Alors que le groupe était à Calgary le 19 mai dernier en vue de leur prestation au Big Four Roadhouse, le bassiste d’Anthrax, Frank Bello, s’est entretenue quelques minutes avec le Daily-Rock afin de parler un peu de leur tournée actuelle avec Slayer, de leur nouvel album live Kings Among Scotland, ainsi que son projet musical Altitudes & Attitudes.

Daily-Rock : Bonjour Frank, merci beaucoup de prendre quelques minutes pour parler au Daily-Rock aujourd’hui. Comment vas-tu?

Frank Bello : Je vais très bien, merci.

D-R : Anthrax fait partie du Slayer Farewell Tour et est en tournée depuis maintenant une semaine et demie. Comment est-ce que ça va jusqu’à maintenant?

FB : Ça va vraiment bien! Les spectacles ont été majoritairement à guichets fermés, en fait je pense qu’ils ont tous été à guichet fermé jusqu’à maintenant, donc c’est assez fou ce qui se passe. Les fans ont beaucoup de plaisir, et c’est vraiment de ce dont il s’agit. C’est une célébration, tu sais. Je crois que c’est un bel adieu pour mes amis Slayer. On est vraiment heureux d’être avec eux pour leur tournée d’adieu. C’est vraiment le fun d’être avec eux et les autres groupes, on est tous amis donc on a vraiment du plaisir.

D-R : Effectivement, vous êtes présentement en tournée avec Behemoth, Testament, et Lamb of God. Mais ce n’est pas la première fois que vous faites une tournée avec Slayer. Qu’est-ce que ça vous fait ressentir de savoir que cette fois-ci l’un des « Big Four » va quitter le monde de la musique?

FB : Bien, c’est un évènement doux-amer. Mais il y aura toujours un Slayer. Slayer va perdurer. Même si le groupe ne fait plus de tournées, on pourra écouter les CDs, regarder les DVDs et vidéos. Mais ça reste un coup dur, je ne veux pas les voir arrêter de faire des tournées. Avec un peu de chance dans le futur Slayer fera des « one-off », des spectacles exceptionnels où on aura la chance de voir les gars jouer. Mais je comprends ça, la vie de tournée est très dure désormais. Ce n’est pas facile de rester sur la route comme nous le faisons. Mais nous serons là avec eux, et nous leur ferons nos adieux, et ce sera un bon moment.

D-R : Comment est la vie de tournée pour Anthrax? Vous vous êtes retrouvés sur la route pour la tournée Killthrax avec Killswitch Engage, qui s’est terminée en mars, et vous venez de commencer une autre tournée en début mai. Quel effet ça fait d’être toujours sur la route?

FB : C’est très dur. Nous avons tous des familles, c’est donc très, très difficile. C’est le moins qu’on puisse dire. Je vais te donner l’exemple parfait pour toi aujourd’hui. On est le 19 mai, n’est-ce pas?

D-R : Oui, en effet.

FB : Et bien, aujourd’hui, c’est le douzième anniversaire de mon fils, et je ne suis pas là. Merci mon Dieu à Facetime d’exister tu sais, pour me permettre de dire bonjour et bonne fête, mais ça reste vraiment dur d’être n’importe où dans le monde sans mon fils aujourd’hui. Mais je dois jouer à Calgary avec Anthrax ce soir, donc je dois travailler. Donc c’est très dur, particulièrement aujourd’hui. Mais c’est comme ça, ça fait partie du travail et c’est la carrière que j’ai choisie, et ce soir on va donner une bonne performance. Parce que c’est de ça qu’il s’agit.

D-R : Je comprends tout à fait que ça puisse faire partie des moins bons côtés du métier. Si l’on pense au début d’Anthrax dans les années 80s, quel genre de désagréments ou de bons côtés t’ont le plus marqué? Est-ce que ça la beaucoup changé selon toi?

FB : Bien sûr! Tout à changer. Nous ne vivons plus dans une société Rock & Roll, c’est un monde de hip-hop maintenant. Il n’y a rien de mal à ça, c’est juste une autre culture. MTV ou les stations de radios ne jouent pas de rock, et ne jouent certainement pas de métal. Les radios satellites le font, mais ça n’est pas la plus grosse musique du monde en ce moment et je comprends ça. C’est la pop et le hip-hop les plus grosses musiques. Mais c’est cool que notre musique soit underground, parce que c’est de là que provient la colère, c’est de là que provient la faim, donc je crois que c’est bien comme ça d’une certaine façon. La communauté métal ça nous appartient, ça nous tient ensemble et c’est vraiment cool. Dans les débuts, c’était plus facile, parce que d’abord aucun d’entre nous n’avait de famille, on était tous dans la vingtaine. Je veux dire, on fait ça depuis plus de 30 ans! Et la meilleure partie de ce qu’on fait c’est lorsqu’on est sur scène. Je veux dire, merci mon Dieu on a un bus de tournée, nous savons à quel point nous sommes chanceux d’en avoir un, nous avons des chambres d’hôtel, toutes ces bonnes choses. Mais quand tu es sur la route six semaines loin de ta famille pour performer de façon continuelle… Anthrax est sur la route sans arrêt depuis que l’album For All Kings est sorti il y a plus de deux ans. Donc c’est un peu difficile. Mais tu ne peux pas dire non à une tournée comme celle-ci ou tu vas jouer devant tellement de gens, particulièrement quand tes amis de Slayer te demandent de venir faire une tournée avec eux! Ça me manquerait de ne pas être ici, c’est sûr, mais j’aimerais bien des plus gros spectacles et moins de temps sur la route (rire). C’est ce que j’aimerais. Mais je veux toujours jouer, ça ne change rien à ça.

