Après un premier Ep paru en 2011, Dare To Care a posé une main velue sur Kandle, tout jeune (23 bougies cette année!) espoir de la soul-blues moderne. La fille-de a sorti son premier album : In flames, une bande sonore cinématographique qui titillera volontiers les esgourdes d’un certain Quentin T., réalisateur de son état.

In Flames est une promenade fantomatique dans une rue perdue au milieu des arbres. Une mise en scène sombre, absurde, hors du temps et de l’espace. Si l’efficace Demon a tourné pas mal en boucle sur nos stations, c’est sans laisser entrevoir le potentiel monolithique de l’oeuvre globale.

Entre guitares pleines de reverb et grooves de chant de marin, la voix ronde de Kandle évoque des incantations renforcées par l’image promue de la jeune fille. Sous sa frange blonde, le regard noir soutenu invite l’auditeur à imaginer la cire chaude lui couler sur le torse, alors que la pluie pleuvoît et que le corbeau croît. Marketing, quand tu nous tiens.

Il faut reconnaître que ça marche, grâce à un univers musical cohérent, une production sans faille, et un caractère dans la composition déjà bien trempé. La bande-son donne très envie de voir le film en vrai, il fait chaud, non?

Ambiance, ambiance

La semaine dernière, l’objet du fantasme présentait cet album à La Tulipe, une salle on ne peut mieux adaptée à l’univers général de ce premier effort.

À la porte d’entrée, l’équipe presse attendait avec sa liste d’invités épaisse comme le bottin. Bernard Adamus était au comptoir 3m plus loin. Pas de doute : nous sommes chez Dare To Care. Malgré une campagne de promotion plutôt intense et le succès d’estime du premier EP, la salle peinait à se remplir. On sera moins serrés, tant mieux, la proximité avec les aisselles suintantes des concerts rock finit par me fatiguer. On vieillit.

L’ambiance sonore était quelque peu surprenante, avec un duo de cordes (qui accompagne également Kandle) jouant visiblement volontairement à la limite de la justesse des pièces répétitives dans un éclairage sombre. Cabaret de l’absurde limite glauque, j’y trouve du sens, malgré les plaintes de mes voisins de fosse. Ou alors, la violoncelliste m’a hypnotisé, ce n’est pas impossible. La tension s’installe, la pression monte : bon choix.

Le peu de lumière s’efface, le groupe -The Crooks, impeccable- monte sur scène, Kandle entame la pièce In Flames dans une atmosphère claire-obscure. C’est un peu gros, mais ça fonctionne. La volonté hypnotique d’une flamme de bougie prise au vent -pour ceux qui ne suivraient pas- fait taire la salle auparavant, bavarde. La tension reste.

Puis Kandle nous raconte qu’elle est très contente d’être là, d’autant plus que Mamy a fait la surprise et est venue voir le concert avec toute la famille. La tension s’écroule.

Malgré toute la sympathie qu’évoque la jeune fille, comment ne pas regretter que l’ambiance soit basculée vers la fête de famille!

Le jeu de femme-enfant fatale et mystérieuse disparu, même si il faut bien avouer que lorsqu’elle nous fait remarquer qu’avec sa robe, elle est assortie à la boule disco du plafond, on a envie de rire.

Difficile alors de maintenir la bande sonore du film qu’on s’imaginait à l’écoute de l’album, la faute à de trop nombreuses interventions hors de propos. Il faut attendre le triptyque de fin My Name / Not Up To Me / Demon pour que le concert lève, que les musiciens touchent la mystique qu’ils évoquent et que nous retombions dans le film.

Le fruit est encore vert, mais laisse présager une belle récolte. Les efforts de mise en scène, notamment les jeux d’ombres de l’arrière-scène mettront bientôt la touche finale au propos intouchable de la jeune femme. Dare To Care ne cache pas vraiment un espoir international pour Kandle, ne reste qu’à espérer que Mamy ne vienne pas à chaque prestation.

 

Texte Marien Joly