Après une succession d’albums parus en 2017 et 2019, l’auteur-compositeur-interprète Mat Vezio annonce la venue de son petit dernier, toujours publié sur Simone Records, au nom de « Couleur ciel ecchymose ». Pour ce troisième opus, il aura fallu être patient avant de mettre la main sur les pièces de ce casse-tête anticipé, suscitées par les convaincants premiers extraits « Qui a mis le feu » et « Albert » dévoilés au cours des derniers mois. On assiste à un croisement de pop, rock et folk qui voltige.
Puisqu’il endosse la réalisation complète, l’artiste originaire de Montréal a construit un univers s’inspirant du symbolisme des migrations, afin de le transposer en mots et en musique. À priori, on s’étonne de l’ambiance générale, une sorte de décalage par rapport aux deux chansons énoncées plus haut, plus acoustiques. Pourtant, l’omniprésence de l’assemblage synthétique et organique plane sur l’ensemble de l’œuvre et, assurément, ça démarre en force avec l’ouverture « Ciel ecchymose ». La tension monte avec les jeux de guitares, de batterie et des cordes, et trace la trajectoire qui guidera nos oreilles, procédé déjà pressenti par le troisième extrait « Grande migration ».

L’habillage sonore texturé ne fait qu’un avec le timbre au grain doux de sa voix. Elle se module avec précision selon le ton des propos chantés. L’exemple avec « Puits de lumière » révèle une phase aérienne et vaporeuse ajustée au chant étouffé de l’interprète, effet discret et allégorique de la postproduction. Avec « Molise », on erre dans une transition plutôt anxiogène, avec des guitares électriques grinçantes, on y sent aussitôt l’urgence du créateur. L’artiste montréalais s’entoure d’acolytes aguerris comme le bassiste Marc-André Landry ainsi que plusieurs invités mis bien en évidence tels qu’Antoine Corriveau et Charlotte Brousseau, sans oublier la collaboration inusitée de FABjustfab de Random Recipe dans « Lost River ».

Une grande force de Vezio s’avère ses qualités d’auteur. Sa plume soignée coule l’encre d’un poète taillant minutieusement ses vers, nous offrant l’impression d’écouter un recueil de poésie. Multi-instrumentiste, son sens aiguisé de la composition s’agrémente avec son écriture, elle nous enivre vers des horizons plus vastes que ses précédents efforts.

Les dernières minutes de l’album demeurent contemplatives, que ce soit par la minimaliste et sensible « Vol de nuit ». La pièce « Les jours acharnés » conclut la boucle conceptuelle de celui-ci par quelques proses, la simplicité du piano, des arrangements de cordes et le son d’une envolée d’oiseaux.
Avec « Couleur ciel ecchymose » on reconnait chez Mat Vezio un artiste qui aime peaufiner ses créations par la finesse de son imagination. Il découle de cet album plus audacieux et personnel une œuvre hypnotique. Résolument, on pose le pied sur terre en constatant qu’un disque, ça se parcourt dans toute son étendue.

 

Lancement de l’album le 19 mai au Ausgang Plaza à Montréal (gratuit)
En spectacle le 20 mai au Festival Santa Teresa

 

Mat Vezio
Couleur ciel ecchymose
Simone Records

4/5