Groupe: Votum

Album: Ktonic

Label: Inner Wound Recordings

Sortie: 2016

J’ignorais jusqu’à maintenant l’existence de Votum. Diane Messier, une collègue et amie amateure de musiques progressives, a un jour publié une vidéo promotionnelle pour: Ktonik: le nouvel album du groupe polonais. C’est en partageant de la sorte, à travers les réseaux sociaux, les groupes de discussion et les médias de masse qu’il devient alors possible de découvrir ce que nous n’aurions pu découvrir que trop tard ou peut-être jamais par le passé. J’ai beau être de ces néo-luddistes qui prônent le retour à zéro, le retour à la terre et au travail manuel, qui dit: «à bas la technologie et la mécanisation, les médias de masse et l’hyper-progressisme technique de nos modes de vie en général», il n’en demeure pas moins fascinant de constater à quel point un usage approprié des technologies actuelles permet de nager à travers un univers des possibles qui s’étend à l’infini. Bon, le revers de tout ceci est facilement décelable; comme le disait l’auteur belge Bernard Werber, auteur de la trilogie des Fourmis et des Thanatonautes: «il n’y a pas pire censure que la désinformation, le foisonnement d’informations et la surabondance d’informations». Ceci me semble vrai. Tous ces médias permettent de mettre en vitrine un nombre inimaginable de musiques indépendantes (qui autrefois seraient cantonnées au voisinage de chaque artiste), alors que ceux-ci nous font également perdre de vue le grain de sable dans une plage qui en contient des milliards de milliards. Mais bon, à toute chose il y a deux aspects. On n’y coupera pas!

Je disais donc que mon amie Diane a publié il y a quelques jours la vidéo de la chanson «Spiral». D’abord intrigué, car tout ce qui touche à la science, la métaphysique et le nombre d’or m’attire et me fascine (la spirale dorée, la suite de Fibonacci, ça vous dit quelque chose? Théorie des divines proportions, le nombre Pi… toujours pas?). Bon, enfin, le titre en lui-même a piqué ma curiosité. Et puis, j’ai appuyé sur «Play». Wow! Je suis tombé à la renverse. Le morceau en tant que tel venait me rejoindre au plus profond de mon être. Rien de moins. Dès les premières notes, j’y décelais une influence du Deftones des bonnes années. Et qui suit mes chroniques sait à quel point je suis adepte de la bande à Chino Moreno! Je suis donc resté accroché à ce formidable titre qui, bien qu’inspiré musicalement par le groupe californien, avait quelque chose qui lui était propre. Peut-être sont-ce les claviers très aériens, voire olympiens de Zbigniew Szatkowski, la basse très présente d’Adam Łukaszek (une basse qui me rappelle celle de Shob, l’excellent bassiste de Thousand Ravens) ou la voix très portante, très «montagneuse» du nouveau chanteur Bartosz Sobieraj (une voix au timbre similaire à celui de Corey Taylor de Slipknot et Stone Sour sans la raucité, voir à ce sujet la pièce «Blackened Trees», mais aussi à la voix du chanteur de Sullen). J’ignore ce qui fait de cette unité, de cette entité ce qu’elle est. Peu importe… ça marche !

Je ne sais pas, la combinaison des lignes de basse et la rythmique embrumée des guitares et de la batterie, qui me rappellerait les Alpes si j’y avais mis les pieds autrement qu’en rêve, ont quelque chose d’envoûtant, de berçant. À d’autres moments, l’énergie cumulée par tous ces instruments (domptés par des maîtres en la matière), donne l’impression de décoller, de quitter la stratosphère vitesse grand V à la façon d’un Iron Man ou d’une navette en partance de Cap Canaveral. Je songe notamment à la pièce «Simulacra», un morceau très puissant en introduction dont la portée et l’amplitude me font penser à quelques titres sur Liebe Ist Für Alle Da de Rammstein, aux chansons « Prometheus » et « Horizontal », des morceaux aux entrées magistrales à la « Reise, Reise » où l’on aurait l’impression d’accueillir avec stupeur et tremblements le roi de Perse sur son immense trône dans le film 300.

Mais ce qui retient mon attention, hormis les emphatiques introductions des morceaux susnommés, c’est l’ambiance de pièces telles que « Last Word ». Ces passages oniriques, poétiques et contemplatifs font partir à la dérive le moindre atome de l’âme. L’esprit de l’auditeur s’en retrouve éparpillé, mêlé aux particules élémentaires, au vide et à l’énergie latente du monde moléculaire. Et si la métaphore vous semble poussée, osez donc écouter « Last Word » en regardant l’extrait du film Blade Runner où Deckard, joué par Harrison Ford, joue d’une note au piano, un verre de scotch à la main, regardant une vieille photographie (un souvenir-implant) alors qu’il attend Rachel, la sensuelle replicant au look rétro. Coupez le son de la trame originale de Vangelis et tentez l’expérience. Moi, ça me semble tout à fait approprié; approprié pour décoller vraiment, en fantasme entre réalité auditive et projections mentales. Ouais, Votum frappe fort, très fort. Une sacrée découverte en cet hiver bipolaire, détestable et hargneux. Tiens, j’appose mon sceau d’approbation, j’ose dire que c’est mon coup de cœur de début d’année, rien de moins! Sur ce, merci Diane…

Dan

Chronique parue simultanément chez Clair & Obscur (France) et Daily-Rock (Québec)