Mass Hysteria sort un nouvel album «Matière noire» le 23 octobre et pour cette occasion David et Dany ont écouté les 11 titres que composent ce nouvel effort des Français et voici ce qu’ils en pensent.
Artiste: Mass Hysteria
Album: Matière noire
Label: Verycords
Date de sortie: 23 octobre 2015
Genre : Métal industriel
Mass Hysteria – c’est plus que du metal
Le groupe français Mass Hysteria est venu nous présenter leurs plus grands succèes lors de leur passage aux Foufounes Électriques en août dernier. Les vieux routiers avaient alors donné une performance endiablée mais personne ne pouvait présager de la surprise qui nous attendait à la sortie de l’album. Je dis surprise parce qu’on a probablement droit ici, avec l’album «Matière Noire», au meilleur album du groupe en carrière. Je vous entends déjà, bande d’incrédules, me dire : «Meilleur que Contraddiction (1999)? Impossible». Probablement reconnu par les fans comme le meilleur album du groupe Contraddiction est un pur chef d’oeuvre, mais Matière Noire a un petit quelque chose de plus. Une ambiance particulièrement sombre et agressive, encore plus que ce à quoi la bande de Mouss Kelai nous a habitués dans les vingt dernières années.
Le qualificatif « industriel » est toujours bien présent dans certaines compositions mais le mixage relaie en arrière plans les sons plus électroniques pour laisser davantage de place à l’abrasivité des guitares. Les éléments d’électroniques servent plutôt à créer des moments épiques que mélodiques, par exemple lors des refrains de Vector equilibrium où les voix grégoriennes ajoutent de la gravité aux propos. La pièce L’Enfer des Dieux bénéficie également de la touche électro en lui donnant une nouvelle perspective plus universaliste, allant de pair avec la thématique (le fanatisme religieux).
Le groupe tend toutefois à s’éloigner du son rap-métal classique, entendu mille fois dans les années 90. L’album se rapproche plutôt de certaines sonorités Trash, voire Hardcore. Certaines parties de guitare laissent entendre une influence plus près de Max Cavalera (ex-Sepultura, Soulfly) principalement sur Chiens de la casse, Tout est poison et À bout de souffle, que de Tom Morello (RATM, Audioslave).
Matière Noir projette le groupe dans la postmodernité avec tous les paradoxes que ça comporte. Cet album assurera la postérité de Mass Hysteria et les inscrits dans les annales comme un groupe d’une très grande importance libre et enragé, mais plein d’espérance et d’ambitions.
REFUSE AND RESIST!!! « N’oublions jamais que nous faisons partie de ceux qui bouffent la vie. »
Longue vie aux hérétiques. Longue vie à ceux qui marchent debout. Longue vie à ceux qui veulent un pays.
Meilleures pièces :
Mère d’iroise
Plus que du métal
L’Enfer des dieux
Texte: David Atman
Mass Hysteria: «Si le silence est d’or, le bruit est de métal»
Bon, on ne va pas se leurrer, se mettre la tête dans le sable, faire l’autruche, dévier le regard, se fermer les yeux, se faire des illusions, se raconter des histoires ou tout autre synonyme: la musique francophone, ce n’est pas tout le monde qui aime (j’oserais même dire qu’une majorité déteste). C’est dommage, mais c’est un fait plutôt vérifiable. Il n’y a qu’à comparer les ventes de musique franco versus les ventes de musique anglo pour en faire le constat. Certains affirment trop entendre les paroles et perdre la musique de vue (que voulez-vous, ça prend de tout pour faire un monde), alors que d’autres sont simplement agacés par le découpage des mots, ce que l’on appelle les pieds. Je suis de ceux-là. «C’est moins harmonieux, ça coule moins bien…» Je suis aussi de cet avis. Or, il ne faut pas non plus demeurer borné. Il existe de la musique francophone respectable comme il existe de la musique anglophone de facture carrément détestable. Il faut se le dire: la langue ne fait pas la musique! Je suis du type ouvert, toujours curieux d’en entendre plus. Je suis aussi du genre à mettre mes préférences et mes préjugés de côté. Dans le pire des cas, je me dis seulement: «Allez, écoute, donne-toi la peine d’essayer. Dans le pire des cas, tu appuies sur le petit bouton avec un carré dessus (le fameux bouton “stop”), et c’est marre!»
L’éditeur du webzine Daily Rock m’a demandé cette semaine de couvrir le nouvel album de Mass Hysteria qui sortira le 23 octobre prochain. Et bien honnêtement, je lui ai répondu d’emblée: «bah ouais, d’accord, je n’aime pas trop la musique en français, mais je peux bien donner un coup. Faut voir!» Vrai comme je vous le dis. Eh bien, une fois encore, belle découverte que je n’aurais pas faite par moi-même. À l’usure, je crois qu’on va m’avoir. J’ai couvert Anonymus (un groupe du Québec que j’adore), Orakle, Ragaraja et maintenant Mass Hysteria. Et ça n’a pas été une torture; au contraire! Moi qui aime la crasse, l’électricité, la violence musicale contrôlée, les textures auditives, les textes intelligents et lucides, j’en ai eu pour mon argent.
