Les troublions d’Atlanta débarque au Corona avec le parfum de la décadence pour nous servir leur rock n’roll (en français : bascule et tourne) au son grassement injecté de fuzz. Dès 20h le Corona se remplit, lentement mais sûrement. Grosse soirée en vue pour Nancy au bar qui devra multiplier les acrobaties et se transformer en Squiddly Diddly.

Mais qui sont les Black Lips?

Avec des tournées au calendrier chargé (style record mondial) soit 12 spectacles en 3 jours au festival South by Southwest. Des tournées en pays inusités : Égypte, Irak, Jordanie et un séjour en Inde où un spectacle fut accompagné d’une expulsion manu militari pour grossière indécence. Une tournée mexicaine où un album live fut enregistré dans un bar à prostituées. Des crachats, du roulage de pelle entre guitaristes, des pipis sur scène. Une influence marquée par les années 60 des Sonics, Kinks, 13th Floor Elevators et d’autres plus obscures comme Los Saicos (groupe péruvien célèbre pour le méga-tube Demolicion). Des paroles au goût douteux, un son mâtiné d’effets primitifs, des instruments accordés par un technicien sourd, des voix mal assurées, apparence négligée comme sur un 7ième jour de cuite consécutive. Rien de très sophistiqué. Le tout servi avec enthousiasme et énergie, à l’image de Steve Bégin ancien porte couleurs des Canadiens de Montréal qui à défaut d’un grand talent est devenu un favori de la foule grâce à son acharnement et son intensité.

En excluant leur apparition éclair pour le festival Osheaga en 2012, les Black Lips ne sont pas venus à Montréal depuis 2011. Avec 7 albums dans leurs sacs bananes et un répertoire à rendre Ringo Star neurasthénique, le groupe est attendu comme la 25e coupe Stanley. Le décor est minimaliste au possible, une toile blanche avec le nom du groupe shooté à l’aérosol avec des petites étoiles, un peu de fumée et des projections psychédéliques. Dans tes dents U2!

À 22h pile poil, levé de rideau. Les 4 enfants sauvages montent sur scène dans l’ordre habituel et la soirée commence avec Family Tree, tube du 6e album Arabian Mountain, dans la foule c’est l’euphorie, le parterre s’agite, vu du balcon c’est une grosse ruche de guêpe. Un spectateur enthousiaste monte sur scène et passe près de repartir avec le pédalier de Cole. Qu’à cela ne tienne la sécurité se resserre, c’est le jeu du chat et de la souris. Le groupe enchaine une quantité de hits garage mélodique : Raw Meat (version non sifflée), Modern Art, Get Out And Get It, New Direction et bien sûr O Katrina!, Bad Kids et Sea Of Blasphemy. Quelques pièces du dernier album dont Smiling et Boys In The Woods, leur version crade de Hippie Hippie Hourra de l’ami Jacques Dutronc, le tout balancé à la vitesse Ramones, peu d’interventions entre les pièces.

C’est pas mal, mais la folie habituelle n’est pas au rendez-vous. Par contre même un soir ordinaire les Black Lips torchent un paquet de groupes. Cole guitare-chant-crachats est obnubilé par son petit séquenceur bruyant et ne semble pas s’entendre avec Jared, basse-chant. Ian, à la guitare reste dans son coin et ne cherche pas trop l’attention. Joe est hilare derrière sa batterie comme toujours, chante sur quelques pièces, Short Fuse entre autres. Un rappel court, à peine plus de 15 minutes, avec au programme Bow Down & Die, une pièce des Almighty Defenders (super groupe formé pour un album avec leurs potes montréalais King Khan et BBQ).

Un spectacle honnête sans plus, un peu bref 1 h 15, pour les Black Lips c’est très moyen, pour les avoirs vus plusieurs fois ils sont capables de beaucoup plus. Dommage pour un groupe possédant un aussi vaste répertoire, il manquait certains classiques comme Cold Hands et Drugs. Qui sait peut-être que les gars se sont trop éclatés avec le lapin de Pâques la veille, maudit chocolat.

Texte : Fred Lareau