C’est fini l’été, la morosité s’installe, le bleu laisse la place au gris, il fait froid, les programmes plates à la télé recommencent, signes indéniables que l’hiver approche… La liste est encore longue, mais il faut que j’arrête mon char, je suis rendu à la Sala Rossa, la chaleureuse salle rouge du boulevard Saint-Laurent. Mon pote Steve et moi sommes ici ce soir pour entendre le groupe le plus bruyant de New York : A Place To Bury Strangers, pour une trop rare visite à Montréal.

Inspiré par Jesus & Mary Chain, Suicide et Spacemen 3, le groupe livre, avec beaucoup de bruit, une exploration sonore inquiétante qui baigne dans les saturations. Le feedback, les parasites sonores et les multiples couinements font partie de la musique, comme une âme supplémentaire, un quatrième membre non rémunéré.

Vers les 23 h, les trois musiciens montent sur scène, sans cérémonie, peu porté sur la rockstar attitude. À la guitare et au chant, c’est Oliver Ackermann comme toujours. Les deux autres sont plus ou moins nouveaux, Dion Lunadon, le bassiste, est là depuis Workship le troisième album. Le nouveau c’est Robi Gonzales, batterie-moustache, un cogneur.

Le groupe commence lentement, Oliver chante, presque à l’agonie, rien ne laisse présager de la suite: L’éclairage se raréfie, devient carrément glauque, le flash frénétique du stroboscope devient la seule source de lumière. Une immersion lente et inévitable débute…

Après quelques pièces traînantes et introspectives suit un crescendo de violence sonore viscéral digne des trompettes de Jéricho. Certains spectateurs en restent totalement abasourdis. On s’attendait a de la brutalité, mais la on est ailleurs, c’est le coup de pelle en arrière de la tête. Robi Gonzales frappe sur sa pauvre batterie comme un néandertalien. La guitare d’Ackermann émet d’étranges sifflements, comme un plein sac d’écureuils en feu (j’ai toujours profondément détesté Alvin et les Chipmunks). À la basse c’est moins chaud, Dion Lunadon un peu pépère dans son coin, martèle le rythme façon Joy Division. Chaque pièce se termine en improvisation, jouée dans l’intensité du moment présent, dans un enchaînement étourdissant, sans pause, sans intervention, que du son!

Au sol sur scène, beaucoup de matériel, du Death By Audio en grandes quantités, des bidules sont branchés un peu partout. Surprenant que Oliver ne se prenne pas un coup de jus à force de se déplacer dans un tel bordel de fils. On craint pour sa santé mentale lorsqu’il brutalise sa Jaguar blanche sans raison. Le moment fort c’est I Lived My Life To Stand In The Shadow Of Your Heart, du deuxième album, Exploding Head. À ce moment la Sala Rossa semble prendre feu, l’alarme d’incendie se déclenche et ajoute une couche à la situation qui est de plus en plus bordélique. Bonne idée de vendre des petits bouchons à la table des marchandises!

La soirée se termine dans la confusion quand Oliver quitte la scène pour partir en balade techno tonitruante. 00 h 30, le spectacle est fini, je suis émerveillé, mais COMPLÈTEMENT sourd.

Texte: Fred Lareau