Artiste: Last Chance To Reason

Album: Level 3

Label: Prosthetic Records

Sortie: 2013

 

Cette fois-ci, pas de préambule. Allons droit au point: Last Chance to Reason fait un metal progressif du tonnerre. Vous aimez The Contortionist ? La musique de cette formation originaire de Portland (Maine, États-Unis), partage une sonorité similaire. Je n’ai d’ailleurs pas été étonné d’apprendre que Mike Lessard, le chanteur de LCTR est également le chanteur de The Contortionist depuis 2013 (c’est lui qui figure sur le magistral album Language dont je parle si souvent), et que Robby Baca, le guitariste du même groupe, a prêté ses mains et son talent lors de l’enregistrement du disque (A.J. Harvey a quitté la formation à cette période avant de revenir en 2014). On sent a posteriori le jeu particulier de Baca et le timbre de voix de Lessard dans les deux productions. C’est également ce qui pourrait intéresser les fans du groupe originaire d’Indianapolis.

Dans un esprit sensiblement Tool et Dream Theater, Between The Buried And Me, voire Cynic, la musique de Last Chance To Reason véhicule des impressions quasi ésotériques. On a l’impression que la guitare de Baca prend son envol vers les plus hauts sommets pour se perdre dans la stratosphère tant son amplitude est grande, tant sa présence est vaporeuse et enveloppante. A Glimpse of Omniscience procure à tout le moins ce singulier sentiment. D’ailleurs, le solo de guitare à la troisième minute de Rebirth est digne des plus grands shredders du metal. En fait, le jeu de Robby Baca me rappelle celui de Marty Friedman (vous vous souvenez, le «guitar hero» à la chevelure ondulante et saturée de fixatif qui œuvrait autrefois dans Megadeth?).

Que dire également de la voix de Lessard? Si plusieurs préféraient le vieux Contortionist de l’époque Jonathan Carpenter (voir les LP Intrinsic et Exoplanet), j’ai plutôt un faible pour la nouvelle mouture du groupe. Lessard a ce quelque chose de contagieux, quelque chose de charismatique et de dominant perceptible à la fois dans Last Chance To Reason et la formation de l’Indiana. Il a le pouvoir d’influencer une musique déjà établie, un peu à la façon de Chino Moreno ou de Daniel Tompkins. Écoutez The Artist puis Language II: Conspire et faites la comparaison. Tout ce qu’il touche prend sa teinte. Et c’est pour le mieux, car sa voix est un comme du nectar, que dis-je, de l’ambroisie. Si je devais nominer un chanteur au panthéon de la musique metal, je n’hésiterais pas une minute à suggérer son nom. Enfin, moi, ce mec me plait.

Maintenant, la batterie. Est-ce que la batterie de Last Chance a quelque chose de particulier. Se démarque-t-elle? La réponse est: «oh, que oui! J’ajouterais même que sans le jeu d’Evan Sammons, cette musique serait comme un homme à qui il manque un membre: oui, la musique serait tout aussi exquise et jouissive, mais elle incomplète et ne s’exprimerait pas d’une façon aussi libre et fluide. On remarque à quel point ce batteur de génie a une aisance derrière ses caisses et ses cymbales. L’observation s’applique tout autant pour Yūrei, un projet progressif ontarien auquel Sammons, Lessard et le bassiste Chris Corey participent. Il n’y a qu’à écouter The Dictator pour constater l’ampleur et le magistral de sa technique (fait étrange, cette dite-pièce possède une intensité semblable au groupe death progressif Obscura tout en ayant une structure progressive à la Dream Theater, deux formations pourtant fort différentes).

Dans l’ensemble, Level 3 est une pure réussite. Aucun maillon faible n’est perceptible, aucune pièce n’interrompt ou ne diminue le plaisir de l’écoute. Il est même dommage que les activités du groupe semblent suspendues depuis 2014; la montée fulgurante de Contortionist depuis la sortie de Language n’aidant pas à résoudre les conflits d’horaire de Mike Lessard.

Pour les plus curieux d’entre vous, il est possible d’en entendre davantage. Level 2, l’album précédent, n’est pas désagréable à l’écoute. Il semble même agir en qualité de premier volet à un diptyque complété par Level 3 (on sent les thématiques de la technologie, des origines de l’humanité et l’évolution au cœur des deux albums). Or, l’ensemble de la production m’a moins plu. Celui-ci ressemble à un tout premier album alors que la formation a pourtant enregistré Dreamt Of An Angel, Woke With A Nightmare (EP, 2005) et Level 1 (LP, 2007) avant celui-ci. En revanche, Level 3 renferme une énergie et une intelligence que la formation aura probablement de la difficulté à reproduire à l’avenir. Si je me trompe, eh bien tant mieux!

 

Dany Larrivée

9 décembre 2015

 

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