D-R : J’ai lu récemment dans une entrevue avec Metallica où le groupe mentionnait être à la recherche de stabilité sur la route et donc qu’ils faisaient des tournées en établissant des « bases » à certains endroits. Par exemple, le groupe s’installe dans un hôtel une ou deux semaines, fait des spectacles dans cette région-là durant ce temps et s’établit ailleurs par la suite. Est-ce que c’est quelque chose que Anthrax pourrait faire dans le futur?

FB : Non. Je souhaiterais que l’on puisse faire ça. Metallica est un bien plus gros groupe, l’un des plus gros dans le monde, et ils ont l’argent pour faire ça. Nous n’avons pas l’argent pour faire ce genre de chose (rire). On adorerait, crois-moi! Mais tu dois rester sur la route au minimum quatre semaines uniquement pour payer les factures pour la tournée. Donc pour un gros groupe comme Metallica c’est possible, mais pour nous… peut-être un jour!

D-R : Parlant du loup, tu as un projet musical qui s’appelle Altitudes & Attitudes avec David Ellefson, le bassiste de Megadeath, et vous prévoyez sortir Megaforce, votre premier album, un peu tard en 2018. Est-ce que tu peux nous en dire plus à propos de ce projet? Qu’est-ce qu’on peut espérer découvrir sur cet album?

FB : Et bien, David Ellefson et moi nous avons sorti un EP de trois chansons il y a quelques années et ça l’avait généré beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme chez les fans. On a fait tellement de projets de basse ensemble, David et moi, qu’il m’est arrivé un jour et m’a dit on devrait écrire des chansons ensemble pour jouer à Bass Clinic (Youtube). C’est donc un petit side-project avec David et nous avons écrit quelques chansons ensemble. C’est moi qui chante, James Friedl du groupe A Perfect Circle est à la batterie, et c’est Jay Ruston qui s’est chargé de la production. Et ça l’a bien été! En fait, ça s’est si bien passé qu’on a décidé de faire un album complet, que nous aurions sorti plus tôt, mais la tournée avec Slayer est arrivée et nous avons dû mettre le projet de côté pour le moment. Et puis Megadeath est en tournée aussi. Donc puisque je suis en tournée et Dave aussi, nous allons sortir l’album seulement vers le début de 2019.

D-R : Est-ce que c’est un album pour lequel il y aurait une possibilité de tournée?

FB : Ce sera des spectacles spéciaux, je crois. Nous sommes déjà tellement occupés avec nos emplois actuels avec Megadeath et Anthrax… c’est un projet spécial et c’est comme ça que nous allons le considérer. Si une tournée est proposée, nous y penserons certainement, mais pour le moment, nous allons sûrement le jouer dans certains spectacles et festivals seulement. Mais nous sommes toujours ouverts à l’idée. C’est simplement du heavy Rock & Roll, le monde semble apprécier, et j’espère que tout le monde lui donnera une chance. Si tu veux, tu peux entendre Altitudes & Attitudes dès maintenant sur iTunes.

D-R : Tu peux être certain que je vais aller voir ça!

FB : Cool!

D-R : Je sais que tu fais déjà des backing vocals avec Anthrax, donc chanter n’est pas quelque chose de nouveau pour toi. Mais est-ce que tu as une approche différente de la musique lorsque tu passes de la basse à la guitare?

FB : Et bien, je compose majoritairement à la guitare. C’est très rare que j’arrive avec une ligne de basse pour écrire une chanson. Lorsque je suis à la maison, je m’assois pour jouer et je chante en même temps. C’est littéralement ce que je fais. Je vais en ville, j’ouvre le micro et joue de la guitare acoustique et j’ai juste du fun. Je le vois comme une autre manière d’exprimer ce que j’ai en dedans et de le faire sortir. C’est une vraiment cool façon de faire, donc à chaque fois qu’un problème surgit c’est ce que je tente de faire. J’essaie d’apprendre le piano maintenant. C’est un processus lent pour le moment, mais j’essaie d’apprendre lorsque je suis à la maison. Vraiment, n’importe quoi qui fait sortir la chanson.

