Genital Hospital. J’aime bien l’esprit. Ça me rappelle le vieux punk anglais, fin 70. Une bonne énergie, des gars sympathiques. Il y a aussi Proxy, vu récemment en ouverture pour Peter & The Test Tubes Babies. Ils vont aussi jouer au festival Not Dead Yet à Toronto la fin de semaine du 21-22-23 novembre, c’est un excellent groupe.»

Et pour finir, pourquoi Sonik?

« Pour le nom, Sonik? Ça ne vient pas de moi, j’étais même en désaccord… Ironiquement il reste juste moi, l’autre est parti! »

Entrevue réalisée par Fred Lareau

 

Musique-Disque Sonik

4050 Rue Berri
Montréal, Québec H2L 4H3

Sonik