Il est toujours difficile d’introduire des musiciens comme Steve Hill.

Avec une carrière qui a débuté il y a 20 ans et qui est jalonnée de nombreuses récompenses telles que Maple Blues Awards et un Juno Award pour « album blues de l’année » en 2015, Steve est à la fois guitariste / chanteur / harmoniciste / drummer et producteur ! Une chose est cependant certaine, Steve Hill est incontestablement un grand nom de la scène blues canadienne et un incontournable de la musique à Montréal.
A l’occasion de la sortie de son nouvel album « Solo Recordings Volume 3 » (sorti ce 3 Mars), Steve nous recevait au Verre-bouteille pour sa soirée de lancement d’album. Entrevue avec un musicien brillant, intègre, généreux et avant tout passionné de musique.

D.R : Personnellement, comme beaucoup de gens j’ai l’impression, je t’ai découvert avec « Solo Recordings Volume 1 » puis le volume 2, qu’est-ce que le Volume 3 qui sort aujourd’hui apporte de nouveau à l’univers de Steve Hill ?

S.H : Le vol.2 était très différent du vol.1 et le vol.3 est très différent du vol.2. C’est toujours moi, mais la grande différence est que quand j’ai fait le vol.1, j’apprenais à faire ça, à faire des rythmiques avec mes pieds en même temps que je jouais et que je chantais pendant que j’enregistrais l’album, c’était tout nouveau.
Je descendais dans mon studio, j’avais une idée de chansons, je travaillais dessus, ça prenait peut-être deux jours, et puis je trouvais quoi faire avec les pieds, c’était plutôt rudimentaire. Je tapais du pied à terre avec un micro ou j’avais un « bass drum », des fois « bass drum » plus « Hi-Hat » sur quelques chansons et puis c’est tout.
J’ai joué 175 shows pour la tournée vol.1, j’ai rajouté le snare puis un autre pickup de guitare pour pogner le son de basse des grosses cordes.
Quand j’ai enregistré le vol.2, j’ai rajouté la cymbale avec la baguette de drum au bout du manche. Ensuite, il y a eu la tournée de 170 shows du vol.2, tout ça à pris de l’ampleur, je me suis vu capable d’avoir des rythmiques beaucoup plus complexes, un son plus rempli. J’ai rajouté le Hi-hat pour jouer à la baguette, mon « playing » d’harmonica s’est amélioré, mon playing de guitar, mon vocal, l’écriture des chansons…

D.R : On l’a compris, tu joues de tout sur scène et en studio, chant, harmonica, guitare, drums, est-ce un choix artistique de ta part ou c’est juste parce que tu n’as pas trouvé de musiciens qui te convenaient ?

S.H : J’avais un band, mais je n’y arrivais pas alors j’ai du commencer à faire des shows solo pour survivre, ce n’était pas une question de choix, mais juste de survie, c’était la seule possibilité. Alors, je me suis mis à booker des petits shows, j’ai parti ma compagnie de disque, je me suis mis à gérer mes affaires moi-même J’ai fait le vol.1 comme ça et c’est mon album qui a vendu le plus en carrière !!!!!

D.R : Est-ce que tu crois que c’est le nouveau « business model » pour les jeunes musiciens qui veulent débuter une carrière, avoir son propre home-studio, se produire, avoir sa propre compagnie de disque ?

S.H : Je n’ai pas enregistré le vol.3 dans mon home-studio, j’avais un peu de budget, mais j’ai fait toute la pré-production dans mon home-studio, après ça je suis parti en tournée un mois et demi, qui m’a amené d’un océan à l’autre au Canada pour jouer les chansons et ensuite j’ai enregistré l’album en cinq jours dans un top studio sur tape, la grosse affaire !
Moi, je me suis monté une super équipe aussi bien pour le Canada qu’en dehors du Canada pour la promotion, pour booker des spectacles.
J’ai une bonne équipe technique aussi avec moi et là c’est moi qui décide et puis je n’ai jamais eu le succès que j’ai maintenant depuis que je suis tout seul, mais pour d’autres mondes, ça peut être différent, c’est du cas par cas. La « business », elle change et il faut s’adapter.

D.R : En ce moment, il y a un retour du blues et du vintage en général avec notamment des musiciens comme Joe Bonamassa, est-ce que tu penses que tu « profites » un peu de cette mode en terme de notoriété ?

S.H : J’ai commencé en même temps que Bonamassa, je dirais qu’il y a des années ou le blues va bien et des années où c’est plus difficile. En ce moment, je ne dirais pas que ce sont de grosses années, les années 90 c’étaient des grosses années pour le blues. Je dirais que de nos jours, il y a bien des styles qui peuvent fonctionner, il faut aussi être curieux et avec l’internet, pour les jeunes qui aiment la musique, les portes sont grandes ouvertes…

D.R : Dans la vidéo « Damned » tirée de ton dernier album « Solo Recordings Volume 3», on te voit enregistrer tous les instruments en même temps et on voit défiler une bande analogique. Est-ce que tu peux nous parler un peu plus du processus d’enregistrement ?

