Michel Héroux roule sa bosse dans l’univers musical québécois depuis les années 1990 avec le groupe de fusion Bacchus. Si ses derniers albums étaient beaucoup plus jazz, il nous présente cette fois-ci un «retour aux sources» en quelque sorte. Puisant dans la musique de sa jeunesse, il nous pond un album qui fait revivre les Rush et King Crimson dans un amalgame instrumental tout de même moderne. Le recours à de l’échantillonnage est toujours de bon goût et subtil, notons d’ailleurs le rôle central qu’il a dans la deuxième pièce de l’album «Inukshuk» (Le terme «Inukshuk» vient des mots Inuk, qui se traduit à Être Humain, et du mot shuk qui veut dire substitut. Un Inukshuk est un empilement de pierres de forme humaine construit par les peuples Inuits et Yupik) et dans la pièce titre de l’album «Now». Il faut tout de même que je fasse mon mea culpa, j’ai un bagage en guitare jazz et j’ai beaucoup, mais beaucoup écouté les albums de Mike Stern, Pat Metheney, John Mcglaughlin, Eric Johnson, Robben Ford et surtout John Scofield et j’ai donc approché cet album que celui que j’attendais sans le savoir.

Étant fondamentalement blasé de mon écoute musicale régulière, c’est-à-dire les derniers albums de Jean Leloup (très bon, mais aussi très incomplet), Bernard Adamus (très Bernard Adamus; un chef-d’œuvre «l’erreur» avec des tounnes déprimantes sur la misère de Montréal, mais les histoires qu’il raconte sont moins vibrantes que par le passé), The Raconteurs (du réchauffé même si j’aime vraiment Jack White) et Mike Lettieri (guitariste de Snarky Puppy qui fait du funk sur sa guitare baryton… C’est malade, mais on ne peut pas l’écouter 30 fois de suite), Now de Michel Héroux m’a réintroduit aux lignes sinueuses et pleines de tensions du fusion. J’utilise d’ailleurs le terme fusion avec beaucoup de précautions, car il ne faut pas s’attendre à un album d’UZEB ou Weather Report, on a droit à un album qui groove, qui est joué par un trio guitare/basse/batterie et surtout qui laisse les sons de synthétiseurs de côté au profit de la distorsion, du délai et de la reverb. Tout au long de l’album, on entend des bribes des grands guitaristes du passé, que ce soit avec les lignes arpégées pleines d’extensions faisant passer à Eric Johnson (ou à Joe Bonamassa, pour ce qui ne savent pas qu’il a calqué une grande partie de son jeu sur Eric Johnson, il ne suffit qu’écouter «Cliffs of Dover» et «Different Shades of Blue» pour s’en rendre compte) ou aux doubles stops et aux chops à la Mike Stern. Donc pour en revenir à nos moutons, Now est un album qui démontre la maîtrise et la virtuosité de Michel Héroux et de son groupe. On y retrouve des ambiances denses et tendues, en particulier dans «Boats» qui semble voguer dans l’éther tranquillement, des beaux moments acoustiques «Now» met d’ailleurs en valeur la sensibilité de l’artiste avec une énergie parfois country avec l’ajout de lap steele qui est presqu’aussi inattendue que la voix électronique qui nous incite à «Do it…Do it Now». Le solo qui ensuit est magnifique avec une construction lente qui prend le temps de laisser l’auditeur le suivre tranquillement.