D-R : Parlant de chanson, Anthrax vient tout juste de sortir en avril dernier un nouvel album live et un nouveau DVD, Kings Among Scotland. Comment avez-vous fait la sélection des chansons pour ce spectacle?

FB : Et bien, c’est en fait deux séries de chansons à l’intérieur d’un spectacle. Nous avons joué au Barrowland Ballroom, à Glasgow en Écosse. Nous avons toujours de bons spectacles là-bas et nous nous sommes toujours dit qu’une bonne fois nous enregistrerions l’un de ces spectacles. Et cette fois, on l’a fait, on l’a enregistré en vidéo. Donc nous avons fait deux parties, la première c’est un « best of Anthrax » et la deuxième est l’intégral de l’album Among the Living. C’était vraiment cool, c’était une soirée spéciale et ça s’est très bien passé. Nous avons fait toute une tournée de ce spectacle partout en Écosse et c’était vraiment incroyable.

D-R : Plusieurs chansons sur Among the Living ne sont pas jouer souvent en spectacles. Est-ce que ça a rendu la préparation du spectacle plus ardu?

FB : Le challenge était surtout de réapprendre les chansons et de les faire aller dans l’ensemble que nous voulions jouer live. Tu sais comme il y a des chansons qui sont plutôt des chansons d’albums, et d’autre qui sonnent mieux joués live, et bien c’est quelque chose qu’il fallait adapter. J’ai trouvé que c’était quelque chose de spécial de les jouer toutes ensemble en spectacle, l’album entier du début à la fin, pour les fans. Ils ont vraiment beaucoup apprécié et c’est vraiment tout ce qui compte!

D-R : Tu as mentionné que Anthrax avait choisi Glasgow en Écosse à cause de l’accueil exceptionnel que vous receviez toujours là-bas. Avec quelles autres villes dans le monde considères-tu que Anthrax a une connexion particulière avec ses fans?

FB : Il y en a tellement! Nous avons été vraiment chanceux. Sao Paulo au Brésil, ou même l’Amérique du Sud en général, le Japon, plusieurs endroits en Europe, le Royaume-Uni… On a vraiment beaucoup de chance d’avoir d’aussi bonnes réactions. En fait, je pourrais mentionner qu’en ce moment il y a une grosse résurgence de la fan base du « Big Four » ainsi que de notre propre fan base. Il y a une toute nouvelle génération qui arrive et qui a l’occasion de découvrir et d’écouter Anthrax, et qui se présentent aux spectacles et qui achètent les albums. C’est un moment vraiment le fun pour être dans Anthrax en ce moment.

D-R : Le temps passe vite, avant de terminer j’ai deux petites questions pour toi. Commençons d’abord par dire qu’Anthrax cumule plus de 30 ans de carrière et plus de douze albums. Donc ma question est la suivante : selon toi, quel est le meilleur album du groupe?

FB : For All Kings, parce que je suis très fière de ce que l’on fait en ce moment! Je pense que nous sommes de meilleurs compositeurs maintenant que nous ne l’avons jamais été. Nous sommes à une bonne place pour écrire des chansons; nous sommes plus vieux et plus sages, et nous sommes passionnés. Anthrax est très passionné. Pour le groupe, ça semble n’être qu’un début, nous sommes encore très avides du succès de nos albums et de nos tournées. Quand on entend les gens dirent que nous sortons nos meilleurs albums en carrière, ça fait vraiment plaisir. Nous savons maintenant que nous avons su exploiter quelque chose de vraiment bien. C’est vraiment cool.

D-R : Pour terminer, dis-moi, si Anthrax décidait de quitter le monde de la musique, avec quels groupes est-ce que tu désirerais faire votre dernière tournée?

FB : Wow, c’est une bonne question! Je ne peux même pas m’imaginer d’arrêter. J’espère que nous n’aurons pas à arrêter de sitôt parce que nous sentons vraiment que nous ne faisons que commencer. C’est vraiment une bonne question… Pourquoi pas les « Big Four »? (rire) Est-ce que c’est bon?

D-R : Question de partir en grand!

FB : J’aime penser qu’il n’y aura pas de fin à Anthrax, puisque nous aimons tous tellement ce que nous faisons. Nous nous considérons vraiment chanceux d’avoir une fan base fidèle et qui continue de grossir. Je ne dis jamais « jamais », je reste optimiste, et je pense qu’avec ce genre de musique il y aura toujours des gens qui voudront en écouter.

D-R : Je suis entièrement d’accord, et je profite du moment pour te dire que j’adore votre dernier album!

FB : Merci.

D-R : Merci à toi d’avoir accepté de parler au Daily-Rock, et je te souhaite un bon spectacle à Calgary ce soir. Au plaisir de te voir jouer avec Anthrax le 30 mai à Montréal.

Entrevue téléphonique réalisée par Isabelle Sullivan