N’empêchez pas un démon d’entrer, car il vous déversera ses foudres et vous sombrerez dans un cauchemar sans fin. Aussi dramatique que cela puisse paraître, l’interdiction pour Night Demon de franchir la frontière canadienne a cruellement affaibli l’énergie de la soirée. En l’absence du groupe supposé incarner la tête d’affiche, on appela la formation montréalaise Dealer à la rescousse pour combler ce manque de démons américains. Mais à l’annonce tardive de cette nouvelle, une partie du public s’obtint d’assister aux trois autres performances préalablement prévues. Le Piranha Bar peinait à se remplir et les membres des différents groupes représentaient la majeure partie du public.

La soirée commença alors avec Meet the Mailman, originaire de Québec. Rythmique puissante, influences diverses allant du punk au power metal, attitude humble et grande originalité musicale. Une rythmique à la Children of Bodom, mélangée au son guerrier d’Iron Maiden, sur fond de batterie punk. De plus, les membres ne misent pas sur la flamboyance vestimentaire ou sur des manières scéniques provocantes. Ils laissent leurs compositions parler d’elles-mêmes et nous livrent du matériel solide et innovateur. Leur claviériste, que l’on entend sur leur album «Knock Knock Dead Blood Scream’n Gore»(2014), ne pouvait participer au spectacle ce soir-là, et ceci atténua grandement leur aspect mélodique. Néanmoins, une superbe attaque à la basse, une belle chimie dans la dynamique des guitares, et un chanteur aux influences punk et à la voix versatile, font de Meet the Mailman un groupe rafraîchissant et pertinent pour le milieu musical métal au Québec.

La salle toujours aussi dégarnie accueillit ensuite Dealer, arrivé en renfort. Du Crossover pur et dur, interprété par des musiciens doués et rigoureux. Accents percussifs très secs et solos lyriques, Dealer livre un savant mélange de punk rock et de thrash metal, avec des voix aussi distinctes les unes des autres, allant d’un chant rauque à des cris aigus, ce qui ajoute de l’intensité à leurs compositions. Très adroit et préparé malgré l’effet de dernière minute, le public n’était pourtant pas au rendez-vous, ignorant presque leur performance.

Les minutes s’écoulèrent, le temps d’une cigarette à l’avant du bar et ce fut au tour de Caym de défier cette soirée malheureusement peu entraînante et à l’abandon. Originaire de Toronto, la formation offre un genre de Hard rock/metal core très compact et assez lent comparé aux autres groupes présents. Le guitariste-soliste livra une performance sans embûche et d’une rapidité foudroyante. Ses mains, telles des araignées sur le manche de son instrument, voyageaient aisément pour livrer des solos enflammés qui contrastaient avec des riffs constants et appuyés.

Pour clore la soirée, ce qui semblait être la nouvelle tête d’affiche, les chouchous de Montréal: Mutank. Gagnant du Wacken Metal Battle Canada 2014 et s’étant frayé un chemin jusqu’au plus gros festival métal sur le globe, Mutank sait s’emparer d’une scène. Comme de fait, la salle se combla et le groupe interpréta de nombreuses pistes de leur unique sortie «M.E.C.H metal»(2014). Le début de leur performance paraissait un peu cacophonique tant la batterie semblait à l’arrière au niveau rythmique, résultant en une abondance sonore embrouillée. Malgré tout, ils s’ajustèrent et dévoilèrent leurs aptitudes de thrasher par excellence. En dépit d’un son trop saturé à la guitare, le soliste exécutait ses parties avec brio et la foule commençait à s’échauffer sur ce mélange franc de thrash metal et de punk. Le bassiste-chanteur, Stephen «Steve-out» Reynolds, ajoute une autre strate à la personnalité du groupe, notamment grâce à son utilisation intelligente de l’instrument, autant comme accompagnement qu’en solo et grâce à ses interventions comiques et crues. Mutank a décemment clos la soirée, malgré un sentiment de malaise général face à un public peu nombreux, mais assez engagé pour se présenter au spectacle en toute connaissance de cause. Malgré le fait que Night Demon n’ai pu participer à ce concert, cette soirée agonisante fut sauvée par la présence de tous ces groupes de qualité qui se donnèrent la peine de livrer leur matériel de façon franche et passionnée, devant un public discret, mais patient et dévoué.

Texte: Alexandra Perazzelli