«Keep calm and listen death metal»

La tête bourdonnante, les sueurs froides et l’engourdissement musculaire. Les cernes et l’envie de rester chez soi, d’éviter tout ce grind/death metal, qui, anticipai-je, me martèlerait la tête jusqu’au dernier son. Donc, à reculons, je me rendis à L’Alizé pour assister aux performances de Crosstitution, Hidden Pride et Jungle Rot.

À peine arrivée, l’effet curatif de toutes ces têtes chevelues agit et je retrouvai le souffle et l’envie de me noyer dans la foule tranquille. Ambiance intime, bières et anticipation. Calme, le public accueillit alors le groupe montréalais Crosstitution, du Grindcore/death metal dans sa plus pure tradition. Couvert de faux-sang, s’agitant de façon spasmodique et nerveuse, le vocaliste dégobillait ses jappements brutaux sur la foule. Un jeu de batterie hyperactif et calculé, mais aux nuances presque inaudibles, tant la qualité du son tardait à s’organiser, comme il arrive fréquemment en début de spectacle. Il était, par contre, impossible d’ignorer le coup d’une robuste cymbale chinoise qui dominait presque l’ensemble sonore. À la fin de leur performance mouvementée, le chanteur montra le doigt d’honneur à un public qu’il jugeait peut-être peu participatif avant de quitter la scène abruptement.

 À travers les immenses rideaux déployés devant les fenêtres de L’alizée, la lumière faiblissait. Les gens arrivaient tranquillement et le plancher collant était prêt à se faire piétiner. La foule accueillit alors Hidden Pride, groupe de death metal québécois formé il y a plus de 15 ans déjà. Le batteur de la formation, ayant rejoint l’ensemble depuis quelque temps, s’avère être le même que dans Crosstitution, et ce, pour notre grand plaisir. En effet, si les couleurs sonores se faisaient difficilement percevoir au début du spectacle, il n’en fut pas ainsi pour Hidden Pride. On entendit un batteur exceptionnel, au jeu structuré, expéditif et sans écart rythmique, faisant preuve d’une grande discipline, ce que l’on perçut moins durant la performance de Crosstitution, faute d’un arrangement sonore adéquat. Ajoutez à cela un chanteur déjanté, à la voix porcine, presque comme étranglée et d’une étrange justesse, une énergie folle et les gens commencèrent à s’’activer pour ce death metal démoniaque et savamment exécuté. Après un test de son interminable, Jungle Rot, ayant assez patienté sur scène, déversèrent leur furieux «Old School» metal sur la foule en demande. Le groupe américain actif depuis 1994, collectionne lentement les fans depuis lors.

Le public, peu nombreux mais dévoué, s’enflamma instantanément au son éclectique de la formation, qui depuis longtemps, adopte différents styles et mélange brillamment le Death Metal, à des éléments Thrash metal, en y ajoutant des touches groovy, des moments lents et très doom suivis d’explosions rythmiques rapides. La voix abyssale du vocaliste et guitariste Dave Matrise et son allure sévère ajoutent à l’envie de délirer. La foule s’abandonna à l’énergie pure de ces vétérans de la scène musicale et en redemanda à la fin du spectacle. Mon malaise avait passé. La soirée fut une réussite totale. Les groupes avaient performé avec énergie et dévotion. Je me rappelai alors ce que le chandail du chanteur de Hidden Pride mentionnait: «Keep calm and listen death metal».

Texte: Alexandra Perazzelli