Sur la route

Les pittoresques décors de Charlevoix défilent alors que les panneaux indicatifs nous préparent à une arrivée toujours plus soudaine que l’on se l’imaginait. Même si la 138 nous limite à 90 km/h, le territoire lui en décide autrement. Alors que les conducteurs retirent leur pied de la pédale à gaz, les voitures dévalent tout de même les pentes à 140. Les plus frileux pomperont les freins, les plus téméraires se laisseront flotter par les courbes vertigineuses en direction du paradis qu’est Baie St-Paul.

Le Festif, pour sa dixième année, propose encore une fois une programmation éclectique réunissant sur la même affiche des artistes que ne se seraient fort probablement jamais rencontrés autrement, Stéphanie Boulay et Anonymus, Chroméo et Grim Skunk. Aucun autre festival ne se permet ce genre de mélange que d’autres jugeraient risqué ou même considéreraient comme inadmissible. Au contraire, ici à Baie St-Paul on se fait un — doigt — d’honneur de faire à notre tête. Et ça fonctionne toujours de plus en plus et de mieux en mieux.

 

La première journée

Le public se présente en très grand nombre pour assister à la première journée du festival. Les différents lieux sont déjà bien investis d’un public assoiffé, au point où faudra se demander où on mettra tous ces gens qui arriveront demain pour voir et entendre Gogol Bordello.

Les Louanges, en lice pour le prix Polaris, ouvrait la grande scène, alors que la sublime Fanny Bloom nous ensorcelait avec La Patère Rose pas très loin de là. La foule réunie au centre-ville se divisait en clans bien distincts, mais jamais bien loin. Cette première soirée présentait Chromeo et les Dead Obies, mais nous sommes plutôt partis à la découverte des Newyorkais Guantanamo Baywatch, groupe Surf au son très contemporain qui devait ouvrir le bal pour Bloodshot Bill. Le quatuor a fait danser le public très nombreux réuni au sous-sol de l’église. Le public fut d’ailleurs toujours au rendez-vous, et cela tout au long du week-end, pour découvrir de nouveaux artistes. Les concerts, entre autres, au Garage du Curé ont été très courus par les festivaliers en quête de découvertes, et ils n’ont jamais déçu.

Le Classique-Rock

L’on ne vous parle pas souvent de musique classique. Je reprends. On ne vous parle jamais de musique classique sur Daily Rock, mais il fallait souligner le clou de cette première soirée que fut la performance tant attendue, et présentée à guichets fermés, d’Alexandra Strélinski. La nouvelle coqueluche signée Secret City Records allait envoûter plusieurs centaines de fans avec son piano à queue installé directement sur l’eau dans le parc de l’hôtel Germain. Un lieu absolument ravissant pour accueillir celle qui fait déjà beaucoup de vague à l’international avec son dernier album, maintenant disque d’or. La performance tout en douceur fut fabuleuse, et l’artiste très généreuse malgré toute sa timidité. L’un des plus beaux concerts auxquels j’ai pu assisté tous festivals confondus.

 

Vendredi

Cette journée s’annonçait déjà très chaude avec l’un des spectacles les plus attendus de l’été soient Gogol Bordello et les puissants Québec Redneck Bluegrass Project. Véritable coup de maître de l’organisation d’avoir pu mettre la main sur le groupe festif le plus en demande de la planète, entre des concerts en Espagne, en Lituanie et au Portugal. Baie St-Paul figure maintenant sur la carte de route de ces mythiques troubadours qui célèbre cette année leurs vingt ans de carrière.

L’auteur-compositrice originaire de Dolbeau-Mistassini Sara Dufour devait débuter la journée sur une petite scène installée dans la cour arrière d’une auberge. L’artiste dont le nom commence sérieusement à circuler dans le milieu a fait beaucoup d’heureux avec son folk-sale à saveur de bière et à l’odeur de gaz. La chaleur aura par la suite eu raison de plusieurs festivaliers. La ville entière fourmillait au ralenti. Beaucoup sont tout simplement revirés de bord au concert-surprise du grand Adamus faute de pouvoir se dénicher un petit coin d’ombre. Heureusement, en fin d’après-midi, Mère-Nature se fut un peu plus clémente avec les festivaliers alors que Bleu Jean Bleu affichait complet sur la fameuse nouvelle scène flottante et que Kevin Parent faisait une apparition dans la cour d’une Baie-Saint-Pauloise. La tension ne fit que monter tout au cours de la journée pour culminer avec The Brooks, mais surtout Québec Redneck Bluegrass projet, dont nous avons d’ailleurs encenser le dernier album juste ici (https://www.daily-rock.ca/quebec-redneck-bluegrass-project-royal-reguine/). Les premières notes de JP Le Pad Tremblay allaient annoncer la plus grosse soirée des dix derniers Festif. Comme toujours le groupe sut mettre son cœur sur la table avec leurs refrains si accrocheurs et leur énergie contagieuse. Les festivaliers ont même eu droit à une nouvelle pièce très réussie qui laisse présager que le prochain album des QRBP devrait effectivement tout arracher.