Matière noire est le huitième album de la formation française. Personne ne pourra leur apprendre leur métier. Mass Hysteria, c’est une institution, littéralement. Et bien que la musique francophone me laisse parfois perplexe avec ses lieux communs, son manque d’audace ou son énergie déficitaire (du moins, avec la musique franco qui joue à la radio), j’ai dû remettre mes idées reçues au rancart. Car le nouveau de Mass a de la gueule, du culot et du voltage!
Je ne suis pas un fan de la première heure; je les connais cependant de réputation. J’ai donc eu à faire mes classes et faire l’écoute des albums les plus récents du groupe pour me faire ma propre idée. Comme certaines personnes qui saisiront le train au passage comme moi, je fus ébahi par la remarquable efficacité de leur composition, demeurant un instant fixé sur Failles (2009) et L’Armée des ombres (2012) avant de me lancer la tête première dans le métal monolithique et gargantuesque du nouvel album. J’ai apprivoisé la musique du groupe une pièce à la fois, sans hâte. Je n’ai donc pas fait un saut de l’ange sans filet ni harnais.
Et puis, si je connaissais peu ou pas leur musique, je n’étais pas en terre inconnue pour autant. J’ai perçu un tas d’influences dans la nouvelle mouture de Mass Hysteria. J’ai d’abord vu dans les claviers de Vector Equilibrium quelque chose de CNK (aussi connu sous les noms de Count Nosferatu Kommando et Cosa Notra Klub), une formation métal industrielle française dont le propos et la formule musicale sont tout sauf superficiels ou puérils. Je n’ai également pu m’empêcher de faire le rapprochement entre certains de mes groupes préférés dans le métal industriel tels que KMFDM, Rammstein et Marilyn Manson (à une certaine époque).
Puis la chanson Notre complot m’a fait penser aux airs electro-punk de Métal Urbain et de Bérurier noir, ces pionniers de la barricade et du cocktail Molotov. D’ailleurs, si on substituait la rudimentaire boîte à rythmes de Dédé (le troisième Béru) par la batterie expéditive de Raphaël Mercier et qu’on remplaçait la guitare de Loran par celles de Yann Heurtaux et Frédéric Duquesne (le nouveau guitariste et réalisateur du groupe industriel), on n’y verrait que du feu. On sent sans conteste dans la rage et la contestation de Moustafa Kelai et la bande Mass Hysteria, un esprit très «squat parisien», très «straight edge», très activiste enragé, très 1789, très «foutons le feu!». Et en fans de métal, d’industriel ou de punk, à qui ça peut déplaire, hein?
Or, cette dernière comparaison ne tient la route qu’en théorie. Parce que Mass Hysteria secoue bien plus que ça! Avec sa batterie martiale, ses guitares très lourdes et ses exquis claviers structuraux, L’espérance et un refus et Tout est poison m’ont tout de suite fait penser à Rammstein à l’époque de l’album Mutter ou au groupe allemand KMFDM du temps de WWIII; de l’indus corrosif et alcalin, quoi! Ces morceaux m’ont tout de suite plu. Je me voyais mentalement dans un «moshpit» entre les murs d’une usine désaffectée aménagée pour un spectacle-monstre, envahi par la fumée, les effets pyrotechniques et le béton armé. Franchement, l’énergie et la masse volumique de certaines chansons, comme L’enfer des dieux (ma pièce préférée), n’ont rien à envier aux grands noms de l’industriel et de la musique engagée des Sex Pistols, des Black Flag, des System of a Down ou des «metal heads» contemporains d’ETHS.
En somme, je retire une partie de mes paroles. La musique franco, ça peut être pour moi. À condition que ce ne soit pas de la pop, des vieux succès de Gilbert Bécaud ou des interprètes à deux sous qui n’ont jamais écrit un mot par eux-mêmes. En cette ère où la droite politique gagne du terrain, où la démocratie n’est plus qu’une définition de dictionnaire ou un concept émoussé dont on oublie peu à peu le sens, où les manifs et les mouvements de grèves sont réprimés et avortés (depuis 2012, il faut même annoncer à la police le trajet des manifestations au Québec!), les paroles de Mass font du bien. On se sent moins seul à s’insurger, moins seul à croire que le monde ne tourne plus du tout rond et qu’il n’y a pas qu’au Danemark qu’il y a quelque chose de pourri… Et puis, avec des slogans tels que «Orange mécanique, violence étatique», ou «Tout est poison, le poison c’est la dose!», on se propulse dans l’esprit renfrogné de tout un chacun, n’ayant qu’une envie: celle de hurler et de faire table rase de ce système gangrené et ce diktat déguisé qui sont nôtres. Mass Hysteria, en français «Hystérie collective», c’est aussi une voix: celle du citoyen hypermoderne qui en a marre. J’en suis! Longue vie au quintet français, longue vie à la musique à contenu!
N.B. Sortie prévue le 23 octobre 2015.
Dann Larrivée
13 octobre 2015
Chronique parue simultanément chez Clair & Obscur (France) et Daily Rock (Québec).