Groupe: Reactive Delusion

Album: Paradox Of Perception

Label: Indépendant

Sortie: 2015

Au Québec, on dit souvent «dans les petits pots, les meilleurs onguents». J’estime que le petit EP de Reactive Delusion répond à cet aphorisme, ô combien vrai. Pas besoin de faire des longueurs pour donner le vertige (même si la première pièce fait 11 minutes, nous tairons ma contradiction). Pas nécessaire non plus de fracasser la grosse caisse à tout rompre pour déménager comme il se doit (bien qu’il faille admettre que Federico Mele ne traite pas sa batterie comme une porcelaine).

En ce dimanche de blizzard où il fait présentement le froid littéralement sibérien de -40 degrés Celsius (un cas rare et isolé, mais qui survient tout de même quelques jours par hiver ici dans l’est du Canada), m’est venue l’idée de réchauffer mes oreilles au son du death metal progressif d’une formation argentine… bah quoi, il fait pas chaud, en Argentine?

Reactive Delusion, c’est un jeune quintet sud-américain qui donne dans le death progressif à grands coups de matraque. Non, il faut oublier le velours avec ces cinq musiciens. Que du growl, pas de clean. De quoi en réjouir plusieurs et faire fuir quelques autres. Mais, pardi, il y a du talent derrière tout ça. Et le tout est une fois de plus auto-produit! Mais où vont-ils puiser toute cette aisance, tout ce dynamisme, toute cette fluidité que l’on aurait pourtant tendance à attribuer à une formation ayant 20 ans d’expérience et plus? Il y a du talent qui se perd… Mais où êtes-vous, agents à la con? Vous n’avez pas l’impression que l’or vous file entre les doigts? Laissez donc tomber les Justin Beiber, les Selena Gomez et ces jeunes cons sans talent qui ne marqueront pas l’histoire, mais qui laisseront plutôt leur marque sur le plus vil papier de toilette (car oui, ces jeunes écervelés corrigés avec «auto-tune» sont à chier, ne dites pas le contraire!).

Reactive Delusion-band

Et pendant que de solides pièces telles que «Glow» démontrent que le metal progressif est complexe, complet, co-éternel avec l’intelligence musicale et le spectre quasi-infini de la théorie musicale moderne (laquelle fait dans la décomposition et la déclinaison de gammes en sortant volontairement du cadre), on ignore pareille musique, la confinant exclusivement à un petit groupe à l’oreille avide, volontaire et consentante. Et cela est bien regrettable, car si le monde était juste, sensé, esthète comme il devrait l’être, pareille musique ne passerait pas sous silence. Et puis, nom de Dieu, les guitares d’Emiliano Tula et de Nicolás Palacios sont d’une structure telle qu’il en vient à se demander si elle n’a pas été exécutée par un ingénieur en structure sonore, un Nobel en mathématique ou en mécanique quantique tant elle éclate le carcan de la théorie, tant elle confronte la linéarité avec une audace sans pareille! Nourrie d’un jeu de guitare fulgurant similaire à celui du guitariste de Killswitch Engage et d’un esprit pluridisciplinaire proche de celui des musiciens de Serdce et d’Obscura (groupe sur lequel je reviendrai dans une chronique à venir), la musique de Reactive Delusion conjugue harmonies, rapidité, technicité, intensité (voir tous les putains de solos que comporte chaque titre), en plus d’airs plutôt jazzy (voir intro de «Glow») et de consonances étrangères (on pensera notamment à la finale très orientaliste de la pièce «Blessed»). Pas étonnant que cette musique m’ait séduit.

Pour tout amateur de musique intelligente, mais qui consent à se faire hurler dans les oreilles (on doit bien comprendre que cet aspect puisse en rebuter plusieurs, on ne peut les blâmer), cette petite mise en bouche de six titres est tout indiquée. Et je défie quiconque de me dire que ces jeunes n’ont pas de talent et qu’on a entendu ce genre de musique mille fois! À celui-là, j’administrerai une gifle avec un gant, le provoquant délicieusement en duel (vous savez bien que je plaisante!). À bon entendeur, salut!

P.S. Pardonnez mon mépris envers l’industrie de la musique, je sais que j’y reviens souvent, mais je ne peux pas concevoir une connerie aussi congénitale. Non, mais, on lance un album de Rihanna pendant qu’on ignore volontairement des génies musicaux sous prétexte que le grand public ne mange pas de ce pain-là! Foutaise, il n’en mange pas parce que vous ne lui en suggérez pas. Si un jour un producteur lit ceci (et les chances sont nulles, je le sais), eh bien j’aimerais qu’il mette ça dans sa pipe: les producteurs de la grosse machine sont des branleurs! Voilà, c’est dit!

Musicalement et passionnément vôtre,

Dany Larrivée

https://reactivedelusion.bandcamp.com

Chronique parue simultanément chez Clair & Obscur (France) et Daily-Rock (Québec).