Trois groupes d’envergures créent la surprise en jouant à guichets fermés

Un show de black metal et death/black qui affiche sold-out, ça fait longtemps que je n’ai pas écrit ça, si je l’ai déjà fait. Je ne me rappelle même pas si à la fin des années» 90 ou au tournant du nouveau millénaire, quand le black avait atteint un certain mainstream avec Cradle of Filth et Dimmu Borgir en tête, cela est déjà arrivé à Montréal. Cet évènement se passe dans un endroit qui est tranquillement en train de gagner ses galons en tant que salle de spectacle métal en ville, j’ai nommé l’Astral. Trois groupes, de trois pays, avec trois styles différents, mais qui puissent tous leurs racines dans la musique noire originaire des pays scandinaves. Il n’en fallait pas plus pour que la communauté métal d’ici réponde présente. La soirée commence sous le signe du renouveau avec le groupe colombien Thy Antichrist. J’entends déjà les puristes me dire qu’ils existent depuis 1998 et ils ont raison. Pourtant ce n’est que depuis leur déménagement aux États-Unis en 2011 et surtout la réédition en 2016 de Wicked Testimonies, leur seul album complet en date, qu’ils sont vraiment sortis de l’ombre. De plus, Wrath of The Best sortie cette année est le meilleur et le plus rafraichissant disque que j’ai écoutés depuis longtemps dans ce genre qui manque souvent de nouveauté et de renouveau. Ce n’est donc pas avec gaieté de cœur que j’ai dû manquer leur prestation, mais ils embarquaient sur les planches à 19 h 30, l’heure à laquelle je finissais de travailler. J’espère avoir la chance de me reprendre un jour. Si vous n’avez pas encore écouté leur musique, je vous conseille de le faire au plus vite.

Du black métal interprété de façon exemplaire par des pionniers du genre

La soirée commence donc pour moi avec une des formations pionnière du black métal de la deuxième vague (ceux qui ont défini le genre comme nous le connaissons aujourd’hui) et parmi les premières à venir d’en dehors de la Norvège. Les Suédois de Dark Funeral ne viennent vraiment pas nous rendre visite souvent et c’est la première chance qu’a le public montréalais de les voir avec leur nouveau chanteur, Heljarmadr qui est avec eux depuis 2014 et il n’y a pas à dire, ce dernier assure son rôle à la perfection. Déjà sa voix oscille parfaitement entre le chant guttural et les cris les plus aigus de façon fluide, il possède aussi cette présence scénique sombre et malsaine qui va si bien avec le style. Qu’on se le dise, sans la bonne attitude, le maquillage «corpse paint» et les accoutrements semi-sadomasochistes peuvent vite paraitre ridicules. Ce n’est pas ici le cas et tous dans le groupe ont la stature de leur réputation. Les riffs sont maîtrisés à la perfection par les guitaristes et membres originaux tandis le batteur Dominator exécute des «blasts beat» aussi ravageurs que dignes d’un métronome.

Si une certaine partie de la foule prend vraiment son pied, j’aurais pensé que les réactions auraient été plus fortes dans la salle. Même quand le chanteur annonce des classiques comme The Secrets Of The Black Arts et Hail Murder, les réactions ne sont pas plus fortes ni moins fortes qu’avec les nouveaux titres comme As One We Shall Conquer et Nails Them To The Cross. Il est vrai, quand on ne connaît pas chaque composition par cœur, qu’il n’est pas aisé de différencier avec précision les chansons l’une de l’autre même si elles sont magistralement interprétées et le néophyte peut finir par se lasser après plus d’une heure de show. Quoi qu’il en soit, ni le visage sombre des musiciens ni les thèmes sataniques et malsains de leurs paroles n’ont réussi à cacher le plaisir qu’ils ont eu à nous livrer en live leurs matériels.

Un des rares groupes où les fans autant qu’eux préfèrent leurs albums récents

Les Grecs de Septicflesh ont beau jouer une musique plus proche du death métal que du black, leur esthétique et leur côté orchestral et sombre les rapprochent plus facilement de ce genre et ils complètent cette soirée avec brio sans détonner de ceux qui les ont précédés. Après une petite intro, voilà enfin le quatuor qui envahit la scène sous les cris nourris de l’assistance. Si j’avais trouvé la foule un peu amorphe jusqu’ici, j’ai la preuve que ces derniers ne sont pas en tête d’affiche pour rien et qu’il y a une grande majorité qui s’est déplacée pour eux, car celle-ci se réveille tout d’un coup. La pause que la formation s’est donnée de 2003 à 2007 ne put que leur être salutaire, car ils n’ont sorti que des albums de qualité depuis leur retour et ils ont retrouvé le style qui leur est propre après un certain temps à se chercher musicalement. Qui se rappelle encore le côté gothique et industriel du déroutant, mais non moins excellent Revolution DNA? Devant cette qualité et cette continuité leur popularité n’a jamais arrêté d’augmenter et le spectacle à pleine capacité de ce soir en est la preuve. Sûrement qu’ils en sont complètement conscients, car seulement les quatre derniers albums seront représentés ce soir.

Les autres choses qui les différencient des deux autres bands, mis à part leur omission du passé et le style death metal symphonique, c’est les sourires qui s’accrochent souvent à leurs lèvres et la communication constante qu’a le chanteur Spiros Antoniou avec nous. Il nous appellera ses amis à maintes reprises en plus de nous encourager à se défouler le plus possible au risque de «détruire» la place. La foule ne se gêne pas pour alimenter le «mosh pit» tout au long de leur prestation et elle s’exécute quand un Wall of Death est demandé entre Prometheus et Persepolis. Si l’exécution des pièces est sans failles tout en étant précise et puissante, il y a quand même une ombre au tableau. Les parties symphoniques qui rendent leur musique aussi grandiose, qui sont ici des bandes préenregistrées, ne sont pas tellement audibles derrière ce mur de son violent. Ce n’est qu’un maigre sacrifice pour un aussi bon show. La formule co-headline oblige, ils ne joueront qu’à peine plus d’une heure et quart. Ce qui peut rajouter à ce sentiment de courte durée, c’est leur propension à ne pas faire de rappel malgré que l’on en redemande. Rien de cela ne peut venir changer cette impression d’avoir assisté à une soirée unique aux mains de trois groupes au sommet de leur art respectif.

Texte: Sébastien Léonard

Photos: Sébastien Tacheron