L’Amérique du Nord n’a jamais été leur terrain de chasse favori, mais après 7 ans d’absence, il était temps pour le groupe britannique Placebo de se remettre en selle et de nous offrir une bonne piqûre de rappel. Et ça n’aura fait de mal à personne.

Après un concert en 2007 au Métropolis, un autre annulé en 2009 pour raisons de santé du chanteur Brian Molko, le manque se faisait ressentir chez les fans de Placebo. Mais des centaines de festivals et de concerts à travers le monde n’ont rien ébranlé de leur talent, loin de là. Seule ombre au tableau : plus de Taste In Men, de 36 Degrees ou encore de Nancy Boy. Époque où le groupe produisait encore des albums bruts et torturés, qui prenaient littéralement aux tripes.
Depuis Sleeping with Ghosts ­ – paru en 2003 ­ – leur musique a pris un autre tournant, leur formation aussi. Steve Hewitt remplacé par le batteur Steve Forrest depuis 2008, des paroles moins sulfureuses, des albums plus « lisses ». La provocation et la noirceur mises de côté, le groupe nous aura injecté une bonne dose de rock’n’roll, bien méritée.

C’est sur un remix de Pure Morning, extrait de l’excellent Without You I’m Nothing, ­ que Brian et ses acolytes débarquent sur une scène au décor plutôt simpliste. Cependant, Placebo fait partie de ces groupes qui n’ont pas besoin d’artifices pour briller.
Quant à la setlist, il est dommage que tant de « nouveaux » titres s’y soient glissés, à commencer par B3 ­ – EP sorti en 2012. Un début en demi-­teinte vite rattrapé quand Molko entame For What It’s Worth, qui semble réveiller une foule quelque peu endormie. Mais c’est véritablement après Loud Like Love que le public manifeste enfin son enthousiasme lorsque, sa fameuse guitare Gibson SG rouge en main, Brian Molko balance les premiers riffs d’ Every You Every Me – un des plus gros succès du groupe, connu aussi pour figurer sur la bande originale du film Cruel Intentions. Un morceau viscéral et incisif, comme une flèche en plein coeur.
Scene of the Crime, A Million Little Pieces, Rob the Bank ou Purify – tous extraits de leur septième et dernier album Loud Like Love, sorti en 2013 – agissent comme un narcotique, au grand dam des fans.

La salle est immobile, seule la voix nasillarde de Molko résonne dans la salle, que ce soit lorsqu’il chante ou lorsqu’il remercie – en français – le public de son accueil chaleureux. Néanmoins, tous n’attendent qu’une seule chose : les anciens tubes qui ont fait le succès du groupe et qui, bien que plus sombres et plus douloureux, n’en restent pas moins des arguments de poids. On citera notamment One of A Kind ou encore Meds, tous deux extraits de leur cinquième opus, Meds. À noter que Placebo mise autant sur la qualité que la quantité lorsqu’il s’agit de musique. À chaque chanson sa guitare et le duo Molko/Olsdal prend un malin plaisir à se déchaîner sur des instruments qui ne demandent qu’à être traités avec fougue et véhémence. C’est à croire qu’il aura fallu attendre la fin pour se délecter de leurs meilleurs morceaux.
Enchaînant tout à tour Song to Say Goodbye, la controversée et agressive Special K et enfin The Bitter End – classique, mais efficace – afin de faire monter l’excitation, le groupe en profite ensuite pour disparaître pendant de longues minutes avant de revenir sous les acclamations d’un public chauffé à blanc.

En guise de rappel et après Begin The End, Brian Molko s’attaque à un des plus gros succès de Kate Bush, Running Up That Hill, intense et magnifiquement interprété ; extrait de l’album Covers, une édition spéciale de Sleeping With Ghosts où figurent des titres repris de The Cure, The Smiths, Pixies ou encore Depeche Mode. Un art où le groupe excelle.
Post Blue et Infra­-red, balancés avec énergie, viennent clôturer un show que les Montréalais avaient attendu depuis longtemps. Un Steve Forrest, magistral et puissant, derrière sa batterie, Stefan Olsdal toujours autant en symbiose avec ses guitares et un Brian Molko époustouflant, généreux avec son public et juste assez torturé pour nous prouver que rien n’avait changé, même après 7 ans d’absence et 20 ans de carrière. Que ce soit devant des milliers de personnes ou dans des salles intimistes comme le Métropolis, la musique de Placebo nous fait toujours autant frissonner. En espérant leur retour sur la scène montréalaise avant 2021…

Texte : Marine Lardennois

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