S.H : Oui, j’enregistre tout en même temps, en analogique, ça me permet d’avoir du « tone » ! Ça me permet d’avoir un bon son, après ça si je veux éditer des affaires, si je veux prendre le premier couplet de la 3ème take ou le solo de la 8ème take, je le fais sur l’ordinateur. En fait, j’enregistre sur le tape, après ça, ça va dans l’ordinateur, ensuite on mixe et on retombe sur du tape donc tu pognes le son de ça, c’est ça qu’est le fun !

D.R : Je t’ai vu sur scène au festival de blues de Mont-tremblant l’été dernier, l’énergie que tu dégages est vraiment énorme, en quoi selon toi le « live » d’une scène est-il différent du travail en studio, as-tu deux approches différentes ?

S.H : C’est différent, mais en même temps, vu que j’enregistre déjà « live » en studio… Après je vais moins étirer les tounes en studio, je vais faire les solos beaucoup plus long sur scène que sur l’album. Je garde ce que je j’aime, je coupe ce que j’aime moins et puis en spectacle, je peux prendre beaucoup plus de liberté, tout dépendamment de la réaction du public, si je vois que je fais de quoi et que ça se met à crier, hé bien, je sens que je vais le faire deux fois !!!!!! (rires)

D.R : Tu as enregistré ton premier album en 1997 il y a presque 20 ans, quel regard portes-tu sur le musicien que tu étais à l’époque et en quoi tu as le plus évolué ?

S.H : Bah écoute, j’étais un enfant !!!! J’ai commencé un band à 16 ans en 1991, j’étais capable de jouer de la guitare, je faisais des bons solos, mais tu sais, je n’étais pas un artiste. En même temps, je n’ai jamais arrêté de travailler et de peaufiner mon art, il y avait l’essence, mais comme on dit 10% c’est le talent et 90% c’est le travail. Ça fait 25 ans que je fais ça et oui j’aime ça et je veux avoir de plus en plus de succès, mais c’est aussi personnel, je veux être fier de ce que fait, je veux avoir du plaisir à jouer. Pour moi, c’est important d’être intègre, d’être fidèle à moi-même.

D.R : Tu as gagné de nombreux prix comme des Maple Blues Awards, quatre l’année dernière, un Juno Award pour « l’album blues de l’année », est-ce que cette reconnaissance est importante pour toi ?

S.H : C’est tout le temps le fun quand tu les reçois ! Quand j’ai gagné le Juno Award l’année dernière, c’était un feeling écœurant, c’est une récompense fantastique, mais ce n’est pas pour ça que je fais de la musique.

D.R : Est-ce que ces prix ont eu un impact sur ta « notoriété», l’affluence aux shows… ?

S.H : Dans le Canada anglais oui, au Québec, ça allait déjà très bien, mais les médias ne parlent pas forcément plus de moi parce que j’ai gagné ces prix-là… Après mes salles sont pleines, je vends mes albums et je prends du plaisir à faire ce que je fais alors…

D.R: Est-ce que tu peux nous parler un peu de tes influences, des artistes qui ont participé d’une manière ou d’une autre à ton épanouissement en tant que musicien ?

S.H : Je joue beaucoup de musique et j’en écoute encore plus et ça même avant de jouer de la guitare. Quand j’ai commencé à jouer de la guitare, c’est parce que j’ai entendu Cream, Hendrix, Zeppelin, ça, ça m’a vraiment fait tripper. The Who, les Beatles, les Stones…et à travers ça, j’ai découvert le blues, mais j’étais très jeune, je pense que j’ai acheté ma première cassette de Muddy Waters, j’avais 13 ans ! Howlin’ Wolf, Robert Johnson, les frères Vaughan, Albert Collins, Freddie King, B.B King, Albert King, la country avec Weylon Jennings puis tu arrives dans le jazz avec Miles Davis, John Coltrane, Wes Montgomery et tu arrives dans le metal, Judas Priest, Black Sabbath, il y a du bon dans tous les styles.
A un moment donné, tout ça a fini par m’influencer, c’est sûr que j’ai un style blues/rock, ce sont mes premiers amours, on dirait que ça, ça ne partira jamais, mais je n’écoute pas juste ça, tu vois ces temps-ci j’écoute beaucoup Miles Davis, avant ça pendant un an et demi, c’était juste du Grateful Dead, huit heures par jour !!!! (rires)

D.R : Dernière question, quelle est la suite pour Steve Hill avec la sortie de ce nouvel album « Solo Recordings Volume 3 » ?

S.H : La tournée commence mercredi (9 mars ndlr) à Kitchener en Ontario ensuite Toronto, Ottawa, ensuite, on revient au Québec pour deux mois et demi à peu près, on retourne en Ontario puis l’Ouest canadien après ça, les festivals cet été, en fait, je pars en tournée pour un an et demi !!!

D.R : Steve, bonne chance et bonne tournée !

S.H : Merci !

Entrevue réalisée par: Ronan Le Hec’h