Après près de 5 ans de silence, les presque vieux croulants du Kraken lançaient à la Sala Rossa un nouvel album, Érosion. Vétérans de la scène post-fuzz local, ils ont ajouté à la fougue de la jeunesse le muscle de la fleur de l’âge, sans arme, ni haine, ni violence. Attention à la tête.  

Blow The Fuse Records a eu l’aimable idée de ramener à la vie l’animal mythique. Dispensé sur micro-sillons, le gras et l’expérience sont mis à l’honneur et si ce n’est pour quelques maladresses, les vieux loups de mer méritent le respect.

Malgré ce que pourrait laisser entendre le titre, le temps n’a en rien poli le son rugueux qu’on attend d’un tel regroupement de poilus. C’est rauque, agressif, mais quelque part envoyé avec maîtrise et sérénité. On nous offre l’excès, rarement le trop.

Comme pour rattraper le temps perdu, Le Kraken évite les intros à rallonge et les intermèdes inutiles sans pour autant se précipiter. Quand on prend un taquet au ralenti, on a beau le voir arriver le choc reste soudain. Le Kraken fait circuler le sang.

Quelques accalmies nécessaires nous laissent le loisir de respirer par le nez entre deux tempêtes; nous naviguons entre des grains pointure 45 fillettes ponctués de larsens, brefs arcs-en-ciel dans ce paysage toujours humide.

Parce que rien n’est parfait, on trouvera probablement ça et là des partis-pris discutables qui selon les oreilles de chacun pourront être qualifiés de coup de maître ou de faute de goût; au dispensable pont déclamé de Synergie on préfèrera la classieuse sortie chantée de cette même séquence — ou l’inverse. Quoi qu’il en soit les répits sont courts avant que l’orage ne s’abatte de nouveau sur nous, pauvres pécheurs.

Dernière caresse, L’Asperatus nous emmène vers une Terre Sans Maître où Le Kraken nous laisse, rassasié certes, mais pas vraiment surpris. L’aventurier aura eu ce qu’il était venu chercher dans la sourde splendeur des grands fonds marins.

Texte: Marien Joly

Photos: Martin Desbois