Depuis quelques années déjà, à l’image de la faille de San Andreas, Ty Segall est un générateur de secousses telluriques hors-norme. L’enfant terrible de Laguna Beach, surfe sur l’effervescence de la scène underground californienne. Là où certains se prennent dans les algues, lui semble toujours trouver la bonne vague. A presque 28 ans, il enchaîne les albums à une vitesse Beatles-esque, sans se prendre de râteaux dans la gueule.

L’album a été enregistré live and raw, deux soirs de suite, les 26 et 27 février, au Rickshaw Stop à San Francisco en 2014, juste avant la sortie de Manipulator au mois d’août. Segall est toujours en compagnie de ses fidèles : Emily Rose Epstein, la fille filiforme, à la batterie, Charles Mootheart, l’homme de cro magnon, à la guitare et Mikal Cronin, peigné par le vent, à la basse. Après la série des Live At Thirdman de Jack White, c’est maintenant John Dwyer qui s’y met avec son label Castle Face.

Les albums live sont souvent considérés comme des sous-produits de basse qualité. Au cours des années 70, des groupes comme les Sex Pistols inondaient le marché avec des enregistrements inaudibles et moribonds. L’achat de disques tel que, The Rest Of The Sex Pistols Live, causait immanquablement une forte déception une fois arrivé à la table tournante.

Pourtant, avec peu de moyen on arrive à de bons résultats. Ici, c’est enregistré directement à partir d’un Tascam 388, une console analogique 8 pistes. Il suffit d’actionner les bons pitons et de ploguer les fils à la bonne place. Ce que John Dwyer semble être capable de faire. Ty Segall et sa bande, eux, s’occupent du reste : un set-list bien rodé, impeccablement torché, évidemment plus cru et brutal que sur les albums studio, sans édulcorant. Le groupe gagne en confiance et en maturité. Segall, Fender Mustang en mains, équipé de sa fameuse pédale Fuzz War, explose les notes à s’en faire péter les tympans. Rien de bien compliqué, mais c’est terriblement efficace. S’il continue sans bouchons il deviendra sourd à 29 ans… Vive le rock!

Les quatre premières pièces proviennent de l’album Slaughterhouse, le plus radical de la discographie du jeune barde californien. Les pépites pleuvent violemment les unes après les autres, c’est du lourd! Très à l’aise lors de ses rares interventions, le chanteur-guitariste se fait gouailleur et invite les fans à se manifester s’ils veulent être entendus sur le live record. En apéro, c’est Wave Goodbye qui débute au son de la basse linéaire de Mikal Cronin. Ensuite, comme un fauve, la guitare de Ty se pointe et rugit, gorgée de fuzz, un climat inattendu. Il se permet même de déconner grave sur Slaugherthouse.  Trois morceaux de Twins sont balancés pédale au plancher, dont Thank God For The Sinners, joué à la télé en 2012 au Late Show With Conan O’brien. Skin et Standing At The Station, issus de la période lo-fi-pré-pubère de Segall, se démarquent du lot par leur son garage primitif qui rappelle les Gories de Mick Collins, angles obtus en moins. Feel, est la seule pièce de Manipulator figurant au set-list, le disque étant en chantier au moment de l’enregistrement. L’album ne manquera pas de stimuler vos synapses, et peut-être, vous faire acheter un billet pour la prochaine prestation du bambino joufflu.

Un bel objet pour les fans en attendant le prochain album. A écouter si vous aimez : les Wipers de Greg Sage, Oblivians, Black Flag, Mudhoney, le surf, la bière et les costumes de bain.

Texte: Fred Lareau