Amateurs de musique électronique, si vous n’étiez pas au Centre Bell jeudi dernier, vous pouvez vous en mordre les doigts. En 40 ans de carrière, Jean-Michel Jarre n’a jamais donné aucune représentation à Montréal. C’est désormais chose faite. L’occasion pour lui de venir présenter son dernier album, Oxygène 3, dans le cadre de sa tournée nord-américaine Electronica.

La scène électronique française a toujours eu le vent en poupe. Quand la génération d’aujourd’hui se dandine sur les sons robotiques de Daft Punk ou les mélodies électro house de Justice, les «anciens» ont eux aussi leur idole. À 68 ans (!), le pape de l’électro était donc de passage dans notre douce métropole montréalaise; un spectacle son et lumière qu’il ne fallait manquer sous aucun prétexte. La French Touch a toujours autant la cote!

Avant de rentrer dans le vif du sujet, un petit retour en arrière sur sa carrière s’impose: Jean-Michel Jarre, c’est 80 millions d’albums vendus dans le monde entier, des records (pour le plus grand rassemblement de personnes jamais réunies à un concert) inscrits dans le Livre Guinness des records, son album Oxygène (1976) qui s’est écoulé à 18 millions d’exemplaires, des collaborations avec les plus grands artistes (Gorillaz, Pet Shop Boys, Primal Scream, Sébastien Tellier, Cyndi Lauper, etc) et des titres que l’on retrouve dans des jeux vidéo, Grand Theft Auto IV notamment.

Habitué à démontrer toute l’étendue de son talent devant des millions de personnes, et ce, dans des lieux uniques (les pyramides de Gizeh, pour n’en citer qu’un), le Centre Bell a dû sembler bien petit en comparaison. C’est sur les coups de 21 h que Jean-Michel Jarre arrive sur scène sous les applaudissements timides du public. Une scène étudiée au millimètre près: de grands panneaux lumineux entourent une dizaine d’instruments et de machines en tout genre où les synthétiseurs côtoient steel drums, orgue de Barbarie et Rythmicomputer (appareil fabriqué par son ami Michel Geiss). The Heart of Noise, part 1 et 2, extraits de son 19e album nous font doucement entrer dans son monde. Vaguant avec agilité et précision entre son arsenal de machines, celui que l’on pourrait qualifier de «génie» enchaîne les titres avec une facilité déconcertante, produisant parfois des sons qui semblent tout droit sortis d’un univers parallèle.

Avant de présenter Exit, écrit en collaboration avec Edward Snowden, Jean-Michel Jarre fait rallumer les lumières du Centre Bell et se présente au public, dans la plus grande simplicité. Une fois la glace brisée, le visage de Snowden apparaît sur scène et illustre alors parfaitement le quatrième titre: viol de la vie privée au menu.

Malgré les efforts constants de JMJ, la foule a bien du mal à se réveiller, sans doute trop hypnotisé par les faisceaux laser et autres formes géométriques qui défilent sur les panneaux lumineux. Le Frenchy nous emmène ensuite sur scène avec lui: équipées d’une caméra, ses lunettes spéciales nous laissent alors voir tout ce qu’il fait: une vraie vue «de l’intérieur».

Oxygène 8 démarre en trombe, laissant les doigts de fée de Jean-Michel Jarre faire tout le travail. Et parce que le talent ne reste jamais caché bien longtemps, les artistes se sont bousculés pour travailler avec l’artiste: c’est le cas du titre Brick England, fruit d’une collaboration avec le duo britannique Pet Shop Boys. Mélangeant quelques antiquités (Équinoxe 4, Zoolookologie) avec des nouveaux titres, on se sent parfois perdu entre plusieurs générations, musicalement parlant.

Malgré cela, le spectacle tient la route, Jean-Michel Jarre traverse les époques sans trop de difficultés et sait adapter son style musical tout en y ajoutant une touche de modernité!

Preuve en est de l’utilisation de la harpe laser sur l’un des derniers titres de sa setlist. L’émission du son est contrôlée par ses mains. Lorsque celles-ci interrompent le passage des faisceaux laser, un son est émis via un synthétiseur. Un vrai petit bijou auditif et visuel.

Quittant hâtivement la scène, il revient quelques minutes plus tard avec ses musiciens, sous une standing ovation! La flèche électro a enfin frappé les Montréalais en plein cœur. Oxygène 4, Zoolookologie et Stardust clôturent une soirée haute en couleur.

Jean-Michel Jarre est incontestablement un artiste qui transforme tout ce qu’il touche en or. Comme on le dit si bien, «French do it better». (sans rancune)

Texte: Marine Lardennois

Photos: Sébastien Tacheron

Vidéo YouTube du show

SETLIST
The Heart of Noise, Part 1
The Heart of Noise, Part 2
Automatic, Pt. 2
Oxygène 2
Circus
Web Spinner
Exit
Équinoxe 7
Conquistador
Oxygène 8
Zero Gravity
Souvenir de Chine
Immortals
Oxygène 19
Brick England
Architect
Herbalizer
Oxygène 17
Équinoxe 4
Glory
The Time Machine
RAPPEL
Oxygène 4
Zoolookologie
Stardust