C’est précisément ce que les Gogol Bordello ont fait tout juste après. En pleine possession de leur art-musical, la bande de New York a enflammé la scène comme personne ne l’avait fait auparavant à Baie St-Paul. Un grand moment rempli de joie, et surtout de fierté comme si d’une certaine manière nous réalisions que faute d’être un grand peuple nous pouvions au moins réaliser de bien grande chose. L’événement à guichets fermés et l’ambiance globale sur le site ne peuvent qu’être bénéfique pour l’avenir, pour le Festif mais également pour toute la culture et le milieu des festivals au Québec.

L’énorme soirée allait se terminer au sous-sol de l’église avec Prieur & Landry, qui malgré quelques légers problèmes techniques allait donner une pure leçon de Rock aux amateurs sur place. Anonymus allait évidemment faire de même jusqu’aux petites heures du matin en interprétant leurs plus grands morceaux et des pièces de leur dernier effort; «Envers et contre tous».

 

SAMEDI

Les festivaliers se remettaient à peine de leur gueule de bois de la veille que Tire le Coyote jouait déjà sur le quai devant les courageux qui ne craignaient pas le soleil. La radio de Québec Chyz, pour sa part, présentait en tout début de journée, une vitrine pour des artistes coup de cœur. Notre attention s’est tournée vers la femme-orchestre Margaret Tracteur qui a dégourdi petits et grands avec sa musique inspirée du Delta-Blues de la Nouvelle-Orléans. L’artiste qui possède déjà plusieurs années d’expérience a vite conquis l’ensemble des festivaliers présents qui en ont également profité pour se gaver de hot-dog et de crème glacée.

Pendant que la scène flottante allait servir au spectacle de Jérôme 50, Radio-Canada présentait l’élégante Kandle. La chanteuse a ravi un public de tout âge, conquis un nouveau public et reconquis ses fans qui ne se gênaient pas pour chanter en chœur avec la principale intéressée. Un moment tout à fait sublime qui allait nous mener à un autre soit la dernière performance de l’opéra-rock des Hôtesses d’Hilaire. Chanceux nous sommes, contrairement au Shazameux de Sherbrooke et aux fans de St-Adolphe qui la semaine avant ont vu leur concert être annulé à la dernière minute pour des problèmes de santé. Ici, à Baie St-Paul, le groupe semble plus en forme que jamais. L’opéra-rock des Hôtesses, auquel nous avions donné une note presque parfaite à sa sortie, juste ici (https://www.daily-rock.ca/hotesses-dhilaire-viens-avec-moi/) s’est magnifiquement transposé sur scène, accompagné de plusieurs chanteurs-acteurs. L’album «Viens avec moi», est digne des plus grandes productions et le spectacle de deux heures en était la preuve tangible.

Tout ce brouhaha nous mène alors directement à la reine du Rock au Québec, qui devait ouvrir le concert des Trois Accords, la grande Marjo redoublait d’énergie et d’intensité au point ou personne ne lui aurait donné son âge. C’est avec beaucoup de professionnalisme et des musiciens exceptionnels que notre rockeuse nationale a interprété succès après succès pour le grand émoustillement de plusieurs plusieurs milliers de personnes sur place.

Direction Tony et Charlot sur la main pour y voir les Sons of Arrakis que nous avons dû regarder par la fenêtre faute de place à l’intérieur… la même chose nous étaient arrivés au concert de Caractère Gras en début de festival. Des groupes, des concerts, du fun noir, en veux-tu, en v’la; Teke Teke, Grim Skunk, Dumas, Les Hay Babies, plusieurs autres allaient suivre encore et encore comme un week-end parfait qui ne se termine jamais. Un week-end chaud et beau, avec quelques petites gouttes de pluie juste assez pour rafraîchir. Une énorme fin de semaine pour l’ensemble de la municipalité de 7000 habitants qui en a reçu autour de 40 000 pour la plus grosse édition du festival dont on annonce déjà la suivante du 23 au 26 juillet 2020. Alors, on s’y voit?!?

Crédit photo : Louis Laliberté Photographie