On nous donne rendez-vous au Métropolis, quelques heures avant le spectacle du groupe Anti-Flag et Reel Big Fish. C’est Pat Thetic, batteur et activiste passionné d’Anti-Flag, que nous avons la chance d’interviewer.

Pat nous informe que le groupe est arrivé à Montréal au courant de la nuit dernière, en provenance de Toronto, où ils ont joué la veille. Ils n’ont malheureusement pas le loisir de visiter la ville, comme la plupart du temps, lorsqu’ils sont en tournée canadienne.

DR : L’année dernière marque le 20e anniversaire du premier album studio d’Anti-Flag; Die for your government. Vous partagez la scène avec Reel Big Fish, qui célèbrent également le 20e anniversaire de leur album le plus important, Turn off the radio.

Pat: L’objectif de la tournée était justement de partager la scène avec un groupe culte, qui célébrait également leur 20e anniversaire. C’est avec RBF que nous fêtons ce moment. L’idée était également de rejoindre deux styles de musique différents, mais qui se complètent bien pour les gens qui vont assister aux spectacles.

DR : Comment on se sent de revivre les premières chansons que le groupe a produites, vingt ans plus tard?

P: On se rend compte à quel point elles sont mal écrites! À l’époque, nous étions jeunes et en colère. Il y avait beaucoup d’agressivité sublimée à travers nos chansons. Nous dénoncions tout de même certains problèmes sociaux, comme dans la pièce Fuck police brutality et Red white and brainwashed, qui sont toujours d’actualité. Cependant, nos chansons étaient plus en lien avec ce que le groupe vivait de façon générale, par rapport à la scène locale (par exemple, la chanson Davey destroyed the punk scene, qui n’est plus pertinente maintenant). Il est certain que nous allons continuer à dénoncer les idiots présents à nos spectacles qui ont des comportements que nous n’encourageons pas, mais Anti-Flag porte sur des sujets sociaux à plus grande échelle. Avant, on était jeune et en colère, maintenant nous sommes vieux et toujours en colère, mais on le vit différemment, et ça se reflète à travers nos textes qui sont plus travaillés.

DR : Par rapport à l’aspect politique de l’album, comment comprenez-vous le fait que politiquemement, il soit toujours pertinent, même après 20 ans?

P: La politique est comme la mode, les choses changent et reviennent pareil, c’est circulaire. Lorsqu’on parle de brutalité policière, par exemple, ce sera toujours pertinent, car les abus sont présents, plus ou moins dénoncés. L’état policier existe bel et bien, ainsi que la répression qui y est associée. C’est pour cela que nous continuons à dénoncer les décisions politiques avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord. Que nous invitons les gens à s’informer, à être politisés et à s’organiser. Nous avons d’ailleurs invité Amnesty International à notre spectacle ce soir, afin qu’ils puissent parler des enjeux qu’ils défendent présentement, et que les gens présents puissent s’informer. Ils auront également un kiosque d’information dans la salle.

DR : En parlant des causes que vous défendez, vous avez pris position contre la présidence de Donald Trump. De la marchandise est disponible, ainsi que des éditions spéciales de vos albums live, en vinyle, contenant un drapeau américain brulé à l’intérieur.

P: Oui, chaque nation à son symbole. Les États-Unis ont le drapeau américain, l’Angleterre à la Reine, j’ignore le symbole du Québec, mais le fait est que, s’attaquer à ce symbole est plus fort que simplement s’opposer à des positions politiques. Les gens confondent souvent Anti-Flag pour anti-américain, alors que de n’est pas le cas. Cependant, nous sommes contre certaines politiques américaines, et nous sommes contre le nationalisme menant au racisme, à l’exclusion ainsi qu’à la violence. C’est pourquoi nous avons le devoir de remettre en question le symbole, de brûler le drapeau, et de l’afficher à l’envers lors de nos spectacles.
L’élection de Donald Trump est la preuve qu’il y a beaucoup de travail à faire, particulièrement lorsqu’on constate son discourt d’intimidation et de fermeture, nous n’approuvons pas son message.

DR : Si on revient à la musique, Anti-Flag a été victime de répression, des tournées ont été annulées, des magasins de disques refusaient de vendre ce qui y était associé, est-ce que c’est quelque chose qui est toujours présent pour le groupe?

P: Présentement non, le pire que nous ayons vécu est suite aux attentats de 2011, et que nous nous étions fortement prononcés contre la décision d’entrer en guerre avec les pays du Moyen-Orient. La violence engendre la violence, et ce n’est pas une solution acceptable pour nous. Nous en vivons toujours les conséquences d’ailleurs, les troupes américaines occupent toujours les sols du moyen orient.

DR : Parlez-nous du 9e album studio d’Anti-Flag, american spring sorti il y a un an et demi?

P: Les chansons du dernier album sont une critique agressive de l’état politique et social de 2015. Le visuel de l’album est justement une manière de repenser notre vision collective de la violence et de la paix. Il y a d’ailleurs à l’intérieur des notes personnelles, ainsi que des essais sur notre vision de l’injustice, et des actions que nous souhaitons prendre par rapport à cela. On y aborde, entre autres, la surveillance étatique, avec l’apparition des drones, qui peuvent être des armes de destructions, ainsi que de surveillances dangereuses. Nous trouvions important d’amener ce sujet.

DR : Pour terminer, qu’avez-vous à dire de Montréal?

P: J’adore Montréal. Comparativement aux États Unis, il y a toute cette richesse de culture, d’arts. Montréal a de très beaux Musées, beaucoup de restaurants végétaliens. On a l’impression que la population est plus unie, forme une communauté. Ce n’est pas l’impression qu’on a, lorsqu’on visite les différentes villes américaines. Pour conclure, sur une touche plus personnelle, durant le trajet de Toronto à Montréal, j’essayais de dormir dans la van, mais il faisait tellement froid qu’il y avait de la glace à l’intérieur, sur les murs du lit. Je me disais que ce n’était pas très bon pour ma santé, mais bon, c’est ça la vie de tournée! Ça nous rend plus humain, de prendre conscience de ces choses-là.

Compte rendu du show à Montréal

Entrevue réalisée par Stephanie Huot

Photo: Helene Dickey