MELVINS, C’EST LOIN D’ÊTRE RIEN.
On oublie vite. On a tendance à penser les choses dans leur immédiat. On se pète les bretelles avec ce qu’on a pu accomplir en faisait comme-ci tout ça venait réellement de nous, mais on sait tous qu’il s’agit en fait d’une illusion. Nous sommes tous redevables de quelqu’un ou de quelque chose. Nous agissons tous dans le regard des autres. Nous existons parce que d’autres existent et ont existé avant nous. Nous sommes ce que nous sommes parce que le langage inventé par nos ancêtres a permis au savoir de s’étendre et de se partager. Si aujourd’hui tu peux, c’est parce que d’autres avant toi ont voulu.
C’est loin d’être rien. Buzz Osbourne et Dale Crover, le premier batteur de Nirvana, sur scène en 2018, et tous deux dans une forme resplendissante. C’est loin d’être rien, parce que c’est presque tout. Plusieurs ont plutôt choisi de disparaître. C’est infiniment triste. Et c’est encore plus triste de savoir que certains fans de l’époque les ont suivis, par manque d’espoir, par solitude, par déni et par défaut. On oublie vite, mais Melvins c’est l’histoire, c’est le début, c’est ta et ma jeunesse. Il y a toujours quelque chose avant. Te souviens-tu comment le Grunge a transformé plusieurs sphères sociales? Où étais-tu quand Kurt Cobain a été retrouvé? Et Layne Staley? Et Chris Cornell? Combien de fois as-tu fait tourner l’album Ten de Pearl Jam dans les partys de sous-sol? Tu trouves que le jeu de guitare de Kurt Cobain était unique? Où penses-tu que tout ça est né?
Le nouvel album du groupe Pinkus Abortion Technician ne passera peut-être pas à l’histoire autant que certains efforts précédents, mais les Melvins sont encore bien en vie. Les dernières compositions flottent dans l’univers d’une pop-déjantée, merveilleusement exécutée et structurellement déconstruite, une version particulièrement étrange de I wanna hold your hand des Beatles vient d’ailleurs agrémenter la production. Les deux bassistes se complètent très bien sans jamais empiéter sur le territoire sonore de l’autre. Dale Crover, qui avait été remplacé par Dave Grohl dans Nirvana, n’a absolument rien à envier à ce dernier, sa technique est parfaite et son jeu est intense à souhait. Il ne prendra d’ailleurs pratiquement aucune pause lors du spectacle étant celui qui fait la jonction entre les chansons durant les intermèdes, sa performance fut majestueuse. La bête de foire c’est Buzz Osborne, sans contredit l’un des guitaristes les plus original de sa génération, il donna une performance impressionnante et très divertissante. Les compositions sont complexes et réussissent toujours à se maintenir à l’intérieur de la frontière du cacophonique. Osborne réussit toujours même après 30 ans à nous surprendre, à nous déstabiliser, à nous faire entendre quelque chose que nous ne pouvions imaginer. Ce n’est pas un concert de Stoner-noise, mais un concert de pop-déconstruit donné par un quatuor qui n’a que faire des standards. Tout est dans l’attitude. L’attitude qui me plaît, celle qui fait passer la musique bien au-delà du blabla artificiel. Sans rappel. Passer de A à Z en une étincelle.
LES PREMIÈRES PARTIES
En ouverture, le trio Indian Handcrafts propose au Corona semi-vide une musique Stoner, Trash-metal et parfois très proche du punk-rock. Leur performance à trois chanteurs a plu à plusieurs par son intensité et sa justesse. Leur style très 90’s rappelle tout à fait le début de toute cette scène musicale née aux alentours de Seattle, les TAD, Minutemen, U-Men. Pig Buddha, m’a beaucoup moins plu. Faisant preuve de beaucoup de laxisme et proposant des musiques très peu originales, le groupe manquait visiblement d’assurance et de pratique. Les chansons ne semblaient par vraiment avoir de finale, les musiciens se regardaient continuellement afin de savoir quoi jouer et où arrêter et ce n’était pas toujours réussi.
Texte: David Atman
Photos: Martine Labonté